18 avril 2024
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 Les manœuvriers et dévots du contre-soulèvement aiguisent l’épée de Damoclès

OPINION

 Les manœuvriers et dévots du contre-soulèvement aiguisent l’épée de Damoclès

Décidé à lever «le glaive anti-corruption», Ahmed Gaïd-Salah intensifie une espèce de croisade coranique censée laver la nation de ces souillures que sont les divers détournements de deniers publics, biens mal acquis, malversations ou transferts illicites acheminés en un clic au cœur des paradis fiscaux.

Menées au pas de charge, les enquêtes tous azimuts donnent l’impression que les procureurs de la République autosaisis des dossiers brûlants seraient animés d’intégrité absolue alors qu’ils obéissent aux injonctions des généraux camouflés.

En retrait, ceux-ci balisent l’itinéraire sémantique du Chef d’état major, la partie visible et audible de l’iceberg, et le poussent à réitérer les mêmes antiennes enrobées de sacralité. Tout dans sa terminologie ramenant l’entendement sur les pentes glissantes du reculoir islamo-conservateur, c’est en vertu de «l’Algérie authentique pour laquelle se sont sacrifiés des millions de chouhada », qu’il invitait, dès le mercredi 26 juin, «la grande majorité du peuple à rejoindre la voie saine (car) seuls subsisteront les fidèles à Dieu, à la patrie et au peuple ».

Vingt-quatre heures plus tard (second jour d’une visite à l’Académie militaire de Cherchell, Houari Boumediène), le général de corps d’armée divisait les Algériens entre donc les fils fidèles et les infidèles, ces malveillants ou mécréants « (…) qui veulent instaurer des phases de transition », entraîner la société vers « (…) le piège du vide constitutionnel (…) » et celui du chaos. Prononcée à l’occasion d’une cérémonie de remise de grades et de médailles à des officiers supérieurs, l’intervention du jeudi 04 juillet évoquera toujours les affaires de corruption d’un point de vue religieux, prisme immaculé à partir duquel le désormais saint homme ou chevalier blanc s’engage devant Allah à coffrer les têtes de la bande et « (…) ceux qui leur vouent allégeance », à déjouer les plans d’une « (…) coalition constituée par les partis de l’opposition kabyle, type FFS ou RCD (qui) s’oppose au scénario mis au point par l’armée. Ces mouvements historiques (…) appellent à une « négociation » avec l’actuel pouvoir militaire.

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Ce dont Gaïd Salah ne veut à aucun prix, trop méfiant qu’il est des risques d’infiltration de la mouvance berbériste par les réseaux du général Toufik ». Voici ici mis en exergue la fin de l’article « Les grandes manœuvres ont débuté en Algérie » que signera le 05 juillet 2019 Nicolas Beau, le responsable du webzine Mondafrique auquel nous rétorquerons le même jour ceci : « D’un simplisme pitoyable, votre conclusion sur une mouvance démocratique (voire moderniste) d’obédience essentiellement kabyle alimente les contorsions critiques et analyses malsaines habituellement délivrées. On peut parfaitement être arrivé à la conviction que seul un protocole d’accord peut (et doit) être signé avec le Haut commandement militaire, sans pour autant faire partie d’une intelligentsia pro-berbériste. Ce qui se joue actuellement en Algérie est trop essentiel pour attribuer du crédit à vos foireuses assertions. Alors « Nicolas Beau, ni collabos » ! »

En omettant sciemment d’énumérer le PT, PST, MDS, PLD et l’UCP, soit l’ensemble des partis composant l’ « Alternative démocratique » (à laquelle s’est jointe la LADDH), l’ex-journaliste du quotidien français Le Monde alimente perfidement les thèses du vice ministre de la Défense, désormais obnubilé par l’omniprésence d’un drapeau amazigh auquel même Abdelaziz Bouteflika accordera une visibilité calendaire en reconnaissant la légitimité du Nouvel an berbère.

Pour le proche entourage de galonné, il est communément admis que le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) prônent la séparation du spirituel et du temporel, une sécularisation garante de modernité, vocable de modernité que ne prononce justement jamais Ahmed Gaïd Salah, pas plus d’ailleurs qu’Abdelkader Bensalah. Ce sera à fortiori aussi « Au Nom d’Allah, Le Clément, Le Miséricordieux, (…) vertueux Messager », que l’intérimaire Président débutera le 03 juillet 2019 le message radiotélévisé, un simple copié-collé centré sur l’assainissement global mené par une justice aux ordres et que seront contraintes à concrétiser des personnalités morales chargées d’écarter, d’une « bonne foi pour toute », « les propositions hasardeuses (…), de déjouer les dangers et les desseins hostiles visant à conduire le pays dans la spirale de l’anarchie ».

Charmé par ses paroles «d’apaisement et d’ouverture », le dénommé Ali Mebroukine faisait paraître le 05 juillet (dans le Matindalgerie) le papier « Les six points forts à retenir du discours de Bensalah », discours ayant selon lui parfaitement capté les aspirations citoyennes. Aussi, ce professeur de Droit se portera garant d’une institution militaire victime de procès d’intention et loin d’incarner « un régime mafieux et délinquant », d’autant moins qu’elle s’est évertuée à diligenter des investigations, à incarcérer des individus à l’origine de lourds délits.

Évacuant l’hypothèse d’un règlement de comptes, ledit enseignant insistera sur le retrait de l’Armée du champ politique, contredisant du même coup les propos de Lakhdar Bouregâa arguant le jeudi 27 juin 2019 (lors de la réunion des Forces de l’alternative démocratique tenue au siège du RCD) que les tenants du pouvoir (c’est-à-dire les décideurs du premier cercle caporalisé) disposent d’un candidat choisi «(…) à travers l’organisation d’une élection présidentielle jouée d’avance ».

Éclaboussant les stratégies de séduction ou d’endormissement précieusement préparées, le pavé dans la marre vaudra à l’ancien baroudeur de la wilaya IV la même punition que celle infligée au retraité de la « Grande muette », Hocine Benhadid, soit un détour en direction de la case prison.

Placé en détention pour « participation à une entreprise de démoralisation de l’armée ayant pour objet de nuire à la défense nationale et à un corps constitué », l’incriminé trouvera en la personne de Bélaïd Abane un nouvel objecteur de conscience. Venu les 04 juillet à sa rescousse, le politologue tentera d’amoindrir l’impact en évoquant « La dose de naïveté » d’un commandant incité à «(…) dire les choses comme il les ressent », à les exprimer en quelque sorte sans réflexion, notamment lorsqu’il considère que «l’ANP ne doit pas se prévaloir d’être une digne héritière de l’ALN », point à, il est vrai, quelque peu modérer en ciblant davantage les planqués du Haut commandement.

Animés d’une psychose larvée, ceux-ci s’ingénient à convaincre la population que des mains invisibles complotent contre ses intérêts, ne savent en vérité plus comment venir à bout d’une conscientisation générale que les plus autoritaires d’entre eux tentent de juguler par l’intimidation.

Les incarcérations, mises à tabac des manifestants brandissant ou non l’étendard amazigh peuvent parfaitement servir, en ultime recours, de monnaie d’échange, ne serait-ce que pour contenter les vœux pieux des commensaux regroupés sous l’appellation « Forces du changement » et réclamant lors du « Forum national du dialogue » du 06 juillet des mesures d’apaisement, soit la libération des détenus d’opinion et porteurs de l’étendard berbéro-kabyle.

En introduisant au centre de la mêlée le supposé Cheval de Troie Abdelaziz Rahabi (préalablement plébiscité par le quotidien en ligne Algériepatriotique), la hiérarchie militaire a réussi son coup de maître puisque la quasi-totalité des participants reconnaîtra que «la solution à la crise algérienne actuelle passe par une élection présidentielle », ce que réprouvent pourtant les millions de marcheurs exigeant la veille un changement radical de système. C’est bien cette révolution là (celle pas encore effective) à laquelle s’opposent les récipiendaires des monopoles apeurés de voir s’envoler leurs nombreux privilèges ou avantages.

Si comme l’annonçait le 27 juin Gaïd Salah, «le futur Président sera un sabre tranchant contre la corruption et les corrompus », alors une guerre ouverte s’enclenchera immanquablement entre lui et les affairistes du haut sommet décisionnel. Commencer à négocier la fin des privilèges accaparés au nom d’une pseudo-légitimité historique avant d’enclencher un quelconque processus électoral aurait été, nous semble-t-il, plus judicieux. À moins que le prochain coopté ne soit, encore, limité au niveau de ses prérogatives, c’est-à-dire mis au même régime que la potiche Abdelkader Bensalah auquel il ne reste, normalement et constitutionnellement, que deux jours à tenir. Alors quoi de neuf après le 9 ? Rien, Nada, walou.

Auteur
Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art

 




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