21 novembre 2024
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Les failles de notre histoire 

Le mythe est important pour rendre fortes les sociétés. Partout dans le monde, l’on en trouve des exemples : le mythe gaulois, le mythe d’Anatolie, le mythe persan, le mythe latin, le mythe grec, le mythe arabe,  etc.

En revanche, il n’y a plus de « mythe berbère », abstraction faite du mythe Shashnoq remis au goût du jour par l’Académie berbère durant les années 1970! Cette absence de mythe veut dire absence d’élément culturel fédérateur. Autrement dit, on ne prospecte plus sur nous-mêmes.

On est tombé dans ce que l’Iranien Daryush Shaygan appelle à juste titre : « le syndrome de l’éphémère » : des peuples qui, incapables de se projeter dans l’Histoire, sont voués à la disparition.

Or,  pour survivre, il faut transformer toute absence civilisationnelle en « temps de présence », c’est-à-dire en temps de création littéraire, culturelle, historique, sociale, politique, etc. L’erreur, notre erreur je veux dire, est historique : on croit aux autres et on se renie nous-mêmes , on croit à la culture, au savoir, à l’histoire des autres et on renie les nôtres, peu dignes d’intérêt.

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Notre existence comme peuple, culture ou civilisation dépend de la domination/influence des autres. Ce syndrome remonte tres loin dans le temps, à vrai dire. Les Romains ont occupé la Numide pendant quatre siècles et pendant cette période, ils ont condamné la Berbérie à vivre sous le système tribal.

La tribu, perçue comme solution de sauvegarde selon le Marocain Abdallah Laroui, n’était autre, en vérité, qu’un ghetto d’enfermement. Beaucoup d’autres Berbères auraient préféré le nomadisme par contrainte, parce qu’ils ont compris que, face à un ennemi invaincu -les Romains-, le désert reste l’unique recours possible pour leur survie.

En revanche, si la naissance de la tribu devrait être considéré comme un « retour à soi », à ses us et coutumes, à ses valeurs, elle  avait bloqué l’histoire de la Berbérie, et l’avait coupé de l’évolution de bien d’autres  civilisations. Ainsi notre culture était-elle devenue une culture de résistance et non pas d’invasion. Elle a créé des héros qui se sacrifient pour la défense de leur pays, et non pas des guerriers qui envahissent des pays et aspirent à la domination d’autres peuples et civilisations.

Elle a conservé son oralité et son identité, mais a perdu tout lien avec « la mémoire matérielle » de ce qui a constitué plus tard la modernité. Et pour combler cette faille, d’aucuns parlent de l’hospitalité nord-africaine. Une hospitalité qui cachait en effet, en arrière-plan, une faiblesse historique : l’incapacité de construire des Etats.

La première carte des tribus fut créée en 1846 par Ernest Carette et Auguste Warnier. Le premier fut capitaine du génie de l’armée et le second un médecin et préfet d’Alger.

En 1847, plus de 516 tribus furent recensées pour une population de 3 millions d’habitants.  Ce qui prouve que la tribu était vue, chez les Berbères, non seulement comme un rempart contre l’invasion étrangère, mais aussi, et c’était là le problème, comme un mode de vie séculaire.

Bien qu’elle (la tribu) ne donne pas toutes les raisons du retard civilisationnel accumulé par les Berbères au fil des siècles, cette dernière reflète l’image de tout un peuple replié sur lui-même, incapable d’unité et surtout « ingouvernable ». C’était d’ailleurs le constat établi par Ibn Khaldun dans ses Prolégomènes. Et comme par hasard, ce rejet de l’étranger s’est accompagné d’une certaine adoration de tout ce qui vient de lui.

L’auto-dénigrement s’est incrusté dans les esprits et, au fil des siècles, l’Amazigh, le Nord-Africain, le Maghrébin, peu importent les dénominations au demeurant, croit évoluer en se rabaissant devant les autres – les étrangers-, plutôt qu’en les concurrençant. L’image d’Épinal de l’Européen blanc, évolué, instruit, a pris le dessus sur la réalité historique de l’Européen barbare, colonisateur et destructeur des civilisations.

L’absence de mythe national a beaucoup nuit au processus de construction étatique en Algérie, et partout dans l’Afrique du Nord.

Kamal Guerroua

5 Commentaires

  1. « DDiri oui nekrene lasliss !!!!!! », Voilà un proverbe kabyle qui veut dire, « Malheur à celui qui renie ses origines ». Je suis d’accord sur le fait que les tribus sont crées par des survivants à un conflit. Cependant chez-nous, il y’a des tributs isolées, lesquelles ont perdues leurs cultures d’origine au profit de celle du colonisateur, et des tribus qui se sont regroupées et qui ont crées un système de société propre. Cette dernière organisation, à l’image de la Kabylie, est à l’image des créations des sociétés modernes, mais que chez-nous , on ignore et on rejette!!!!!!!!!!!!!!

  2. Le thème de l’article est intéressant. Néanmoins dans le développement, il pèche par le manque de recherche.
    On ne peut pas en vouloir à l’auteur de ne pas connaitre les mythes berbères et la religion berbère. Après tout, c’est le travail de l’Algérie d’empêcher certains de les transmettre efficacement et d’autres d’y accéder.
    A ce titre, souvenons-nous que dès la débâcle de 1871, l’Algérie coloniale a transformé les temples et mausolées des iâassassen, dieux titulaires des cités situés sur des collines surplombants les villes et villages, en ti3essassin, casernes et lieux de surveillances. Ca n’a pas changé de puis et il est inutile de s’étendre de ce qu’a fait l’Algérie arabe musulmane en finir avec notre être profond; dans le fond, son unique projet.
    Ce qu’est regrettable, par contre, est le ton péremptoire de l’auteur qui déclare d’emblée qu’ « il n’y a plus de « mythe berbère » ». Tout de go.
    Si on dissocie, comme le fait l’Algérie depuis sa création, la société berbère de la civilisation méditerranéenne, il est difficile de comprendre cette civilisation – pour autant qu’on s’y connait un peu d’ailleurs. Sans la prise en compte de cette civilisation méditerranéenne qui est la notre, qui est nous, il serait par exemple difficile de comprendre comment nos grands mères analphabètes, qui n’ont jamais plus aucun contact avec l’extérieur depuis la chute de Rome, recluses depuis 15, 16 siècles continuaient à raconter le mythe d’Oedipe et tant d’autres, à la lettre près ? Bien évidemment, elles ne nomment Oedipe et les autres héros par leurs noms, mais les péripéties sont identiques à celles évoquées dans la littérature classique Comment se fait-ils que les centaines de fables, je citerais celle bien connue du « Rat des Champs et le Rat de Ville », racontée par Esope, Horace après lui, nous soient parvenues par nos mères et grand mères sans avoir subi la moindre altération ?
    Il n’y a pas que l’Algérie qui est en cause dans, … « l’empêchement », de notre civilisation, dans les obstacles qui se dressent pour son épanouissement. Il y a mêmes, surprise, des militants berbères qui n’arrivent pas à se démarquer de l’obstacle de « l’islam nous a libéré de la domination romaine ». Et là c’est là même le plus grand problème.

  3. « Ainsi notre culture était-elle devenue une culture de résistance et non pas d’invasion. » Et la conquête de la péninsule ibérique par les BERBÈRES (+ de 5 siècles de présence), elle n’a jamais eu lieu? Possiblement vous faites la distinction entre berbères d’Algérie et du Maroc…Etats crées par la colonisation. Une vraie intoxication par la propagande des régimes dictatoriaux en place. La Tanzanie de Julius Nayrere ne revendique-t-elle pas « nos ancêtres les berbères » et la djemaa (ujma) ????? Au sud, comment expliquer l’expansion de l’islam en Afrique noire??? D’ailleurs, toutes les dynasties qui ont UNIFIE le grand Maghreb sont berbères et venues du SUD. VOULOIR disserter sur les berbères en les divisant selon la configuration des Etats colonises actuels en place est une erreur.

  4. « L’absence de mythe national a beaucoup nuit au processus de construction étatique en Algérie, et partout dans l’Afrique du Nord. »

    Vous avez beaucoup d’humour Monsieur.

    Alors que l’historiographie nationale n’est que ça : une mythologie, un aplimpseseste perpetuel où un mythe chasse l’autre. Si les vieux mythes de nos grands- mères ont disparu cela n’a pas dépourvu le récit national de mythes.

    Et vous ajoutez pour enfoncer le clou : «  Et comme par hasard, ce rejet de l’étranger s’est accompagné d’une certaine adoration de tout ce qui vient de lui ».Là je vous renvoie à F.Fanon, qui rapporte comment le colonisé s’invente une mythologie. C’est pour ne pas dissoner . Ou pour équilibrer le fardeau. On n’accepte pas d’être vaincu et de soumettre à des comme-soi. Il est commode d’attribuer des pouvoirs surnaturels au plus fort. Et là mythologie est le domaine de l’inexpliqué. Imaginez vous qu’on ne puisse pas adorer Dieu après l’avoir doté d’une puissance surnaturelle ?

    D’autres professe l’acceptation comme palliatif à la soumission , au renoncement, ou à la résignation. Et la mythologie n’est-elle pas un prétexte falacieux mais ô combien salutaire pour faire accepter tout ça ?

  5. @Matéio Falcone,
    L’auteur a certes raté des cases, mais il parle tout de même des mythes, ces récits qui se racontent à travers les siècles et structurent la vision du monde des sociétés.
    « Les mythes qui en chassent d’autres » n’en font pas partie. Simplement parce que les blagues pas marrantes ne déterminent rien.

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