Le juge du tribunal de Bir Mourad Raïs a ordonné, jeudi, le placement en détention provisoire de l’écrivaine et éditrice Zineb Melizi, également connue sous le nom de Salima Melizi (65 ans), tout en reportant son procès à l’audience du jeudi 6 novembre 2025.
La décision est intervenue à la suite de sa convocation dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, en lien avec un commentaire publié sur Facebook au sujet d’Ibtissem Hamlaoui, présidente de l’Observatoire national de la société civile et du Croissant-Rouge algérien. Dans ce message, Melizi critiquait Hamlaoui -celle qui, rappelez-vous se plaignait du bruit que faisaient les manifestants du Hirak Tanekra – et évoquait des allégations de mauvaise conduite et de mauvaise gestion au sein des institutions qu’elle dirige.
Les autorités ont dès lors engagé des poursuites judiciaires à son encontre pour outrage à un fonctionnaire public, menace envers un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, et non-respect de convocations officielles. Autrement dit, Ibtissem Hamlaoui est intouchable et interdite à toute critique.
L’écrivaine Zineb Melizi avait comparu la veille, mercredi 29 octobre, devant la brigade de la Gendarmerie nationale de Bir Mourad Raïs (Alger) pour être entendue dans le cadre de cette affaire. Il lui avait alors été demandé de revenir le lendemain, munie de son passeport. Le même jour, le juge a ordonné son incarcération provisoire, en attendant son procès.
Cette mesure a suscité une vive émotion dans le milieu littéraire et intellectuel algérien, où Salima Melizi est connue pour son engagement en faveur de la liberté de création et pour son franc-parler. Plusieurs écrivains et militants des droits humains ont dénoncé une « dérive inquiétante » du pouvoir judiciaire et une nouvelle atteinte à la liberté d’expression.
Avec l’interdiction de participation au Sila qui frappe les éditions Koukou et Tafat, l’arrestation de cette écrivaine rappelle aux étourdis la réalité des pratiques du pouvoir algérien. Celle d’un système autoritaire qui ne souffre aucune contestation.
« On enferme une écrivaine pour un commentaire critique. C’est la parole, et non la violence, qu’on criminalise », déplore un membre du PEN Algérie, estimant que cette détention « illustre la crispation du régime face à toute voix indépendante ».
Pour d’autres observateurs, cette affaire traduit la fragilité du débat public dans un climat où les réseaux sociaux sont devenus un espace d’expression souvent surveillé. Depuis plusieurs années, des journalistes, blogueurs et militants ont été poursuivis pour des publications jugées offensantes envers des responsables publics ou des institutions.
Zineb (Salima) Melizi n’est pas une figure inconnue : auteure et éditrice, elle s’est imposée comme une voix féminine singulière dans la littérature algérienne contemporaine, mêlant réalisme, engagement et mémoire. Épouse de l’écrivain Abdelaziz Ghermoul, elle partage avec lui une exigence de parole libre et de fidélité à l’esprit critique.
Son arrestation intervient dans un contexte politique tendu, marqué par les commémorations du 1er Novembre et les prises de position officielles appelant à l’unité nationale. Mais pour de nombreux observateurs, le contraste est saisissant entre les discours officiels exaltant la liberté conquise par la Révolution et les pratiques judiciaires qui restreignent la parole citoyenne.
À quelques jours de son procès, prévu le 6 novembre, le cas de Salima Melizi dépasse le simple cadre judiciaire. Il pose une fois de plus la question cruciale du statut de la parole critique en Algérie et du rapport du pouvoir à celles et ceux qui choisissent d’écrire autrement.
Il est utile de rappeler en ce 1er Novembre qu’il y a plus de 200 détenus d’opinion en Algérie. Des Algériennes et des Algériens embastillés pour leurs idées et leur refus du silence devant les errements du pouvoir que représente la dyarchie Tebboune-Chanegriha. Des universitaires, comme Mira Mokhnache, des journalistes, comme le Français Christophe Gleizes, des écrivains comme Boualem Sansal, des poètes comme le jeune Mohamed Tadjadit… sont derrière les barreaux de l’arbitraire.
La réalité est celle-là en ce jour anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance, tout le reste n’est qu’écran de fumée.
Mourad Benyahia

