On nous a présentés des individus se revendiquant du MAK en possession d’armes. Ce qui pourrait sembler – si le narratif tient le coup et résiste à l’examen de la vérité – comme étant une menace pour la stabilité de l’Algérie.
C’est connu : le pouvoir algérien utilise des stratégies de manipulation pour construire un narratif qui désigne la Kabylie et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) comme des ennemis menaçant « l’unité nationale ». Cette redoutable technique permet de renforcer la cohésion autour du pouvoir en place, en particulier dans le contexte d’une élection présidentielle, loin d’être libre et transparente.
Le gouvernement algérien a souvent utilisé la figure de l’ennemi intérieur pour consolider son pouvoir et son emprise sur la société. L’histoire du pays est jalonnée d’épisodes similaires. Depuis l’été 1962, passant par le coup d’Etat de juin 1965, les événements du Printemps berbère 1980, Octobre 1988, la décennie noire, le Printemps noir de 2001, le pouvoir cherche toujours à se créer un ennemi pour légitimer sa mainmise sur les affaires du pays.
Depuis le mouvement du Hirak qui a été stoppé avant d’éclore et de porter un souffle nouveau à notre pays, le pouvoir en place échafaude différentes stratégies pour légitimer cette adjonction aux affaires et aux privilèges qui en découlent.
Juste au début de cette campagne électorale, on nous rejoue pour la énième fois la carte de la menace intérieure. Trois candidats sont en course ; deux sont de simples lièvres qui n’ont, aux dires des spécialistes de la politique algérienne, aucune chance d’y arriver. Leur présence a cette unième mascarade remplirait juste la case de légitimation du scrutin. Le troisième est Tebboune, celui qui va gagner cette mascarade. Au lieu d’installer un terrain de débats, le pouvoir nous rejoue cette partie de l’ennemi.
Dans ce cas, la Kabylie et le MAK sont présentés comme des menaces à l’intégrité nationale. Cette désignation repose sur des accusations de séparatisme et de terrorisme, renforcées par des rapports de saisies d’armes prétendument en possession de militants du MAK. Ces allégations servent essentiellement à diaboliser ce mouvement politique et ses membres, créant un climat de peur et de suspicion au sein de la population.
En désignant un ennemi interne, le pouvoir algérien crée un sentiment de danger imminent qui justifie, selon lui, des mesures sécuritaires strictes. Cela permet de détourner l’attention des problèmes internes, tels que la corruption ou les revendications sociales, et de légitimer une répression accrue.
Ce narratif de la menace sert également à renforcer l’image du candidat du pouvoir comme le seul garant de la sécurité et de l’unité nationale. Dans un contexte électoral, cela peut influencer les électeurs à privilégier la stabilité sur le changement, par crainte d’être perçus comme des traîtres à la nation.
Le recours à la propagande et à la manipulation de l’information est une technique classique des régimes autoritaires pour maintenir le contrôle. En Algérie, cela se traduit par une campagne médiatique visant à associer le MAK à des activités criminelles et terroristes, amplifiant ainsi la perception de menace. Cette stratégie s’inscrit dans une politique de mobilisation patriotique, où le discours officiel encourage la population à se rallier autour du pouvoir pour contrer les « ennemis » de l’État.
Le narratif construit par le pouvoir algérien autour de la Kabylie et du MAK illustre comment les régimes autoritaires utilisent des stratégies pour créer des ennemis imaginaires. Ces récits servent à renforcer la légitimité du pouvoir en place, à diviser l’opposition et à mobiliser le soutien populaire en jouant sur les peurs et les sentiments nationalistes.
Ce mécanisme est particulièrement efficace dans un contexte électoral, où la stabilité et l’unité nationale sont présentées comme des priorités absolues.
Saïd Oukaci, chercheur en sémiotique.