AccueilCultureLes Abranis (II) : Shamy Chemini, l’autodidacte au mille talents !

Les Abranis (II) : Shamy Chemini, l’autodidacte au mille talents !

Shamy El Baz

C’est carrément une bibliothèque vivante, un puits de connaissances avec lequel on ne voit pas le temps passer. En plus de la musique, parlez-lui de politique, de problèmes sociaux, du pays ou tout autre sujet d’actualité, mais aussi de bon vin, Shamy répond présent !

Shamy Chemini est connu essentiellement pour avoir formé, avec son compère de toujours, Karim Sid Mohand Tahar Abdenour, le premier groupe pop rock de l’histoire de la musique kabyle. Le succès du groupe dépasse rapidement les frontières et les concerts se succèdent à une allure effrénée. Un premier hommage, avec une biographie complète, leur a été consacré sur ces colonnes en avril dernier.

Le parcours de Shamy est atypique et vaut le détour. Cette chronique n’est pas une interview au sens classique du terme mais un résumé de tout ce que l’on peut cumuler comme informations quand le hasard et la chance vous font rencontrer un monsieur de la stature de Shamy.

Enfant des montagnes de Kabylie, notre artiste est né le 26 octobre 1944 à Tilatiouine commune de Legradj, il fut berger jusqu’à l’âge de dix-huit ans.

En 1945, son père avait été emprisonné une année en compagnie de Ferhat Abbas et Bachir Boumaza, à la suite des manifestations et la terrible répression de Sétif, Guelma et Kherrata. Il a ensuite commencé la lutte pour l’indépendance de l’Algérie jusqu’en 1962. Il était parmi les dix personnalités les plus importantes de la Fédération de France.

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À l’âge de treize ans, Shamy a été sauvagement torturé par des harkis engagés dans l’armée française. À la suite de ces blessures, cinq ans plus tard, il été opéré trente-deux fois à l’hôpital de Garches, en région parisienne. Il a entamé avec assiduité une scolarité tardive, à vingt et un ans, par des cours du soir. En dix ans, il obtient cinq diplômes dont le dernier est le brevet de technicien supérieur en électronique.

Voilà pour l’enfance et l’adolescence.

À l’âge de 23 ans, en 1967, Shamy cofonde avec son ami Karim Sid Mohand Tahar Abdenour, le groupe Les Abranis. Ensemble, ils ont porté la chanson kabyle au niveau international que l’on sait. Grâce à leurs efforts, sans aucune aide, l’Algérie a bénéficié de leur aura, bien que le dictateur Houari Boumediene ait tout fait pour les briser. En septembre 1975, les autorités l’ont emprisonné à Sidi Aïch.

Les œuvres des Abranis lui appartiennent en tant que producteur. Pour les compositions, elles sont essentiellement de Karim et Shamy. Les textes sont en grande partie de Si Mohand Ou Mhand. Une autre partie de Karim et quelques-uns de Shamy.

À signaler l’organisation par le groupe du grand gala à la Mutualité, le 15 juin 1975, autour de Slimane Azem et auquel ils avaient participé.

Jusqu’en 1993, le groupe a continué à faire des tournées internationales. Par la suite, notre autodidacte consacre ses talents de conteur à la littérature.

Acteur culturel engagé

Shamy a également été cofondateur de quatre radios libres : radio Gilda, radio Afrique, radio berbère et radio Tiwizi.

À la suite du tremblement de terre d’At Wartilane, en 1999, il réalise un téléthon spécial. 160 millions de centimes avaient été collectés pour l’occasion. Somme qu’il a remis lui-même aux personnes sinistrées, pour éviter des détournements fréquents en de tels évènements.

Les œuvres écrites, romans, contes, documentaires.

Entre 1993 et 2001, Shamy a écrit cinq tomes de la saga romanesque « Orgueilleuse Kabylie ». Parallèlement, des contes en livres et CD, des prénoms kabyles et deux documentaires ont été édités. Plus récemment, les romans « La Fiancée du Soleil » et « Honfleur au cœur » ont complété la liste d’environ quatre-vingts œuvres qui ont enrichi le patrimoine kabyle. Et la liste est loin d’être complète. Parmi les livres récents encore disponibles en ligne, citons dans la série des contes kabyles « Tanina » (2022), « Belle perdrix » (2023), « Youva » (2004), « Mscisna » (2010), « L’épine » (1997). Tous parus aux éditions L’harmatan, à l’exception de « Tanina », édité par Sybous.

Et, comment ne pas saluer le très beau livre « Les Abranis, une légende » ? Un ouvrage de collection dans lequel Shamy revient sur le parcours de son groupe avec de belles photos et des anecdotes croustillantes et distrayantes. Il faut dire que durant sa carrière, notre artiste multistandard a fréquenté les plus grands ; de Djamal Allam à Idir, de Malika Domrane à Cherif Kheddam et Kamal Hamadi.

Shamy est venu à l’écriture grâce à notre regretté Kateb Yacine, lequel l’avait encouragé à prendre sa plume dès les années 1970. Pour notre grand bonheur, tel conseil n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Ses motivations

Quand on lui parle de racisme, Shamy affine son point de vue : – « Pour moi, il n’existe qu’une seule race, la race humaine. Ma vision est universelle, à condition que toutes les pensées des êtres humains soient englobées ».

Quand on lui parle de talent, Shamy précise : – « Je suis plus besogneux que talentueux, solitaire, écologiste et surtout, je ne supporte pas l’injustice ».

Concernant l’Algérie, notre autodidacte au mille dispositions développe une vision qui se confond avec celle de tous les désabusés de notre génération :

« Ma deuxième naissance fut à l’indépendance de l’Algérie. J’ai cru, un moment, que nous allions pouvoir vivre dans un pays libre où régnerait la justice dans le respect des valeurs humaines.

J’ai vite été désillusionné ! Les vrais combattants furent marginalisés ou tués. Les opposants durent quitter le pays ou disparurent. Le pouvoir a été pris pour l’essentiel par ceux qui étaient en retrait durant la guerre comme Houari Boumediene et Abdelaziz Bouteflika qui n’ont pas tiré une seule cartouche durant la période chaude du conflit ! Ils vivaient paisiblement au Maroc. Ils se sont rattrapés plus tard en commandant l’exécution d’innocents.

Très rapidement, ils s’employèrent à arabiser le pays. Ma propre langue devint interdite et l’histoire des miens en Afrique du Nord devint une pâle réplique moyen-orientale avec la violence et les trahisons des pro-arabisants adorateurs de pierre.

Des lions que nous étions, ils ont voulu faire des lapins. Fini le temps où le peuple kabyle et amazigh vivait en harmonie et fraternité. Le nouveau pouvoir assassin voulait créer un troupeau hybride mariant le crapaud et la gazelle. Le pays s’est alors vidé, comme un corps de son sang, pendant que le pouvoir mafieux accaparait les richesses du pays. Certains se sont unis à des étrangères, pris la nationalité de leurs anciens colonisateurs, laissant le pays en friche et envoyé leurs enfants en Europe étudier dans les pays développés. Les dés étaient jetés ».

À presque quatre-vingts ans, Shamy a des projets plein la tête. Rappelons la sortie récente d’un disque vinyle qui reprend les succès des Abranis durant les années 1973 à 1993 (*). Un album salué par la presse aux quatre coins de la planète, sauf en Algérie, évidemment !

Il faut peut-être insister sur l’exceptionnelle humilité de notre artiste. En presque une année d’amitié, je n’ai jamais entendu Shamy prononcer une seule parole désobligeante à l’endroit de qui que ce soit. Un exemple de modestie et de sagesse à suivre par nous tous !

Shamy est une bibliothèque vivante dont le travail gagnerait à être connu et reconnu par nos compatriotes. Surtout les nouvelles générations qui ne connaissent que les mélodies insipides des tenants du pouvoir.

En guise de conclusion, ces paroles qui en disent long : – « Je ne peux ni ne veux vivre sous l’autorité d’un pouvoir qui nous extermine ! Je me suis réalisé tout seul, ce qui fait de moi un homme libre. » Qui peut énoncer meilleure formule ?

Pour le plaisir des yeux et des oreilles, nous vous proposons le scopitone, l’ancêtre du clip, tourné en 1973 avec les Claudettes, les charmantes danseuses qui accompagnaient Claude François sur scène et dans les studios d’enregistrement et de télévision.

Longue vie l’artiste !

Kacem Madani

(*)https://www.vinylcorner.fr/album-amazigh-freedom-rock-1973-1983-1851961.html?gclid=CjwKCAjwvfmoBhAwEiwAG2tqzKVoz2UZGBQ6XqwgfWtvhbc-_cZDSZT_9Xia2LKopuOZmfz6m8Mn2xoC9bMQAvD_BwE

8 Commentaires

  1. Merci pour cette lumière projetée sur un de nos grands artistes aux multiples talents. En effet, ce n’est pas sur les media algériens qu’on risque de découvrir ou redécouvrir nos artistes et hommes de lettres.

    • et le matin dz c est quoi ??? un media sud africain??
      imbécilité abyssale chez les extremistes séparatistes.
      d ailleurs meme ce sheminy est un extremiste integral ,lui qui s est attaqué toute honte bue à da lounis ait menguellet,au docteur saadi,à arezki ait laarbi parce qu ils ne voulaient pas etre de sa secte separatiste.

      • C’est que, a y azdud ur nes3i afus, le Matin est loin de représenter les média algériens dont je parle.
        Je te rafraîchis ta pastèque : le matin est interdit en Algérie même par internet; son fondateur est passé par la case prison algérienne non pas à cause de la couleur de ses yeux, mais parce qu’il en était le directeur. Si t’as un peu de jugeote !
        Et puis l’idée que t’as là du Matin, zunikt, que défends tout en le traitant de journal qui publie un hommage à un «extrémiste». Ça par contre, c’est du vrai schéma de cogitation des traîtres et autres islamistes.
        Tu veux que je te dise, fanges traîtresse : je préfère être d’une imbécilité abyssale que de faire partie de personnes de ton espèce.

      • Juste un rappel pour ce monsieur qui a un problème avec les siens.
        Les militants du MAK ne sont pas des séparatistes, c’est des indépendantistes.
        Ils ont droit d’exprimer des opinions et défendre un projet politique, la décision revient au peuple , il faut juste faire confiance a la maturité de nos compatriotes.
        Ceci s’appelle la démocratie, l’essentiel la pratique se fait sans violence.
        Il faut apprendre à être tolérant et débattre sans insulter ni invectiver.
        Ce n’est pas bon pour la. santé mentale c’est juste un conseil si vous le permettez.
        En effet , la Kabylie existe avant la création de l’Algérie par la France coloniale.
        Donc les vrais algériens sont partis en 1962.
        Vous, les neo algériens version actuelle , vous êtes que des usurpateurs.
        Cependant je suis pour une algerie réformée sur une base authentique,une Algérie gouvernées par ses propres enfants, une Algérie exclusivement amazigh qui prendra en considération tout les apports civilisationnels notamment arabo musulmane et judéo-chrétienne Une Algérie démocratique et libre.
        Il faut être fière de son identité millénaire et de son histoire.
        C’est un début a tout car être soi même c’est important pour se construire et construire son pays.
        Un rêve que je souhaite de tout cœur pour mon pays.
        Un pays moderne et développé.

      • la secte raciste assimilasioniste qui a fait de l’Algerie une republique arabe et denie l’Algerie aux Imazighen parle de separatisme ??? c’est le monde a l’envers !

  2. Je cite : « notre artiste est né le 26 octobre 1944 à Tilatiouine commune de Legradj, il fut berger jusqu’à l’âge de dix-huit ans. » bienvenue l’artiste au club des enfants kabyles anté 70 dont la première « L’Hirfa » est berger. Sinon, la commune de Lagradj? c’est où?. Bref merci pour cette rétrospective bien riche de Shamy.

    • La fédération Legradj, Sur les monts Tababurt, Sud Est Ait Urtilan, au Sud de Vgayet.
      Administrativement la confédération des Ait Urtilan, antique Hortilani (cultivateurs de vergers), est mise sous la tutelle du wali de Sétif, va savoir pourquoi

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