Jordan Bardella, Premier ministre en cas de succès du Rassemblement national, Gabriel Attal qui resterait à son poste en cas de victoire miracle : les champions de plusieurs camps politiques pour occuper Matignon sont d’ores et déjà pressentis.
Mais à gauche, on hésite. Ce n’est pourtant pas faute de candidats mais plutôt d’équilibre politique, de mode de désignation et de timing.
Ils sont nombreux, comme Jean-Luc Mélenchon, à se sentir capables d’être Premier ministre en cas de victoire du Nouveau Front populaire (NFP) le 7 juillet. La liste est longue : François Ruffin, Clémentine Autain pour les insoumis, Valérie Rabault, Boris Vallaud, Carole Delga, Nicolas Mayer-Rossignol pour les socialistes, Fabien Roussel pour les communistes. Mais aucun ne fait l’unanimité. C’est même plutôt par soustraction que l’équation est pensée.
Pour les écologistes, socialistes, communistes et insoumis en rupture de ban, il n’est pas question de soutenir Jean-Luc Mélenchon, trop clivant et diviseur pour maintenir la cohésion d’un éventuel gouvernement et surtout trop craint par ses partenaires. Est-ce suffisant pour le faire renoncer ? « Si vous pensez que je ne dois pas être Premier ministre, je ne le serai pas », a déclaré le leader Insoumis dimanche dernier sur France 3.
Attendre pour mieux choisir ?
Cette déclaration, qui peut paraître étonnante, alors qu’en 2022, la Nupes, précédente alliance à gauche, avait fait campagne avec le slogan « Mélenchon Premier ministre ». Ce pourrait être un simple recul tactique pour La France insoumise (LFI) qui veut éviter un système de désignation lui étant potentiellement défavorable.
Alors « voter » comme l’a suggéré le patron des socialistes, Olivier Faure ? « Au lieu de t’inventer une nouvelle primaire, concentre-toi pour faire gagner le Nouveau Front populaire », a cinglé aussitôt le monsieur élections des Insoumis, Paul Vannier via son compte X.
Lors des négociations pour la création de la nouvelle alliance, les Insoumis ont en effet constaté que socialistes, écologistes et communistes pourraient, réunis, dépasser le nombre de députés LFI. Et donc, en s’unissant, pouvoir choisir l’identité du chef de gouvernement sur la base d’une désignation démocratique.
LFI a donc négocié au cordeau l’attribution des circonscriptions pour éviter ce cas de figure menaçant son hégémonie. Tout en freinant sur la question du mode de désignation si ses partenaires pèsent finalement plus lourd à l’Assemblée.
Une question de récit médiatique
Une chose est sûre : personne ne veut désigner de champion ou de championne avant au moins le premier tour. Raphaël Glucksmann, leader du petit mouvement Place publique, et défenseur d’un recentrage de la gauche et des écologistes, a toutefois plaidé pour une personnalité issue de la société civile, proposant le nom de l’ancien patron du syndicat CFDT, Laurent Berger. Une proposition qui a suscité une indifférence polie chez ses partenaires.
Car focaliser la campagne des législatives sur l’identité d’un futur Premier ministre présente le risque de créer de la perturbation en interne et d’imposer le sujet comme principal intérêt médiatique, plutôt que sur le programme ambitieux que souhaite mettre en avant le Nouveau Front populaire.
Cela aurait également l’inconvénient de faire apparaître la gauche et les écologistes comme trop confiants dans leur capacité de remporter ces législatives, et de démobiliser leur électorat, alors que la bataille s’annonce extrêmement serrée.