Le prestigieux hôtel El Palace, l’un des établissements les plus anciens et les plus emblématiques de Barcelone, change de mains. Selon les informations révélées par le quotidien espagnol La Vanguardia et reprises par El Debate, le 28 octobre 2025, la propriété de l’hôtel revient désormais à l’État algérien, via le Fonds national d’investissement (FNI), un organisme public rattaché directement au Premier ministre algérien.
Ce transfert, conclu discrètement durant l’été 2025, marque la fin d’un long contentieux autour de l’homme d’affaires Ali Haddad, décrit par le média espagnol comme figure centrale du capitalisme d’État sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Condamné en Algérie pour corruption et détournement de fonds publics, l’homme d’affaires Ali Haddad avait acquis l’hôtel en 2011 auprès de l’ancien président du FC Barcelone, Joan Gaspart, pour un montant estimé entre 54 et 80 millions d’euros.
Un actif emblématique au cœur du dispositif anti-« iassaba » (la bande)
L’affaire El Palace illustre le nouvel activisme économique et judiciaire du gouvernement algérien, engagé depuis 2019 dans une campagne de récupération des avoirs transférés illégalement à l’étranger par les proches de l’ancien régime. Abdelmadjid Tebboune a fait, selon la vulgate officielle, de la lutte contre « l’issaba » — le réseau d’oligarques liés à Bouteflika — un axe majeur de sa gouvernance.
Au cours d’une récente allocution devant les hauts gradés de l’armée, Abdelmadjid Tebboune a annoncé la récupération d’actifs d’une valeur estimée à 30 milliards de dollars, laissant entendre, sans la nommer, la restitution d’un hôtel de luxe à l’étranger — une allusion que La Vanguardia interprète comme visant précisément El Palace de Barcelone. Quant aux autres actifs récupérés, malin celui qui serait à même de les sérier.
Une restitution par « dation en paiement », non par jugement
Particularité notable : le transfert de propriété ne résulte pas d’une décision judiciaire, mais d’une dation en paiement (Dación en Pago), un mécanisme juridique espagnol qui suppose un accord amiable entre les parties. Ce dispositif permet à un débiteur de céder un bien à son créancier pour éteindre sa dette — une voie plus discrète que la saisie judiciaire.
Selon les registres consultés par La Vanguardia, cette formule laisse penser qu’un accord a été trouvé entre l’État algérien et Ali Haddad, malgré les déclarations officielles excluant toute négociation avec les anciens oligarques. L’hôtel, d’une valeur cadastrale de 53 millions d’euros, est grevé d’une hypothèque de 26 millions d’euros contractée auprès de la banque Santander, désormais à la charge du FNI algérien.
Une affaire aux ramifications diplomatiques
Cette restitution s’inscrit dans le contexte sensible des relations entre Alger et Madrid, mises à l’épreuve depuis le revirement du gouvernement de Pedro Sánchez en mars 2022, lorsque l’Espagne a soutenu publiquement le plan marocain d’autonomie au Sahara occidental. Malgré la crise diplomatique qui s’en est suivie, les deux capitales ont maintenu un canal de coopération judiciaire sur les dossiers financiers liés aux oligarques algériens.
Selon des sources diplomatiques citées par La Vanguardia, la représentation espagnole à Alger a traité avec « diligence » les demandes algériennes de coopération dans la localisation et la restitution des biens mal acquis. Une délégation algérienne s’est d’ailleurs rendue à Madrid récemment dans le cadre de la commission bilatérale de sécurité, où la question des avoirs détournés a été abordée.
Le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, s’est rendu à Alger la semaine dernière, dans ce qui apparaît comme un signe d’apaisement entre les deux pays.
Une gestion toujours liée à l’ancien réseau
Depuis 2014, la gestion commerciale de l’établissement est assurée par Royal Blue Bird, société dirigée par Radia Bouziane Allaoui, une ressortissante algérienne naturalisée espagnole, proche de l’entourage d’Ali Haddad. L’entreprise n’a pas souhaité commenter les informations publiées par la presse espagnole.
Sur le plan légal, la propriété a été transférée en août 2025, bien que l’enregistrement définitif soit encore en cours. Le greffe espagnol a récemment émis un avis défavorable sur la formalisation du transfert, sans en préciser les motifs. Toutefois, le droit espagnol prévoit que la cession prend effet dès la signature notariale, indépendamment des délais d’enregistrement administratif.
Un symbole de souveraineté économique
Au-delà du scandale, la reprise d’El Palace par le FNI illustre la volonté d’Alger de reconstituer un patrimoine public dilapidé durant les années fastes de la « présidence Bouteflika ». Elle s’inscrit dans un processus de réhabilitation financière et politique, visant à tourner la page d’une décennie marquée par la collusion entre pouvoir et affaires.
En reprenant possession de ce joyau hôtelier, l’Algérie envoie un signal fort : celui d’un État qui cherche à restaurer son autorité et sa crédibilité internationale, tout en cherchant à solder les comptes d’un passé économique opaque.
Samia Naït Iqbal
# Source principale : « El Palacio de Barcelona pasa a manos del Estado argelino tras años de litigio con el magnate Ali Haddad », La Vanguardia, 27 octobre 2025.
Article repris et analysé par : El Debate, édition du 28 octobre 2025.

