En Algérie, l’indépendance n’a jamais été un chemin pavé de roses. Loin de la symbolique d’une liberté durablement gagnée, elle a souvent ressemblé à une longue errance entre rêves trahis et réalités amères.
Et si, dans un retour d’ironie cinglante, le fardeau véritable n’était pas pour le peuple, mais pour ceux qui détiennent le pouvoir ? Car oui, ce peuple algérien, qui aspire à l’autonomie et à la dignité, est encore tenu en laisse par un pouvoir qui le nourrit, le protège et décide de son destin. Mais peut-être ce pouvoir y voit-il, bien malgré lui, une charge pesante, une servitude.
Ne dit-on pas qu’un animal domestique se fait servir par son maître ? Dans cette Algérie d’aujourd’hui, le peuple semble dépendre de l’État pour sa survie matérielle, bien plus qu’il ne devrait le soutenir dans une société où chacun pourrait s’épanouir de ses propres ailes.
Ce paradoxe ne manque pas d’audace : heureux le pouvoir qui n’a pas de « troupeau » à nourrir ! Sans devoir s’occuper de « l’orge et de la paille » de ses citoyens, il serait libéré des crises et des attentes.
Un maître sans bêtes à nourrir ni à protéger, voilà l’idéal de liberté pour un pouvoir qui n’aurait plus de comptes à rendre. La question s’impose : que fera-t-il alors de ce « troupeau » qu’il mène encore bon gré mal gré ? Car le sort des citoyens dépend souvent de décisions de haut vol, prises bien loin des préoccupations du quotidien.
Seront-ils conduits aux pâturages ou à l’abattoir ? Le choix est entre les mains de dirigeants qui, eux-mêmes, se retrouvent enchaînés aux intérêts de forces plus grandes, à des maîtres invisibles, qui imposent la volonté du marché, de l’ambition et de la géopolitique.
Dans cette société où la dépendance du peuple devient un levier de contrôle, on s’interroge : qui est au service de qui ? Si le peuple, autrefois vaillant et combattant, est transformé en troupeau docile, c’est pour le « bien » de tous, dit-on.
Mais qui, dans cette relation, est le véritable prisonnier ? Les chaînes de l’indépendance n’ont-elles pas inversé les rôles, libérant ceux qui s’érigent en bergers et asservissant ceux qui rêvaient d’être libres ?
Ainsi, l’indépendance reste pour l’Algérie un idéal lointain, aussi fragile que la promesse d’un maître bienveillant, aussi dépendante que le troupeau d’un berger a décidé.
Le jour où le peuple n’aura plus besoin de cet « État nourricier », le jour où il sera autonome et libéré des chaînes de l’assistance, peut-être que cette servitude déguisée en protection s’effondrera. Ce jour-là, l’Algérie aura enfin le courage d’écrire elle-même son histoire, et l’État, libéré de son fardeau, n’aura plus à se soucier de ce « troupeau » qu’il appelle encore « citoyens ». »
Dr A. Boumezrag