Le médecin se base sur les statistiques passées lorsqu’il dit au patient « vous avez 80 % de chance de guérison ». Ce dernier fera alors des cauchemars en pensant aux 20 %.
Le professeur annonce la moyenne de la classe, chacun tremblera avant la distribution des copies car Hamid est plus doué que Samir qui est lui-même plus doué que Nassim et ainsi de suite. Les rangs sont le constat d’une moyenne durant une période passée. Mais pour ce devoir, Nassim aura-t-il l’appui des statistiques ?
Nous sommes assaillis de statistiques, pas un instant nous pouvons nous en détacher. C’est devenu notre boussole, notre base de toute réflexion. Nous sommes prisonniers et addictes aux statistiques sans lesquelles nous avons l’impression qu’en toutes choses elles nous sont nécessaires.
L’idée la plus répandue est qu’elles sont de création récente car les techniques mathématiques et les modélisations sont les outils privilégiés des statistiques. Pas du tout puisqu’on les retrouve près de 30 000 ans av. J.-.C.
La première utilisation était le comptage des animaux, des personnes de la tribu et autres existants en nombre qui se faisait par des encoches sur des bouts de bois ou des os.
Mais non voyons, le médecin de l’époque, s’il en existait, n’en utilisait pas et les hommes du paléolithique pouvaient dormir en paix sans penser aux 20 %. Ils pouvaient se rassurer, l’espérance de vie moyenne était à cette époque de…30 ans.
Si nous revenons à notre ère, cette invasion des statistiques quotidiennes peut être de différentes catégories quant à leur nature. Nous les constatons chaque jour.
Vous avez les statistiques de comptoir pour valider votre propos par une certitude que seul le locuteur connaît, « 90 % des Algériens pensent comme moi ». Comme évaluation sérieuse, on a connu mieux.
Et puis il y a ceux qui ne lésinent pas sur la quantité, tant qu’on y est, il faut y aller, « 100 % des gens sont convaincus qu’il faut le faire ».
Et ceux qui veulent être raisonnables en affirmant qu’il y a une marge de certitude avec le mot environ ou l’expression, à peu près, « environ 90 % des habitants estiment que la décision est bonne ».
Comme il y a dans la même catégorie ceux qui prennent la même précaution mais avec une métaphore. « Le chiffre prévu est dans l’épaisseur du trait ». On est tenté de leur demander de quel crayon est le trait, avec la mine grasse ou la mine fine ? Ou alors l’expression habituelle qui nous dit qu’on est dans la marge d’erreur pour signifier l’incertitude étroite.
Pour ce qui est des prévisions, nous l’avons dit, ce sont les statistiques du passé qui servent de référence afin de se projeter dans l’avenir avec plus ou moins de correctifs. C’est donc de la validité du décompte passé que la projection trouve son appui.
Mais allez demander les statistiques des moyennes de la population dans les années 30 ou 40 afin de reconstituer la tendance et l’appliquer à la prévision de l’importance chiffrée de la population sur une longue période.
Je rigole car les cartes d’identité de beaucoup d’Algériens à cette époque, il y en a encore qui sont encore de ce monde, on pouvait lire à la date de naissance, P. 1935, soit présumé né en 1935. Aller faire des statistiques sérieuses avec ces données !
Un autre exemple d’approximation, les sondages pour les intentions de vote. On nous dit que l’étude est faite à partir d’un échantillon représentatif qui est sondé. Eh, Oh ! Personne ne m’a jamais téléphoné, qui prétend connaître mon intention de vote à partir de la déclaration de ma voisine Karima ou de mon collègue Tahar ?
Bien entendu, cette chronique est rédigée avec une tentative d’humour. Les statistiques sont envahissantes, souvent trompeuses mais tellement indispensables avec les méthodes modernes pour fonder des analyses et les projeter dans l’avenir.
La morale de cette histoire très baroque que j’ai présentée, si nous revenons aux exemples du début de l’article, est qu’en toutes circonstances la prise de recul et de discernement sont toujours indispensables. Cela pour interpréter les sondages, les statistiques et les prévisions sans perdre le contrôle de sa liberté de pensée et de ses choix.
C’est en fait indéfiniment ma même conclusion, le recul et le discernement naissent de l’instruction.
Boumediene Sid Lakhdar