Mercredi 20 décembre 2017
Les politiques se mêlent de tout, même… du football !
La violence pourrit le football en Algérie. Photo Liberté.
Le symposium pour le renouveau du football algérien organisé dernièrement par la Fédération algérienne de football (FAF) a abouti à plus d’une centaine de recommandations dont celles relatives à l’éthique et à la moralisation du football. Mais, se sont interrogés certains observateurs, peut-on parler de moralisation du football avec des joueurs condamnés par la justice par des peines fermes mais néanmoins convoqués en équipe nationale ? Ou des présidents de club qui sont toujours à la tête de leurs clubs, condamnés pour les uns par la même justice, ou graciés pour d’autres par la FAF après avoir reconnu, en direct à la télévision, qu’ils ont « tripatouillé » des matchs ?
Il y a aussi cette violence que les observateurs pensaient ne plus revoir sur les terrains de football qui, hélas, a ressurgit à Ain Kebira où un supporteur a perdu la vie après avoir reçu un coup de couteau en plein cœur, à Béchar où le drame a été évité de justesse à la fin du match ayant opposé la JS Saoura au MCA, à Mekhadma où l’arbitre a failli être lynché, et enfin à Tiaret où le match JSMT-Sfisef a été arrêté suite à des bagarres entre supporters ! Quoi de mieux pourtant, que le football pour faire passer des valeurs telles que la solidarité, l’union, le dépassement de soi, mais aussi le fair-play, le respect des règles, de l’adversaire et de l’arbitre ? Et la considération du public qui paye son billet, et qui parfois, à ses risques et périls, se déplace avec son équipe ? Comment, en définitive, ne pas donner raison aux personnes qui critiquent le football en Algérie ? Il est clair que ce sport, tel que pratiqué chez nous, ne réunit pas toutes ces valeurs et en même temps, les a-t-il réunies un jour ? On se croirait dans le monde politique avec ses coups bas, ses retournements de veste et l’argent sale qui coule à flots ! L’argent donne tout, explique tout, corrompt tout.
De jeunes Algériens brillants, qui pourraient s’élever au sommet de leur discipline en physique, en chimie, en médecine, à qui le pays refuse de donner un poste en rapport, doivent s’exiler à l’étranger pour travailler et vivre. Pendant ce temps-là, tel joueur gagne plus de 400 millions net/mois. Sans compter les primes et autres dessous-de-table : le football, local du moins, a cessé d’être un jeu pour devenir un business! Dans les stades et aux abords des enceintes du football, toute manifestation sportive est désormais considérée non comme une fête de la détente, de l’amitié, mais comme une manifestation à haut risque qui demande une protection policière.
Le football n’est qu’un prétexte à la baston et les insultes contre les joueurs fusent y compris lors des séances d’entraînement. Regardez ces faciès défigurés, convulsés par la haine de ceux d’en face! Un classico comme on dit est désormais inconcevable sans haute protection policière. C’est aussi un cauchemar pour les familles riveraines des stades. Le chauvinisme s’est, longtemps, alimenté à l’esprit de clocher, c’est-à-dire à l’idée saugrenue de la supériorité des natifs du lieu sur ceux d’à côté. En fait, non, on n’a pas éradiqué la bêtise, on l’a même mondialisée avec la détestation des joueurs africains qui subissent le racisme et les quolibets à chaque rencontre. La recherche effrénée du résultat, l’accélération des matchs ont transformé les joueurs en bêtes de somme exploitables à merci. Et ces derniers, entre deux blessures, ne tiennent que par les anabolisants voire la drogue. S’il y a si peu de cas avérés dans le football algérien, c’est qu’on se garde bien d’y aller voir, disent les spécialistes. Il faut dire que l’amour des couleurs n’est pas pris en compte dans ce genre de tractations, ni par les uns ni par les autres. Tout comme ces joueurs qui lèvent le pied y compris en équipe nationale, ces dirigeants qui soudoient des arbitres ou tentent de le faire ! La presse en a fait ses manchettes, mais il n’y a jamais eu ni rappel à l’ordre ni de poursuites pour autant. Il y a aussi tous ces entraineurs étrangers, en errance, sans palmarès aucun, qui viennent profiter d’un système qui fait fuir le produit de l’ISTS qui s’en va monnayer ses compétences dans les pays du Golfe ! Alors que dans d’autres pays les clubs de football sont devenus de véritables entreprises gérées de manière transparente, cotées en bourse et obéissant à des obligations de résultat, les nôtres sont encore considérées comme de simples « associations » et donc gérées en tant que telles.
Un club ne peut pas faire de bénéfices, tout comme il ne peut pas être propriétaire d’un quelconque bien. Encore moins, du stade dans lequel il évolue chaque semaine. Comment voulez-vous parler dans ces conditions de professionnalisme ? Ou plus encore de rentabilité, à l’ère des vaches maigres ? Paradoxalement, tout le talent d’un président de club professionnel « à l’algérienne » consiste à se sortir des situations financières délicates auxquelles il doit faire face, au besoin, en s’adressant aux amis. Tout comme Omar Ghrib en son temps ! Beaucoup, d’ailleurs se sont demandé comment, livré à lui-même quand il était à la tête du MCA, arrivait-il à maintenir le club, la tête hors de l’eau ? A l’époque de Omar, se plaît-il à rappeler à la manière d’Alain Delon qui parle de lui à la troisième personne, les joueurs étaient payés à l’échéance du mois et rubis sur ongle ! Petite pique au passage aux gestionnaires délégués par Sonatrach pour gérer le club. Il n’en demeure pas moins que l’hypothèse selon laquelle Omar Ghrib sollicitait ses « amis » pour lui prêter de l’argent ne convainc personne. Il y a sûrement des hommes de l’ombre qui injectent de l’argent dans la trésorerie du MCA. Par amour du club ? A dessein ? Pour plaire aux « Chnaouas » ? C’est l’appellation des supporters du club qui ont fini par avoir gain de cause, eux qui, 33 mois durant, n’ont cessé de réclamer son retour après sa radiation du mouvement sportif national, aux cris de « l’armée, le peuple sont avec toi Omar ! ». Ils ont en fait un slogan politique.
Et de Omar Ghrib leur idole, une personnalité de premier plan ! Au même niveau qu’un chef de parti politique : n’est-il pas leur leader ? Ils ont fait plier « ceux d’en haut » se sont autorisés à dire certains. En fait, ces supporters n’ont pas de voix-leur code leur interdit de parler d’eux, encore moins dans la presse-, ils n’ont que des pratiques. Ils peuvent conquérir la rue, et à moins d’être l’un des leurs, l’on ne saura jamais pourquoi, ni même comment s’y joindre. Mais ceux qui tirent les ficelles le savent ! Ils en usent et abusent de ces «volcans » humains, et à leur guise. Pour remplir les salles de meeting, par exemple. Ou les vider, c’est selon ! Pourtant, au départ, ces jeunes se proposaient d’opérer dans et pour les stades, usant de la rue et des murs, non pas comme des espaces publics consacrés à la politique, mais comme lieux d’encouragement de leur équipe. Pour chambrer leurs rivaux qui sont aussi leurs voisins et parfois même leurs frères de sang ! Pour aller aussi à la « baston », comme s’ils portaient la violence dans leurs gènes ! Que les supporters en aient conscience ou pas, il faut bien en convenir, le stade c’est une scène politique ! Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Rappelons-nous le «coup du laser» au stade du 5-Juillet et la transe qui s’en est suivie dans les rangs des partisans de l’ex parti dissous ! Le foot c’est vrai, attire tous les antagonismes. Toutes les tentatives imaginables de manipulation, de détournement, sont aux portes des stades. Politiciens, affairistes, sponsors et médias y sont agrippés pour lui extraire une bribe de son gigantesque écho. Se couper de ce sport, notamment à la veille d’échéances électorales majeures, c’est se couper d’une grande masse d’électeurs potentiels ! Les stades sont devenus un passage obligé pour un wali ou un ministre qui veut soigner son image de marque face à une foule de supporters présente dans les tribunes ou derrière un écran. Certains hommes politiques se prennent même régulièrement, au jeu des commentaires sportifs « à chaud », louant telle équipe, ou tel joueur pour montrer leur intérêt pour le football. Les subventions coulent à flot.
Au diable la crise, la paix sociale n’a pas de prix ! Les dirigeants sportifs et à leur tête les présidents des clubs ont intérêt à ce que des hommes politiques cautionnent le « spectacle » qu’ils organisent pour renforcer leur légitimité. Et leur caisse !
En Algérie, force est d’admettre que l’entrée du football dans le professionnalisme a été un échec pour cause de: 1. refus des présidents et des dirigeants des clubs de se plier à la transparence, d’assainir leurs comptes et aussi, d’établir des vrais contrats avec leurs collaborateurs, joueurs, entraîneurs et assistants. C’est ainsi qu’on apprend que le montant global des dettes des clubs professionnels des deux ligues s’élève à plus de 500 millions de dinars ! Plus de 26 clubs sont lourdement endettés envers joueurs et entraîneurs et par conséquent, sont interdits de recrutement par la FAF : vont-ils passer outre cette interdiction ? Il se murmure que oui, dès lors que les tractations ont commencées pour certains d’entre eux et des joueurs « nomades » ! 2. leur incapacité, également, d’ouvrir des centres de formation pour jeunes talents, sans parler de la valse des entraîneurs qu’ils «répudient» à leur guise, sans se soucier pour autant, des graves préjudices financiers qui en découlent.
La FAF elle-même n’est pas exempte, à voir comment elle a géré le contrat de l’Espagnol Lucas Alcaraz ! Il faut poursuivre ce qui ne marche pas et si possible faire pire, semblent nous dire tous ces imposteurs nichés dans les instances du foot et les clubs. Ces gens sont malheureusement les seuls que l’on écoute en haut lieu, alors que tant de voix iconoclastes, malheureusement absentes du symposium organisé par la FAF parce que non invitées, poussent des cris d’alarme concernant le sport en général et le football en particulier, gangrénés de toutes parts. En fin de compte, le football ne serait-il pas devenu : • un espace trop convoité pour n’appartenir qu’aux joueurs et aux amateurs du beau jeu ? • un monde de politiciens où le pouvoir et l’argent en sont les principaux moteurs ? • un monde interlope où certains, derrière les rideaux, ont d’ores et déjà, mis leur curseur sur 2019 ?