26 avril 2024
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AccueilCultureLes Abranis (I) : entre blues, pop et « rocKabylie » 

Les Abranis (I) : entre blues, pop et « rocKabylie » 

Les Abranis

S’il y a un groupe kabyle qui a résisté au temps et aux caprices des séparations, c’est bien Les Abranis. Formé au hasard d’une belle rencontre, celle des deux leaders Karim et Shamy Abranis, en 1967, le quatuor connait un succès phénoménal en Algérie, en France, en Tunisie, au Maroc, mais également en Europe, dans les années 1970, 1980 et 1990. Ils sont considérés, à juste titre, comme les précurseurs du genre pop rock en Algérie.

Il faut dire qu’en plus de leur incroyable talent, nos jeunes rockers avaient su intelligemment et opportunément surfer sur la glorieuse vague Power-Flower, avec un physique et une allure qui rappellent étrangement ceux des frères Gibbs (Bee Gees).

De 1973 à 1975, ils enregistrent cinq 45 tours qui ont tous connu un succès qui ne s’était jamais démenti, avant d’enchaîner une suite de cinq 33 tours, quasiment tous les trois ans, de 1977 à 1986, et deux albums en 1993. Notons également la production de quelques DVD de qualité.

Dans les années 1970, leur succès est tel que même le journal à sardines El-Moudjahid leur consacra tout un article, en août 1975. Une chronique pas très dithyrambique, il faut bien le dire, bien en deçà du talent et du mérite de nos rockers, puisque l’inénarrable quotidien s’était permis le luxe de relever des insuffisances, notamment la faiblesse des textes (sic) !?

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Mais cela est-il étonnant de la part de journalistes à la solde des maîtres du moment ? À cet égard, il faut signaler et saluer la ténacité de nos rockers à se faire accepter en tant que groupe berbère et non pas arabe. D’ailleurs, il semble que nos « têtes pensantes » au sommet avaient tout fait pour arabiser le nom du groupe en voulant imposer l’idée « lumineuse » de le faire « baptiser » El-Abranis. Ce que nos jeunes rebelles ont refusé obstinément ! Comme quoi, les époques changent, les hommes passent, les printemps trépassent, mais les problèmes et le ridicule aux sommets restent immuables et qu’au contraire ils semblent s’amplifier avec le temps et les dirigeants !

Le répertoire est si riche et les tubes si nombreux qu’il est impossible de tous les énumérer. Citons néanmoins quelques incontournables qui chevauchent les générations et les ans sans prendre une ride : Linda, Wali Kan, Tizizwa, Immetti n-Tayri, Laàslama, Aya Avehri, Chenagh l’blues, Mel-iyi kan et bien d’autres qu’il est facile de retrouver sur YouTube ou Daily Motion.

Sur une discographie riche et variée, un coup de cœur particulier à l’album Wali-kan dont chaque titre est un voyage psychédélique hors de l’espace et du temps.

Brève biographie

Cette biographie ne se prétend pas complète. Au vu des mutations subies par le groupe au cours des années et des nombreux musiciens qui ont participé à enrichir leur musique, il n’est pas facile d’en reconstituer la totalité des éléments. Pour cette raison, nous nous limitons, dans cette première partie, à un résumé succinct de la vingtaine d’années de ce qu’il est convenu d’appeler la période faste : 1973-1993.

Le groupe s’est formé en 1967 avec la rencontre de Karim Abranis, de son vrai nom Sid Mohand Tahar, chanteur bassiste et de Shamy el Baz, de son vrai nom Abdelkader Chemini, organiste, auteur compositeur. Après des années d’efforts, ponctuées par quelques passages à vide à décourager les plus tenaces, c’est en 1973 que la formation se concrétise avec Samir Chabane (batterie) et Madi Mehdi (guitare) et que le succès est enfin au rendez-vous.

En 1975, après une tournée en Algérie, le groupe se scinde en deux. Samir Chabane (le batteur) et Madi Mehdi (le guitariste) fondent alors un autre groupe du nom de Syphax. Ils sont rejoints par le dernier membre du groupe Makhlouf, et un chanteur au nom de Samy. Des Abranis d’origine, ne restent que Karim, qui devient guitariste et Shamy. D’autres musiciens vont les rejoindre au fur et à mesure de leurs productions.

En 1977, paraît le 45 tours et album vinyle 33 tours Abranis 77, chez Bordj El Fen. Musicalement, le groupe prend le contrepied de la déferlante disco de la seconde moitié des années 1970. Le style a beaucoup changé, rythme plus lent, textes plus profonds, et tentative de fusion entre rock et musique populaire kabyle.

L’un de leurs plus grands succès, le très rock Cnaɣ lblues triomphe sur les ondes. Et le groupe découvre la censure avec le morceau Yemma. L’album est enregistré en France, au studio Citeaux. Lors de l’enregistrement de l’album, Karim joue lui-même de plusieurs instruments : guitare solo, rythmique, basse et batterie.

La participation de nombreux musiciens va contribuer à la coloration kabyle de l’album. Mohamed Salahedine à la sitar, Arif Kendouci, Noumil Mouloud, Rami Mustapha aux violons, Émile Mayons au hautbois, Makhelouf à la basse, Smail Slimani au aoud et Hocine Staifi à la derbouka y participent

En 1978, sort leur deuxième album, toujours chez Bordj El Fen. Cet opus est à l’opposé du précédent, laissant une impression distribuée entre des morceaux légendaires comme le très bluesy Cnaɣ l’blues et les titres aux sonorités du terroir. Pour cet album, le groupe s’est entouré de musiciens de la scène jazz. Avec entre autres, le bassiste Yannick Topp du groupe Magma, le pianiste Marc Goldfeder, le bassiste Tony Bonfils. L’album est un mélange très festif avec des titres comme Eɣedder Amerrzu, Tameɣra, Amjahe, Tassusmi et des morceaux au tempo plus lents comme Aqessam, Ayen ɣizin, Lqum aggi.

S’en suivirent d’autres productions, en 1980, 1983, 1986 et 1993, avec des orchestrations toujours aussi variées et des musiciens de grande qualité. La perfection toujours en ligne de mire.

Durant leur carrière, les concerts du groupe attirent des foules nombreuses, souvent des jeunes en délire, notamment en France, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, mais également en Allemagne et un peu partout en Europe. Très remarqués, leurs passages télé sont à chaque fois des moments de grandes retrouvailles avec un public fidèle et enthousiaste. Le groupe s’est même permis le luxe de faire danser les Clodettes de Claude François sur deux de leurs clips ! C’est dire, la popularité de nos rockers dans les années 1970. À cet égard, ils ont fait les beaux jours de la période scopitone, l’ancêtre du clip.

Un scoop pour les fans et autres amateurs de bonne musique : un double best-of qui reprend leurs grands tubes est prévu pour fin avril… à vos platines CD !

Kacem Madani

Ci-après les paroles et la bande son du titre Mel-yi kan qui totalise, à lui seul, des millions de vues sur YouTube.

Mel iyi kan

Nek yid-m a tuzyint nefreq

Wa iɣerreb wa icerreq

Kul yiwen ansi i yekka

 

Afwad-iw fell-am yeḥreq

Iɣussa iceqqeq

Lḥub-iw d kem yuqeɛ

 

Tawenza-w ass mi tsewweq

D urfan id tenfeq

Cubaɣ beṭṭu d aẓekka

Cubaɣ beṭṭu d aẓekka

 

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Amek ara sebṛeɣ fell-am

Amek ara sebṛeɣ fell-am

 

A win ittweḥḥin weḥḥi

Nekk d taɛzizt ad nemẓeṛ

Xas di lemnam yecqa-yi

Nekk d wul qbel ad nsafeṛ

 

Att nmuqel ad nemmekti

Deg udem-iw i tsexseṛ

Tanafa ken berka-yi

Uqbel ad yeddu leɛmeṛ

 

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Amek ara sebṛeɣ fell-am

Amek ara sebṛeɣ fell-am

 

Am-d-iniɣ awal fhem-it

Cfu fell-as azekka

Ma ur nemlal di ddunit

Ma ay-id tsaḥeḍ deg ẓekka

 

Nnan zman d lɛalit

Yertaḥ benadem i lmerta

 

Ul-iw am-t-ǧǧeɣ sebeṛ-it

Nekk akem ǧǧeɣ di lehna

 

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Mel-iyi kan

Amek ara sebṛeɣ fell-am

Amek ara sebṛeɣ fell-am

 

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