Mardi 16 juin 2020
Les mauvais comportements de certains éditeurs : Samar, APIC, F. Fanon
Ce texte est autobiographique, bien que je n’aime pas la pesanteur du JE. Loin de raconter une tranche de ma vie, mon but est de dévoiler-dénoncer de mauvais comportements de certains éditeurs, nuisant à l’image des écrivains en Algérie et au secteur du livre.
Je ne parle pas des autres avec qui je n’ai pas eu d’expérience ; je ne généralise pas. Ce texte met en lumière les dessous sombres d’un monde qui paraît luxueux et parfait. D’autres écrivains ont subi pire que ces comportements mais choisissent le silence. Qui n’est pas de ma nature. J’estime que se taire est une lâcheté et une complicité. Je cite les faits réels tels quels et laisse le lecteur comprendre, analyser ou juger. Aucun sens de revanche ou de règlement de comptes : c’est un droit de vérité objectif pour l’opinion publique. Pour que ce genre de comportements aient fin un jour ! Pour le bien de notre culture.
1-Samar éditions
J’ai publié en 2017 mon recueil de nouvelles « Sisyphe en Algérie » chez Samar éditions, une maison établie à Alger et tenue par une jeune dame. Loin de me flatter ou de glorifier mon simple ouvrage, il a intéressé le lectorat. Surtout les jeunes. Je reçois encore des messages pour me dire où se trouve le livre. Parce que, contrairement aux clauses du contrat, il n’était disponible que dans DEUX librairies à Alger seulement. J’ai fait le tour moi-même pour vérifier. La directrice me trouvait des alibis : « les libraires ne veulent pas prendre des livres », « les gens ne lisent pas… », ce qui est faux. Les autres titres des autres éditeurs foisonnent dans les librairies. Dans les autres wilayas, AUCUN exemplaire de mon livre ! Elle préfère stocker chez elle.
En février 2018, j’avais une rencontre à l’Institut Français d’Oran. La directrice devait venir comme c’était prévu et ramener avec elle des exemplaires. Au dernier moment, elle a renoncé avec un prétexte. Je devais donc attendre un taxi à Mostaganem avec lequel elle a envoyé des exemplaires. Des heures d’attente ! C’est de la littérature ou du bricolage ? Malgré cela, la rencontre a eu lieu par respect pour le public.
Quand je dénonçais la non-distribution, elle jugeait mon caractère de mauvais pour fuir sa responsabilité. Quel est le lien avec le caractère ? Exiger ses droits est un défaut ? Nous nous sommes vus à Hydra pour mettre les points sur les « i» ; j’ai exigé la distribution des exemplaires et la signature ultérieure de résiliation après leur écoulement pour changer de maison. Elle était d’accord. Mais encore aujourd’hui, après une première (ancienne) distribution dans deux librairies, le livre N’EXISTE pas dans le marché : un livre-fantôme.
La maison préférait les ventes directes comme au SILA pour encaisser facilement l’argent. Sur son stand, pas d’affiche pour mon livre ni de ceux de plusieurs collègues ; sur cela, elle a dit que c’était un problème d’impression. Certains d’entre eux ont subi des faits graves ; je respecte leur silence et je n’ai pas leur accord pour les dévoiler. SILA 2018, elle m’a appelé pour ses intérêts, me disant de venir signer des dédicaces pour bien vendre. J’ai refusé bien que je fusse à Alger.
Juin 2019, j’avais une rencontre. L’organisateur a contacté la directrice pour avoir des exemplaires. Elle a répondu qu’il fallait venir à SA MAISON les récupérer. Après des hauts et des bas, elle les a laissés à la librairie Kalimate (Alger centre).
Aujourd’hui mon livre agonise, tel un déchet encombrant, dans le stock de la directrice qui l’a tué froidement. Avec quels mots qualifier la responsable de cette maison, qui se dit adepte de la pensée de Malek Benabi ? Et ses comportements ?
2- APIC éditions
J’ai envoyé mon nouveau manuscrit à APIC éditions le 17-07-2019. Suite à ma demande, le responsable m’a répondu le 18-09-2019 qu’il allait geler les travaux vu les difficultés. Donc trois mois pour m’informer que la maison va fermer au lieu de faire un retour sur le livre. Au SILA 2019, il m’a répété oralement les mêmes propos, à savoir l’arrêt des projets et la fermeture de la maison ; il a affirmé aussi qu’il n’avait pas lu le manuscrit. Franchement, j’étais touché par cette mauvaise nouvelle : perdre une maison d’éditions dans une Algérie handicapée culturellement, est une perte.
Cependant, en juin 2020, APIC sort le livre d’Ahmed Bensaada. Cela m’a indigné. Comment parler de fermeture puis publier !
Le 08 juin 2020, j’ai écrit un mail au directeur pour exprimer mon indignation. Ce qui m’a révolté c’est que la maison ne fait pas son vrai travail. Je n’ai pas exigé une publication. Mon livre paraîtra bientôt chez une autre maison. L’éditeur a évidemment le droit d’accepter ou de refuser tel ou tel ouvrage mais il DOIT lire et faire un retour. Au plus tard six mois. Comme c’est le cas de toutes les maisons du monde. Quand l’une d’elles est dépassée par les textes, elle annonce « nous ne recevons pas de manuscrits pour le moment ». Dire qu’on arrête tout, qu’on ferme, et publier ensuite : comment qualifier ce comportement ?
La maison est flattée par le livre de Bensaada et lui offre une ample publicité sur sa page Facebook qui était d’habitude assoupie malgré les nombreux titres publiés. Le livre de Bensaada lui paraît une belle affaire ? L’auteur est connu par les polémiques creuses qu’il cause avec ses textes auprès des naïfs et sentimentalistes. Des battements de tambour. Son livre sur Kamel Daoud n’est qu’un ensemble de riens qui a paradoxalement hissé le drapeau de Kamel. Obsédé par « la main de l’étranger » qu’il fustige, Bensaada se fait postfacer par un journaliste français dans son nouveau livre publié par APIC ! L’éditeur croit-il bien réussir avec le sujet du Hirak et un « nom » qui fait du buzz, comme c’était le cas des pamphlets de Boudjedra qui étaient bien VENDUS ? Comment qualifier cela ?
En réponse à mon mail, l’éditeur n’a fait qu’exprimer son arrogance. Au lieu d’assumer son erreur, de s’excuser, et d’expliquer, il parle du coq-à-l’âne : l’Histoire, du néocolonial, son combat… machin. Il fuit la vraie question, à savoir le fait de publier après la déclaration sur la fermeture. Par respect et esprit professionnel, il aurait pu m’écrire pour annoncer la reprise et faire un retour sur mon livre. Pour avoir raison, il utilise la dérision, me traitant de « plumard ». Et il continue de flatter son « combat ». Quel combat ? Celui de toucher la dignité des écrivains ? S’il a publié certains écrivains africains célèbres, c’est grâce à l’Alliance Internationale des Editeurs Indépendants qui soutient les coéditions dans plusieurs pays. N’est-ce pas de belles affaires ?
En plus, il déclare que c’est facile de commenter dans mon confort et que le monde du livre est compliqué. C’est parce qu’on a un registre-commerce de « maison d’éditions » qu’on est éditeur et omniscient en littérature ?
Enfin, pour fuir son comportement, il sort la phrase « j’ai lu ton recueil de nouvelles». Je déclare que je n’ai jamais eu de retour. Ce qui fait rire : il prend mon livre pour un recueil de nouvelles alors que c’est un récit. Il ne distingue pas les genres ? Il est tombé peut-être dans le piège de la structure fragmentaire en regardant seulement le sommaire.
En réponse à son péjoratif-insulte « plumard », je ne sais pas baisser mon lexique pour commenter ses mots, flatter ma modeste plume et étaler ici mon CV. Je n’attends rien des autres : j’attends tout de MOI. Et je sais ce que vaut ma plume. Mérite-t-il le titre d’éditeur ? Sinon comment qualifier cette maison ?
3- Franz Fanon éditions
J’ai envoyé mon nouveau manuscrit (évoqué en haut) aux éditions Franz Fanon le 28-09-2019. Suite à ma demande du 11-11-2019, le responsable m’a répondu par mail qu’il ne l’avait pas encore examiné. J’ai patienté. J’ai renouvelé ma demande. Il m’a répondu sur Facebook le 22-12-2019 pour dire la même réponse. Et jusqu’à présent, il n’a pas fait un retour. Ça ferait bientôt 10 mois ; le délai maximal partout dans le monde est de six mois. Alors que mon livre sera bientôt en librairie, publié par une autre maison !
Il a dit dans son mail qu’il m’écrirait après examen ». L’éditeur a complètement disparu. Il répondrait mécaniquement qu’il a beaucoup de manuscrits. Que dire des maisons dignes qui en reçoivent plus de mille par année alors que leur comité se compose de cinq ou six éditeurs seulement ? Que dire des membres de Goncourt et de l’Académie qui lisent des centaines de livres par année, sans compter leurs occupations? Loin de pomper mon torse, et pour illustrer son comportement : je lis plus de 100 livres par année, en plus de mes occupations (21h d’enseignement par semaine, le journalisme, et l’écriture…).
Par contre, la maison s’est empressée pour publier le livre collectif « La révolution du sourire » dans les premiers vendredis du Hirak. Élément important : il faut chercher qu’elle est la relation familiale entre le responsable et celle qui a fait l’introduction du recueil. Son nom est bien visible sur la couverture ; ça lui marque un point dans son CV.
Partout dans le monde, l’introduction se fait par une plume aussi notoire ou plus que les contributeurs genre « introduction du Clézio, ou Amin Maalouf, ou Chomsky… ». Une jeune enseignante universitaire, pas connue dans les domaines universitaire et littéraire, fait l’introduction pour Salah Guemriche et Mohamed Kacimi ? Bref, à propos du livre, la dame a eu un entretien avec Reporters qui met SON nom en haut et SA photo…
Mais pour un autre manuscrit, le responsable n’a pas le temps suffisant de l’examiner. Comment qualifier cette maison qui porte le nom d’un Juste ?
Conclusion
En somme, les trois éditeurs cités aurait un point commun : ils nieraient l’existence des faits que j’ai cités et expliqueraient la crise du livre et de la culture par le lecteur, le ministère, le climat, etc. N’en sont-ils pas aussi responsables à cause de leurs comportements ?
Comment la littérature-culture s’améliore avec de tels « éditeurs » et leurs actes? Pourquoi publient-ils des livres sur le Hirak, parlent de liberté et de droits, alors qu’ils touchent la dignité des auteurs ? N’est-il pas triste de voir de telles personnes avec le titre d’éditeur qui jouent en même temps les Prométhée(s) de la culture ?
Je ne pleurniche pas sur mon sort. Sans orgueil : je publie à compte d’éditeur et choisis la maison à ma guise. J’ai déjà signé le contrat avec une autre maison et le livre sera bientôt en librairie. Je rappelle que mon unique but est de dénoncer les mauvais actes de certains éditeurs et les dévoiler à l’opinion publique. Voilà les faits tels quels, c’est au lecteur de comprendre, d’analyser et de juger.
J’ai un seul souhait : que les autres écrivains ayant subi ce genre de comportements ou pire que ça, sortent du silence pour dénuder les dessous et les faux-semblants. Enfin, j’exprime mon haut respect pour les très rares éditeurs qui, malgré les mille écueils, ne manifestent pas ce genre de comportements et continuent leur professionnalisme en mettant la valeur de l’auteur et du livre au-dessus de tout.
T. B.
P.S : je sais d’ores et déjà que certains des éditeurs évoqués commenteront mes propos en parlant de leur « combat », de la Guerre Mondiale, de la mythologie et d’autres riens pour fuir les vraies questions.