23 novembre 2024
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Les assurés sociaux ou la vache à lait de la CNAS

Déremboursement de médicaments, bureaucratie…

Les assurés sociaux ou la vache à lait de la CNAS

Lorsqu’il a fini de passer les « examens » périlleux du système de santé, le travailleur algérien malade, ou ayant un malade à sa charge, doit affronter, avec beaucoup de patience et de courage les pénibles, et humiliantes, épreuves des assurances sociales.

L’affiliation à la sécurité sociale est obligatoire pour le travailleur algérien ; le travail dissimulé est même sanctionné par la loi. Les prélèvements obligatoires au profit de la sécurité sociale représentent 35% du revenu du salarié dont 9% à la charge de l’assuré. Ces cotisations obligatoires représentaient 29% durant les années 1980 (24% à la charge de l’employeur et 5% à la charge du salarié) : on constate une augmentation de 6% dont 4% à la charge du salarié. Une partie de ces prélèvements alimente la branche des assurances sociales (CNAS).

La Cnas, le tiroir-caisse à profits

L’Etat oblige le salarié à cotiser et institue un organisme de solidarité en ce qui concerne les assurances sociales comme il le fait aussi pour les retraites avec la CNR. Logiquement, l’assuré est en droit d’attendre des prestations qui couvriraient ses dépenses de santé ; mais qu’en est-il dans la pratique ?

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Le système de santé publique est de plus en plus défaillant, pour ne pas dire agonisant. Le secteur public ne répond pas à la demande de soins de la population. Il s’occupe en priorité de ceux qui ont des relations dans le système et des malades qui lui sont recommandés par ceux qui sont « habilités » à recommander. Il y a aussi le petit et moyen calibre de la nomenklatura qui passe en priorité (le gros calibre se soigne à l’étranger aux frais de l’Etat). Pour le modeste malade (je n’ose pas dire « citoyen »), il faut que son état soit grave et urgent pour espérer une prise en charge dans un hôpital public. Il ne reste aux pauvres non pistonnés que le secteur médical privé qui pratique, de plus en plus, des prix hors de leur portée.

La CNAS rembourse les actes médicaux, paramédicaux ainsi que les examens biologiques et radiologiques, jusqu’à présent, sur la base des tarifs fixés par un arrêté interministériel du 4 juillet 1987 !

A titre d’exemple, le tarif de référence de la consultation chez le médecin généraliste est de 50 DA et celui du spécialiste est de 100 DA alors que le patient débourse entre 500 DA et 1000 DA chez le premier et entre 1200 DA et 2000 DA chez le second. Les remboursements des examens radiologiques et biologiques sont tout aussi ridicules. Je n’ose pas aborder la question des remboursements des actes médicaux et des hospitalisations qui se font dans les cliniques privées. La CNAS aurait dû réévaluer ses tarifs de référence et l’Etat aurait dû encadrer les prix des actes médicaux du secteur privé pour permettre l’accès aux soins aux assurés sociaux. Mais cela ne préoccupe ni la CNAS ni l’Etat.

Déremboursement de médicaments

Depuis plusieurs années, on ne cesse de voir la liste des médicaments non remboursés, et celle des médicaments qui ne sont remboursés qu’en partie, s’allonger interminablement. La nomenclature pharmacologique se réduit aussi. La langue de bois de la CNAS assure que sa nomenclature est suffisante pour soigner les malades en Algérie. Le parti unique n’a pas fini de faire des petits : après la Pensée unique, Livre unique à l’école avec des questions et des réponses uniques, etc., la CNAS invente le Médicament unique ! On sait depuis longtemps que les êtres humains ne répondent pas tous de la même façon aux médicaments : c’est cela qui a fait qu’il existe différents médicaments pour traiter une même maladie. Les médecins qui établissent la nomenclature de la CNAS se moquent de la santé des Algériens : leur mission est la répression des malades de ce pays. C’est vrai que le serment d’Hippocrate, qui fait la fierté que des médecins occidentaux, doit être illicite pour eux.

Pour faire des économies, la CNAS et l’Etat doivent imposer des règles au marché du médicament, notamment aux importateurs qui surfacturent les produits qu’ils importent. Mais ces derniers doivent bénéficier de la bénédiction du gouvernement : c’est plus facile de taper sur les malades.

Même si la CNAS a laissé se réduire considérablement les tarifs de référence des actes médicaux et paramédicaux ainsi que ceux des examens biologiques et radiologiques (en ne les réévaluant pas), et si elle a réduit fortement les taux de remboursement de beaucoup de médicaments et exclu de tout remboursement énormément d’autres, il reste toujours quelque chose à rembourser pour les assurés sociaux. Pour économiser encore plus, la CNAS met en place une politique matérialisée par des dispositifs qui incitent au découragement des assurés en attente de prestations.

Pour des dépenses de quelques centaines de DA, il faut que les ordonnances passent au contrôle médical ; pour quelques milliers de DA, c’est le patient et son ordonnance qui se soumettent au contrôle médical. Dans les guichets d’accueil, l’assuré affronte des agents, souvent arrogants, qui se comportent comme de véritables épouvantails.

L’assuré qui se présente avec un arrêt maladie est systématiquement dirigé vers le contrôle médical où il va affronter le médecin-policier qui se fera un plaisir de rejeter le congé prescrit par un vrai médecin ou de culpabiliser le malade. La contestation de la décision de rejet d’un arrêt maladie donne lieu à une expertise pour laquelle on désigne des médecins loin de la résidence du malade pour le décourager.

Dans une espèce de lâcheté qui caractérise sa politique, la CNAS s’acharne sur le maillon le plus vulnérable de l’assurance maladie : le malade.

En matière de contentieux, la législation a évolué pour être défavorable à l’assuré. A titre d’exemple, la loi n° 83-15 du 2 juillet 1983 relative au contentieux en matière de sécurité sociale obligeait la CNAS à notifier une décision de rejet dans un délai de huit (8) jours alors que l’assuré disposait d’un mois pour la contester. Lorsque cette loi a été modifiée en 2008, la CNAS n’a plus aucune obligation de délai et celui de l’assuré a été réduit de moitié.

Police médicale

Il m’est impensable de considérer ces « médecins » de la CNAS comme de véritables médecins. La vocation d’un médecin est de soigner les malades et de soulager leurs souffrances, non le contraire. Le mépris de la police médicale pour les assurés sociaux est supérieur à celui des autres agents de la CNAS : question de statut, sans doute ! Mais, ne sont capables de projeter du mépris sur des humains que ceux qui se méprisent eux-mêmes.

Ceux qui ont des relations à la CNAS ou qui sont recommandés, les assurés qui ont un statut social important sont évidemment bien accueillis et ne « bénéficient » pas des tracasseries des épouvantails des guichets et des policiers médicaux. Le piston est indispensable si on veut bénéficier sans souci des prestations de cette institution qui est censée être au service de tous les assurés sociaux. Mais si on interrogeait la question du recrutement des personnels, on comprendrait mieux cette culture du «piston».

Les effectifs des personnels de la sécurité sociale sont passés de 2000 en 1963 à près de 35000 en 2011. Il n’y a jamais d’annonce de concours de recrutement.

Dans la fonction publique, on organise, très souvent pour la forme, des concours de recrutement : les résultats sont connus à l’avance même s’ils ne sont pas publics, comme cela se passe pour les élections. Mais à la sécurité sociale on ne prend même pas le soin de « maquiller » les magouilles du recrutement. Certes, les organismes de la sécurité sociale fonctionnent comme des EPIC mais là il s’agit de la gestion de l’argent des cotisations salariales et patronales : c’est la sueur des travailleurs qui y est déposée et cela mérite de la transparence. Mais il faut dire que c’est un privilège de travailler à la CNAS où les salaires ont de quoi faire rêver les autres travailleurs algériens. Alors, ces postes de travail sont « réservés ». Dans un entretien au quotidien Liberté du 13/08/2018, un ancien administrateur de la CNAS, Noureddine Bouderba dit : « En 2017, les frais de fonctionnement et d’investissement de la Cnas se sont élevés à 65,21 milliards de dinars dont 16,12% proviennent des recettes de cotisation affectées à la Cnas. Un ratio énorme comparativement à celui des pays d’outre-mer où il ne dépasse pas les 4%. À eux seuls, les frais de personnel se sont élevés à 48,6 milliards de dinars. Un coût qui s’explique par le recrutement des copains et des fils des copains. » (https://www.liberte-algerie.com/actualite/la-cnas-doit-reguler-ses-frais-de-gestion-298137#.W3Hi2qqFH3I.facebook) Il a le mérite d’être très clair.

Le travailleur affilié, obligatoirement, à la CNAS, se retrouve dans une situation paradoxale. Lorsqu’il est malade et qu’il a besoin de bénéficier de l’argent de ses cotisations (donc, son argent), il se retrouve face a un système qui a confisqué ses cotisations et qui a mis en place un dispositif qui le spolie de ses droits tout en l’humiliant. Ses représentants dans le conseil d’administration de la CNAS font peut-être la sieste pendant les réunions. A moins qu’ils n’aient toujours la bouche pleine ! Les syndicats qui revendiquent et agissent pour des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail pour les travailleurs qu’ils représentent ne peuvent-ils pas revendiquer des droits et de la dignité pour les assurés sociaux (que sont ces travailleurs) ? La dignité humaine mérite toutes les luttes nécessaires à son recouvrement. Mais il ne faut rien espérer de l’UGTA qui doit être occupée à préparer un soutien actif pour le 5ème mandat de Bouteflika. Et puis le chef de l’UGTA ne va quand même pas commettre le sacrilège d’appeler à la lutte à partir de Club des pins ! Il faut espérer que les autres syndicats se pencheront, sérieusement, sur cette question.

Lorsqu’on se voit confier l’argent des travailleurs (et des employeurs qui cotisent pour leurs employés), il y a une exigence de transparence. A commencer par les salaires et primes de départ à la retraite (qui peuvent donner le vertige à la majorité des affiliés) des employés de la sécurité sociale. Les autres dépenses de fonctionnement ainsi que celles consacrées à l’investissement doivent aussi être transparentes.

Si les cotisations étaient volontaires on aurait pu dire que cela ressemble à une arnaque. Mais comme elles sont obligatoires, on peut dire que cela ressemble à du racket.

On prélève les cotisations sans demander l’avis des salariés (ni des employeurs). Cet argent sert d’abord à payer les salaires (élevés) et les avantages des personnels pléthoriques recrutés sur la base du piston, à enrichir ceux qui ont le monopole de l’importation du médicament ou à engraisser ceux à qui profitent les investissements. Sans compter la participation (obligatoire) à l’achat de la paix sociale par le régime. Les affiliés doivent se contenter de miettes servies par un dispositif humiliant.

Auteur
Nacer Aït Ouali

 




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