3 mai 2024
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« Les communistes, pionniers du nationalisme algérien » : les bonnes feuilles

Nous vous proposons ici quelques extraits de pages de ce livre, « Les communistes, pionniers du nationalisme algérien », qui risque de remettre en cause beaucoup de récits, considérés comme entendu, sur la création de l’Etoile Nord-Africaine (ENA). L’auteur, Hocine Kémal Souidi, docteur en sciences politiques et militant, livre aux lecteurs un ouvrage chamboule-tout. 

L’auteur écrit : « Je crois qu’il faut commencer par dire que ce livre présente une approche totalement nouvelle sur les débuts du nationalisme algérien et de l’action des communistes. Il aborde ces questions de façon globale en liant l’action du PCF, de l’Internationale communiste, des communistes en Algérie, et des militants algériens. Il remet ainsi en cause toutes les publications précédentes qui avaient fragmenté leurs recherches. C’est ainsi que l’auteur est le seul historien à mettre en relief la tentative de construction d’un parti nationaliste en Algérie par les communistes.

C’est sur la base de documents irréfutables que l’auteur démontre que l’Etoile Nord-Africaine a été construite de toutes pièces par les communistes. Elle n’a jamais été une organisation « nationaliste-musulmane ». Messali Hadj ne fut pas le « fondateur du nationalisme algérien » : ni la construction de l’Etoile Nord-Africaine ni son programme ne sont à mettre à son crédit.

De la même façon, il démontre que les communistes avaient été chargés, en premier lieu, de construire un parti nationaliste en Algérie. Ils échouèrent car aucune personnalité, aucun groupe politique algérien n’était prêt à s’engager dans cette voie.

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A cette période, malgré une répression impitoyable, seuls les communistes, en Algérie (presque tous Européens) et en France, luttaient pour l’indépendance de l’Algérie. Enfin, il explique pourquoi, à la fin des années 1920 l’Internationale communiste et le PCF ont tenté de se débarrasser de l’Etoile Nord-Africaine.”

Quelques bonnes feuilles

Construire un parti nationaliste algérien

L’application de décisions de Moscou :

« La question fut reprise de façon approfondie lors de la réunion de la commission politique du PCF le 6 octobre 1925. Les principaux dirigeants étaient présents : du secrétaire général Pierre Semard… au futur secrétaire-général, Maurice Thorez.. Les véritables maîtres d’œuvre de l’opération étaient les représentants de Moscou à Paris : le Bulgare Ruben Abramov dit Mikhaïlov, dit Williams et le Hongrois Ernö Gerö, dit Ernest, le futur tout puissant secrétaire général du parti communiste de la république populaire de Hongrie après la deuxième guerre mondiale.

Pour Ernest, il fallait passer immédiatement aux actes : « Nous devons tâcher de créer un parti national en y faisant entrer des éléments indigènes, comme nous l’avons fait avec succès en Chine. Comment surmonter la méfiance des Indigènes vis-à-vis du parti communiste en Algérie  ? En créant ce parti et en posant la question de l’indépendance jusqu’à la séparation » ».

Page 98

Extrait de la « Réunion de la commission politique du parti communiste », 6 octobre 1925, archives de la commission coloniale du PCF, Arch. IRM, bobine 12, série 98.

L’échec du  parti nationaliste

A l’automne 1925, François Campiglia, natif d’Arzew en Algérie, fut envoyé en Algérie pour diriger la Région et monter un parti nationaliste. En janvier 1927, il rendit compte de l’échec de sa mission devant la commission coloniale centrale. En premier lieu, il n’avait pas trouvé d’Algériens représentatifs décidés à construire un parti nationaliste :  « Nous étions d’accord sur la nécessité de créer un parti national-révolutionnaire. Une  partie des décisions n’a pas été appliquée… Il faut d’abord avoir l’assurance qu’il y a un sentiment national en Algérie. Ensuite il faut des éléments capables de travailler à la formation de ce parti. C’est seulement un Indigène qui peut s’en occuper car il faut parler arabe, inspirer confiance, avoir des liaisons sérieuses. Khaled était l’homme qui pouvait s’occuper de la formation du parti national-révolutionnaire« . L’émir Khaled avait été exilé en Syrie dès 1923.

Pages 113-114

Extrait de « Commission coloniale centrale, 17 et 18 janver 1927 », archives de la commission coloniale du PCF, Arch. IRM, bobine 35, série 241.

L’Etoile Nord-Africaine : une décision de l’Internationale communiste

En même temps qu’il tentait de construire un parti nationaliste en Algérie, le PCF se chargeait de fonder une organisation nationaliste parmi l’émigration en France. Le plénum du comité exécutif de l’Internationale avait décidé, en février 1926, « la constitution d’un parti nationaliste en Algérie ainsi que la constitution en France d’un groupe de même tendance« .

Page 125

Extrait du « procès-verbal de la réunion de la commission coloniale centrale, 14 avril 1926 », archives de la commission coloniale du PCF, Arch. IRM, bobine 25 série 172.

Le programme de l’Etoile Nord-Africaine

Le programme de l’Etoile Nord-Africaine a été élaboré par la  commission coloniale. Le 19 février 1927, Célor, Foissin, Hadj Ali, Duval, Messali, Marouf, Issaad, Dabbab, adoptaient, en sous-commission nord-africaine, le projet de la petite commission. Après que Hadj Ali a fait remplacer le terme « algérien » par « indigène algérien », pour éviter tout malentendu car les représentants des colons se faisaient appeler « les Algériens », le programme de l’Etoile Nord-Africaine fur voté, à l’unanimité, Messali exprimant des réserves « sur les formulations qu’il n’avait pu, dit-il, suffisamment étudier« .

Page 133

Extrait de « Sous-commission nord-africaine, réunion du 19 février 1927 », archives de la commission coloniale du PCF, Arch. IRM, bobine 35, série 241.

Le PCF et l’Etoile Nord-Africaine : la même chose ?

L’occupation des postes de direction de l’Etoile Nord-Africaine par des communistes posait de gros problèmes aux militants. Ils s’adressaient au même public nord-africain pour recruter à la fois au Parti communiste, à la CGTU et à l’Etoile Nord-Africaine. Ceux à qui ils avaient à faire s’y perdaient ; les communistes également.

A la réunion du 9 septembre 1926 de la commission nord-africaine de la commisssion coloniale, Djilani, Messali, Dabbab, Hadj Ali, Marouf, Cherif, Menouer (Ali), Issaad, Marschall, Célor, Padula, Kouffi, avaient à traiter des mots d’ordre de l’Etoile Nord-Africaine et de la conduite des communistes vis-à-vis de cette organisation.

Djilani posa crûment la question qui lui tenait à cœur en demandant si « l’Etoile Nord-Africaine remplace le PC »…  Il ne comprenait pas que  « dans une réunion nous parlions de la CGTU et du parti communiste et que les mêmes orateurs  dans une autre réunion parlent de l’ENA… l’on croit que la CGTU, le parti communiste et l’ENA sont la même organisation« .

Page 143

Devant la même commission, Hadj Ali, le président de l’Etoile Nord-Africaine  déclarait : « Il est évident que Djilani a raison, et je lui rappellerai la réunion que nous avons faite au Bd de l’hôpital ; un camarade a montré sa carte syndicale et nous a demandé si c’était la même chose que l’ENA. Parce qu’il avait reconnu les mêmes orateurs. Je lui ai donné des explications… Ce camarade, malgré mes explications, n’a pas compris… ».

Page 144

Extrait de « Réunion de la sous-commission nord-africaine, 9 septembre 1926 », archives de la commission coloniale du PCF, Arch. IRM, bobine 25,  série 173.

Saborder l’Etoile Nord-Africaine

L’application de la nouvelle politique en Algérie avait été décidée à Moscou par le VIe congrès de l’Internationale en juillet-août 1928.

La question fut tranchée en commission du congrès : « Quant à l’organisation de l’Etoile Nord-Africaine, les communistes doivent travailler à ce qu’elle ne se développe pas sous la forme d’un parti ». (…)

Brève bio de l’auteur

Docteur en sciences politiques, Hocine Kémal Souidi est l’auteur de Messali Hadj : libérateur ou traître ? Militant dans la clandestinité, il fut emprisonné et torturé. En 1985, il fit partie des membres fondateurs de la Ligue des droits de l’homme.

« Les communistes, pionniers du nationalisme algérien », de Hocine Kémal Souidi, Nombre 7 éditions

 

1 COMMENTAIRE

  1. Il n’est pas surprenant d’apprendre que ce sont les communistes qui « … avaient été chargés, en premier lieu, de construire un parti nationaliste en Algérie. » et qu’ils « … échouèrent car aucune personnalité, aucun groupe politique algérien n’était prêt à s’engager dans cette voie. » En effet, comment les indigènes pouvaient-ils construire un parti national dès lors que le sentiment national, des références communes, n’ont été imposées que bien plus tard par le FLN ?
    L’appropriation du mot algérien – qui désignait jusqu’aux années 1940 les pieds noirs – par les indigènes ne pouvaient se produire que dans les milieux où les deux communautés se côtoyaient d’une manière ou d’une autre : milieu ouvrier ou travailleurs agricoles et dans les sphères fréquentées par les notables locaux.
    Ce n’est pas sans signification qu’aux années 1920, le parti communiste algérien soit composé uniquement d’européens d’Algérie et que pour se donner un nom désignant tout les indigènes, ceux-ci devaient recourir au seul mot qui les rassemblait : l’Afrique. La réalité de l’entité politique algérienne n’a pas encore germé dans les esprits des locaux.
    Et comme à chaque fois, ce sont les islameux de « Sha3bu ldjaza’iri muslimun wa ila ila l3urubati yentasib », 10 ans plus tard, qui viendront moissonner le travail des gauchistes. Et ça devient une habitude, un instinct : les gauchos sèment et moissonnent qu’il neige ou qu’il brule, les islameux viennent prendre la récolte (54, les années 80, les intellectuels et cadres des années 90).

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