Mardi 14 août 2018
Les talibans s’emparent de la ville de Ghazni et d’une base militaire
Les talibans, engagés depuis cinq jours dans d’intenses combats pour le contrôle de la ville de Ghazni (Est) ont réussi mardi un nouveau fait d’armes en s’emparant d’une base militaire du Nord de l’Afghanistan.
Les insurgés ont pris le contrôle de la base de Chenaya, située dans le district de Ghormach dans la province instable de Faryab, au terme de plusieurs jours de combats, a indiqué Mohammad Hanif Rezaee, porte-parole de l’armée pour le Nord du pays.
Au moins 100 militaires se trouvaient sur le site au début de l’attaque dimanche, selon lui. « C’est une tragédie que la base soit tombée aux mains des ennemis. Des soldats ont été tués, d’autres capturés et certains se sont enfuis dans les collines à proximité », a-t-il dit à l’AFP.
Un élu local, Hashim Otaq, a fait état de 14 soldats tués et d’une quarantaine d’autres capturés.
L’assaut a coïncidé avec celui lancé jeudi soir par les talibans à l’autre bout du pays, dans la ville de Ghazni (Est), qui se poursuivait toujours mardi.
L’attaque de Ghazni constitue la plus grande offensive talibane depuis un cessez-le-feu inédit de trois jours observé en juin. Les insurgés sont sous pression depuis des mois pour accepter d’entamer des négociations de paix avec le gouvernement afghan.
Selon Tahir Rehmani, chef du conseil provincial de Faryab, la base de Chenaya est tombée alors que ses occupants réclamaient depuis plusieurs jours du renfort et un soutien aérien de Kaboul, sans succès. « Ils (les autorités) étaient trop occupés avec Ghazni », a-t-il souligné.
« Ville fantôme »
Ghazni, chef-lieu de la province du même nom, se trouve sur l’axe majeur Kaboul-Kandahar, qui relie la capitale aux provinces du Sud, en grande partie sous le contrôle des talibans. Elle est située à deux heures de route à peine de Kaboul.
Les autorités affirment que la ville demeure entre les mains des forces afghanes, qui y mènent des opérations pour en chasser les rebelles.
Mais des habitants ont indiqué à l’AFP que les talibans sont toujours présents dans la ville où ils incendient des bâtiments et s’en prennent aux civils.
L’ONU a fait état d’informations non confirmées selon lesquelles plus de 100 civils auraient été victimes des violences depuis jeudi soir. Outre les tirs des talibans, les habitants sont exposés aux raids aériens conduits par les forces américaines en soutien aux Afghans.
Un élu de Ghazni, Shah Gul Rezaye, a indiqué mardi que certaines zones de la ville avaient été reprises. Mais dans d’autres, « les talibans ont positionné leurs combattants dans des bâtiments élevés pour tirer sur les forces de sécurité », a-t-il dit.
Les réseaux de télécommunications demeuraient pour la plupart coupés, rendant les informations difficiles à vérifier.
« Ghazni est une ville fantôme à présent. Les talibans font du porte-à-porte pour trouver les fonctionnaires gouvernementaux et leurs familles et les tuer », a assuré un habitant, Sayed Zia. « Ceux qui le peuvent fuient ».
Un autre habitant, se présentant sous le nom d’Abdullah, a affirmé que les talibans tuaient ceux qui refusaient de les aider.
« J’ai vu deux camions pleins de cercueils se diriger vers un cimetière de la ville. Ils semblaient être tous des civils », a-t-il dit.
« La ville est pleine de fumée. Partout où ils vont, ils mettent le feu », a-t-il ajouté, faisant état de magasins pillés et de difficultés à se procurer de l’eau et de la nourriture.
D’autres habitants ont affirmé à l’AFP avoir vu des corps abandonnés dans les rues ces derniers jours.
« Pour le moment, les combats auraient fait de 110 à 150 victimes civiles. Les chiffres doivent encore être vérifiés », a indiqué l’Ocha, le bureau de l’ONU chargé de la coordination des actions humanitaires.
Des talibans pourraient s’être cachés dans des maisons et endroits publics, « accroissant le risque de victimes civiles lors de ripostes militaires aériennes », souligne encore l’Ocha.
Lundi, le ministre de la Défense Tariq Shah Bahrami avait annoncé qu’au moins 100 membres des forces de sécurité avaient été tués dans la bataille, ainsi que de 20 à 30 civils.