18 avril 2024
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Les limites de l’écosystème steppique algérien

Maladies animales, tension sur l’eau et les fourrages, désertification,…

Les limites de l’écosystème steppique algérien

Après la fièvre aphteuse qui a affecté lourdement le cheptel bovin au cours de ces dernières années, c’est, aujourd’hui, la peste des petits ruminants qui est en train de décimer le cheptel ovin algérien.

Les premiers cas ont été constatés au niveau de quatre wilayas: Tébessa, Laghouat, Djelfa et Béjaïa. Officiellement, on dénombre 1200 têtes d’ovins qui ont succombé à la maladie.

Après avoir ordonné la fermeture des marchés hebdomadaires de bestiaux pour une période d’un mois et l’interdiction du transport des ovins sans autorisation des services qualifiés (transport exclusivement réservé pour le bétail destiné à l’abattage), le ministre de l’Agriculture, Abdelkader Bouazghi, entame ce mercredi une visite de deux jours à Djelfa, capitale du mouton.

Outre les mesures prises jusqu’ici (fermeture des marché, interdiction de transport) pour contenir la propagation de cette pathologie – appelée peste des petits ruminants -, il sera procédé, dans les prochains jours, à la vaccination généralisée du cheptel et à la sensibilisation des éleveurs pour le respect des mesures de prévention.

De son côté, le président de la fédération des éleveurs, Djilali Azaoui, estime que, pour les petits éleveurs, « les pertes sont énormes », précisant que l’Algérie compte 28 millions de têtes d’ovins et le secteur de l’élevage contribue à hauteur de 42% dans les revenus du secteur agricole.

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Il a aussi exprimé sa crainte que la mesure portant fermeture des marchés n’encourage les spéculateurs qui n’hésiteront pas à augmenter les prix de la viande rouge.

Karim Kaddour a assuré que les éleveurs concernés par les pertes seront indemnisés. Le directeur des services vétérinaires du ministère de l’Agriculture, Hachemi Karim Kaddour, a assuré que les éleveurs touchés par cette épizootie- hautement contagieuse mais qui ne se transmet pas à l’homme – seront indemnisés.

L’économie locale affectée

Le problème posé par la peste des petits ruminants – comme, avant elle, la fièvre aphteuse-, réside dans son impact économique qui ne manquera pas d’affecter le monde rural, et principalement les petits éleveurs de la steppe, déjà malmenés par la recherche des herbages et autres fourrages au cours des années de sécheresse (2015-2017) et la spéculation sur l’orge, aliment soutenu par l’Etat et distribué par l’Office national de l’aliment de bétail (ONAB).

On estime le cheptel ovin en Algérie à 22 millions de têtes, dont 70 % sont positionnés au niveau des Hauts Plateaux, avec près de 5 millions de têtes rien que dans la wilaya de Djelfa.

L’espace d’élevage dans lequel évolue le cheptel des Hauts Plateaux forme un couloir naturel, long de près de 1500 km et embrassant une superficie d’environ 200 000 km2, soit l’équivalent de certains pays européens. Ce couloir, positionné entre les monts du Tell et le Sahara, s’étend de la frontière marocaine à la frontière tunisienne. Il est limité au nord par les derniers contreforts de l’Atlas Tellien (Monts des Daïas, Beni Chougrane, Ouarsenis, Titteri, Hodna, Monts de Constantine et Guelma) et au Sud par l’Atlas Saharien (Djebels Ksours, Amour, Ouled Naïl, Aurès).

L’altitude moyenne varie de 900 m à 1100 m, mais l’aspect du relief présente une uniformité exceptionnelle, d’où le nom que la géographie physique a consacré à ce territoire : Hautes Plaines ou bien Hauts Plateaux. Ce dernier terme a eu les faveurs des livres et des médias.

L’ancienne géographie physique enseignée dans l’école française illustre ce couloir par long boyau à l’intérieur duquel est inscrite la mention suivante: « zone du mouton ». C’est dire que la vocation pastorale de cette région est consacrée depuis longtemps, jusqu’à faire, d’ailleurs, atteindre les limites biologiques à la production et à la régénération des parcours et du capital fourrager, sachant que les méthodes d’élevage extensif sont majoritairement toujours à l’œuvre.

Le territoire est couvert par des plantes steppiques, à base d’alfa, d’armoise, sparte et autres graminées supportées par un sol souvent chétif auquel succède, sur une grande partie de la surface, une dalle calcaire.

Le réseau hydrographique est, majoritairement, du genre endoréique (ses eaux n’ayant souvent pas de débouché vers la mer, se déversent dans le continent au niveau des chotts, exception faite de certains réseaux, comme les sources du Cheliff à Djebel Amour et les sources de Bousellam-Soummam au massif de Boutaleb, au sud de Sétif). Le climat est caractérisée par une rudesse particulière, à savoir des amplitudes thermiques intenses (jusqu’à moins 10 degrés en hiver et 45 degrés en été), une faible pluviométrie à la limite de l’aridité (autour de 200-300 mm/an) et des pluies connues pour le forte torrentialité surtout au début de l’automne.

L’économie du couloir de la steppe est fondée essentiellement sur l’activité pastorale, devenue, par la force des choses, une vocation historique. L’élevage y est pratiqué sous sa forme extensive avec un mode de vie semi-nomade (transhumance).

Les réserves fourragères ont atteint leurs limites productives depuis déjà longtemps ; ce qui pose, d’une part, des problèmes sérieux d’alimentation pour les cheptels et, d’autre part, des risques avérés de dégradation du sol par les phénomènes d’érosion éolienne et hydrique, d’où l’aggravation de la désertification.

Inquiétante régression de l’offre fourragère

Sur les 26 millions d’hectares de la steppe, 81,52 % représentent les espaces de parcours supportant une surcharge animale de plus de 10 millions de têtes d’ovins.

Selon les conclusions d’une étude réalisée par le Bureau national des études de développement rural (Bneder), cette superficie – au vu de son offre fourragère- ne peut supporter guère plus de 4 millions de têtes.

Les activités agricoles s’étendent sur 10,39 % du territoire représentant souvent la céréaliculture. Cette dernière activité a malheureusement empiété sur la nappe alfatière suite à des défrichements ayant affecté plus de 850 000 hectares. L’étude insiste sur la nécessité de reverser ces terres défrichées au domaine pastoral et d’élaborer des plans d’aménagement au profit de ceux qui en auront été dessaisis.

La vocation d’élevage ovin extensif et transhumant imprimée par l’histoire sociale à cette partie steppique de l’Algérie ne va sans incidence sur l’écologie de la zone et sur le devenir du mode de vie des populations.

En effet, le potentiel végétal des Hauts Plateaux a atteint ses limites biologiques en raison du surpâturage, de l’anarchie régnant dans le secteur de l’élevage et des labours illicites effectués dans la nappe alfatière.

L’illustration la plus parfaite de cette situation est sans doute la régression continue du capital alfatier, phénomène visible in situ et vérifiable à travers les photos-satellites prises à différentes époques sur les mêmes zones.

Des questions urgentes qui attendent des réponses

Les scientifiques ont aussi à leur disposition la quantification de la biomasse pour caractériser l’évolution du couvert végétal sous ces latitudes. Des stations qui avaient, en 1970, une charge de 1500 kg/ha de matière sèche, en sont réduites à 400 kg/ha au début des années 2 000. Ce sont là quelques résultats inquiétants auxquels a abouti l’étude en question.

A un certain moment, sous le régime colonial, l’usine de pâte à papier Baba Ali de ne suffisait pas au traitement des grandes quantités d’alfa récoltées sur les territoires de la steppe algérienne. La ligne de chemin de fer Djelfa-Blida était spécialement conçue pour le transport de cette matière première.

Aujourd’hui, les dégâts occasionnés par les labours illicites, les défrichements et le pacage transhumant sont peut-être irrémédiables. Le premier signe inquiétant de la désertification sous ces latitudes est bien la réduction en peau de chagrin du couvert alfatier et le recul de la valeur agrologique des sols du fait de la dégradation due à l’érosion. Sur les piémonts, les atteintes au capital végétal ne sont pas non plus à prendre à la légère.

En tout cas, au cours de ces dernières années, la réduction de l’offre fourragère due au surpâturage, couplée au phénomène de la sécheresse induite par les changements climatiques, ont fini par venir à bout des efforts de beaucoup d’éleveurs.

Pour maintenir et développer ce métier ancestral à la faveur des nouvelles techniques d’élevage et d’aménagement rationnel des parcours, une nouvelle stratégie – se fondant sur la mobilisation de l’eau (puits pastoraux, canaux de dérivation, mares,…), la création de prairies artificielles, l’encadrement vétérinaire, le recours aux nouvelles techniques d’insémination artificielle,…- s’impose dans ces espaces fragiles.

Peut-on laisser se poursuivre la tendance actuelle qui fait fi des équilibres écologiques et expose la steppe à une irrémédiable régression ?

Doit-on miser sur la reconversion totale des milieux pastoraux en exploitations agricoles au risque de chambouler les fragiles équilibres existants ?

La majorité des intervenants ont plaidé une intelligente combinaison entre l’activité pastorale- qu’il y a lieu de réglementer et de moderniser- et l’activité agricole. Potentiellement, cette dernière peut s’exercer sur environ plus d’un million et demi d’hectares. Reste à déterminer les méthodes, les moyens et les formes d’intervention dans ce vaste territoire dont la première caractéristique est la fragilité.

A. N. M.

Auteur
Amar Naït Messaoud

 




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