Le Sahel est devenu un terrain de jeux d’influence pour plusieurs pays qui ne veulent pas forcément du bien à la région et aux pays voisins. Les Emirats arabes unis y étendent méthodiquement leur influence.
On savait la présence française, américaine avec des bases militaires, les Turcs et la Russie à travers son organisation Wagner. Maintenant on a un autre acteur : les Emirats arabes unis. Cette riche monarchie multiplie son implication : aide militaire, humanitaire, investissements au travers de sociétés civiles… Elle mêle le soft power avec des moyens d’influence redoutables.
Les Emirats arabes unis (EAU) étendent leur aire d’influence sur l’espace du Sahel en devenant incontournable. Si la France est poussée dehors du Niger, du Mali et du Burkina Faso, d’autres acteurs avec une puissance financière indéniable arrivent. Même Gaspar Orban, le fils de Viktor Orban, Premier ministre de la Hongrie, coordonnerait de près une offensive diplomatico-militaire.
Après la Libye, les Emirats arabes unis ont effet commencé à opérer au Sahel. Au Tchad, les Emirats ont livré des camions de transport de troupes et d’officiers pour entraîner les soldats tchadiens.
« Les Emirats arabes unis ont envoyé des véhicules militaire et un équipement de sécurité à la république du Tchad pour soutenir ses capacités de lutte contre le terrorisme et de protection des frontières », rapportait WAM, l’agence de presse des EAU en août dernier.
Ainsi donc les Emirats veulent aider le Tchad à lutter contre le terrorisme ! Pourtant ce pays, où la France possède des bases militaires et des troupes, n’est pas particulièrement confronté au terrorisme mais à une opposition armée qui a manqué plusieurs fois de renverser le régime des Déby.
On sait tous qu’Abou Dhabi était un soutien important pour le maréchal Haftar en Libye. Un dirigeant avec lequel l’Algérie entretient des rapports difficiles. Là où cette richissime monarchie du Golfe met les pieds, le conflit ne fait que s’empirer : le Yémen, la Libye, le Soudan où elle soutient les Forces de soutien rapide (RSF)…
Mais qu’est-ce qui fait courir Abou Dhabi dans cette région ? On ne lui connaît pas un savoir-faire militaire éprouvé. Son influence est en revanche adossée à une puissance financière énorme. Mais alors que font ces Emirats dans cette zone éloignée du Moyen-Orient ? A qui profite sa présence et son influence au Sahel ? Certains arguent une volonté de lutte contre les jihadistes. Ce qui ferait de cette monarchie un chevalier blanc. Peu sûr que l’investissement d’Abou Dhabi dans cette région désertique au sous-sol particulièrement riche soit désintéressé !
L’Algérie dans le collimateur vraiment ?
Un pays se sent visé par l’arrivée d’Abou Dhabi dans le Sahel, c’est bien l’Algérie. Elle ne l’affirme pas haut et fort officiellement. Sans doute de crainte d’avoir sur le dos les autres monarchies du Golfe, les autorités algériennes préfèrent actionner ses relais médiatiques pour faire le service.
En effet, depuis 3 ans, – clairement depuis la mort de Gaïd Salah dont on connaissait la proximité avec Abou Dhabi- les autorités algériennes se sentent de plus en plus dans le collimateur des EAU. L’Algérie est déjà dans une guerre diplomatique impitoyable avec le Maroc, les Emirats s’invitent en soutien inévitable à Rabat dont ils sont très proches. On sait que le Maroc a acquis le fameux logiciel Pegasus qui a permis aux services de Rabat d’espionner aussi bien des officiels algériens que le président français. Cependant, certains médias français, eux, y voient en les EAU l’influence française dans cette région.
« Si les EAU ambitionnent de devenir un acteur clé de la médiation diplomatique internationale (Afrique de l’Est, Sahel), l’influence émirienne sur le continent n’est pas toujours bien reçue. L’exportation des rivalités du Golfe en Afrique et son activisme militaire ont des conséquences déstabilisatrices (Somalie, Libye, Soudan) qui peuvent fragiliser leurs relations bilatérales (Afrique du Nord) », écrit pour sa par Jean-Louis Samaan de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Cette analyse n’est pas pour conforter la position des autorités algériennes qui ont de plus en plus de mal à se faire entendre dans la région. Avec une diplomatie particulièrement défaillante, n’ayant aucun code de décryptage des évolutions récentes dans la sous-région, l’Algérie se retrouve bien isolée face aux EAU, alliés du Maroc dans la région. Surtout si l’on sait le travail de lobbying de Rabat auprès des trois juntes militaires du Sahel en leur offrant, entre autres, une voie vers l’Atlantique. Comment l’Algérie va-t-elle faire face à la multiplication des foyers de tensions et d’influence tout en sachant qu’à l’intérieur du pays, Tebboune et ses soutiens sont particulièrement impopulaires ?
Yacine K.