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Législation sécuritaire : des ONG alertent sur les dérives autoritaires en Algérie 

Tribunal

Les organisations signataires expriment leur vive préoccupation suite à l’adoption, ce mardi 8 juillet 2025 par le Parlement algérien, de deux textes législatifs majeurs : la modification du Code de procédure pénale et la promulgation d’une nouvelle loi relative à la mobilisation générale.

Ces évolutions interviennent dans un contexte de fermeture accrue de l’espace civique et sans consultation ouverte et transparente avec les acteur.ice.s concernés, notamment les organisations de la société civile.

La modification du Code de procédure pénale introduit des dispositions qui fragilisent les garanties du droit à un procès équitable. Il autorise notamment la prolongation de la garde à vue sans autorisation du juge après la clôture de l’enquête par la police judiciaire, ce qui constitue une atteinte grave aux droits de la défense et ouvre la voie à des détentions arbitraires sans base légale claire.

La possibilité du recours à la visioconférence lors des procès est élargie, sans nécessiter le consentement de la personne poursuivie, ce qui compromet les principes de l’oralité des débats et du contradictoire et empêche une appréciation directe des éléments de preuve par le juge et constitue également une atteinte aux droits de la défense.

Par ailleurs, la réforme introduit des mesures attentatoires à la liberté de circulation, notamment à travers l’interdiction de quitter le territoire national décidée par le procureur sur la base d’un rapport de la police judiciaire dans le cadre d’une enquête ouverte, sans possibilité de recours effectif en cas de refus du procureur de lever cette interdiction, ce qui ouvre la voie à une application arbitraire et à des restrictions disproportionnées des libertés individuelles.

Quant à la loi sur la mobilisation générale, il s’agit d’un nouveau texte législatif aux formulations vagues, qui confère à l’exécutif des prérogatives exceptionnelles en matière de réquisition, de contrôle des biens et des personnes, et de mobilisation des ressources civiles et militaires, sans contrepoids institutionnel suffisant.

Dans un État de droit, toute réforme d’une telle ampleur devrait faire l’objet d’un débat parlementaire approfondi, d’une large concertation nationale, et d’un examen substantiel et non expéditif de la conformité des textes avec la Constitution algérienne et les engagements internationaux de l’Algérie en matière de droits humains.

En conséquence, les organisations signataires appellent le gouvernement algérien à :

• Abroger les textes adoptés à la lumière des principes constitutionnels et des instruments internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par l’Algérie.

• Garantir un cadre participatif, transparent et pluraliste pour toute réforme législative ayant un impact sur les libertés fondamentales.

• S’abstenir de toute utilisation de ces nouvelles dispositions à des fins de restriction de l’espace civique ou de répression de l’action pacifique des citoyen.ne.s, des journalistes, des syndicalistes et des défenseur·es des droits humains.

• Préciser clairement les conditions, les limites et les garanties relatives à l’application de la loi sur la mobilisation générale, en particulier en matière de respect des droits fondamentaux.

• L’engagement d’un dialogue national ouvert avec la société civile indépendante sur les enjeux liés à la sécurité, à la justice et aux libertés.

• Permettre un accès effectif à l’information législative et garantir la publication anticipée des projets de loi pour permettre un débat public éclairé.

• Respecter pleinement les engagements internationaux de l’Algérie, notamment ceux découlant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des engagements issus de l’Examen Périodique Universel du pays de 2021, des recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations unies en 2018 et celles formulées par les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la liberté d’association et sur la situation des défenseur·e·s des droits humains à la suite de leur visite en Algérie en 2023, qui préconisent la mise en œuvre d’une réforme législative fondée sur un dialogue réel avec la société civile indépendante, afin de garantir un environnement libre, pluraliste et respectueux des droits humains.

Organisations signataires :

• La Fondation pour la promotion des droits

• Le Collectif de Sauvegarde de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (CS-LADDH)

• Le Collectif des familles de disparus en Algérie

• Libertés Algérie

• L’Alliance Transméditerranéenne des Femmes Algériennes (ATFA)

• Riposte Internationale

• L’Association Féministe Algérienne Tharwa n’Fadhma n’Soumer

• Centre Justitia Pour la Protection Légale des Droits Humains en Algérie

• Euromed Droits  

• MENA Rights Group

• Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains

• Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains

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