19 avril 2024
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Lettre « optessimiste* » au futur président

Grand Angle

Lettre « optessimiste* » au futur président

Sauriez-vous vous rappeler, Monsieur le futur président, que le peuple n’attend plus rien de vous ? Ou peut-être en attend-il tellement trop qu’il s’en détourne. Il fait de son mieux pour se nourrir au jour le jour. Il s’empare des fois et sournoisement d’un lopin de terre qui aurait pu lui revenir de plein droit, l’entoure de quatre murs de parpaings pour y mettre sa famille. Il fait de son mieux pour éduquer ses enfants, se rendre à son lieu de travail, et il a la peur au ventre, parce qu’aucun président ne l’a suffisamment protégé. Et pendant que les jeunes se jettent à l’eau pour mourir ici ou là-bas, ceux qui restent ont silencieusement perdu l’espoir avant la vie.

Vous serez le prochain président, celui qui succèdera à des décennies de rien, sinon de palabres, de perte, de complots et de misère. Vous ne serez pas élu, vous le savez, sans surprise, mais vous vous en foutrez éperdument, totalement. Car vous serez le président, malgré moi, malgré nous et malgré tout.

Vous serez un président parmi d’autres et vous pouvez être comme les autres. Sans être vrai, sans démocratie, sans projet et rien à l’horizon. Comme vous pouvez être tout le contraire.

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Si je vous écris, ce n’est pas pour vous prévenir, en vous annonçant la mauvaise ou la bonne nouvelle, ni pour vous alarmer ni encore moins pour vous apprendre quoi que soit qui puisse vous surprendre. Les mots sont depuis longtemps suspendus aux armes qui les tuent plus vite qu’ils ne naissent. Les armes sont en démographie galopante, pendant que les mots sont en danger de disparition majeure, comme le sont certaines espèces d’animaux en état critique d’extinction.

Si je vous écris ce n’est pas pour vous soumettre l’ébauche d’un projet politique : on le sait depuis bien longtemps que ce n’est pas cette sorte de gens, ceux qui créent les partis, les dirigent et les perdent, qui sortiront le pays du gouffre. Ils sont souvent seuls, pauvres, sans défense et au final ils désespèrent et plongent comme les autres.  

Si je vous écris ce n’est pas pour vous incriminer ni pour vous juger, pour la simple raison que vous n’êtes pas encore président, et on ne juge en vrai que les faits. Et on vous laissera votre chance, entière, car nous sommes un peuple qui fait trop confiance. N’abusez pas trop !

A-t-on le droit, en tant que peuple, de rêver que vous puissiez avoir le courage de Ghandi, la sagesse de Confucius, ou la philosophie de Socrate ?  Sinon, juste un président qui se lève le matin pour aimer son peuple, le défendre et lui rendre sa liberté et son honneur : Est-ce trop vous demander ?

Un jour se lèvera et vous serez peut-être président. Alors on aimerait être un peu fou, car on dit bien qui vit sans folie n’est pas si sage, et rêvons. Mais nous ne voulons pas que cette folie soit la vôtre, à moins que ce soit celle qui réfléchit dans plusieurs directions, et alors là, vous serez une exception.

Avez-vous pensé quel genre de président vous serez ? Un Pion ? un Roi ? un Fou ? un Cavalier ? Et il y a tout ça dans notre échiquier. Vous pouvez être un président-pion, un président-roi, un président-fou ou un président-cavalier, et nous en avons eu tous ces genres.

Vous serez un président-pion et on vous déplacera d’une case ou deux au maximum, au bon vouloir des héritiers du vrai pouvoir, et vous serez contraint de couvrir leurs crimes, leurs fautes, le leurs vols…

Vous serez un président-roi et on vous inventera un frère, une famille, une religion, une filiation ancestrale et, quand on vous aura pressé comme un vieux citron, et après avoir cumulé des mandats sans pouvoir et sans conscience, on finira par vous présenter au monde entier sous forme d’une statue qu’on vient voir sous tous ses angles.

Vous serez un président fou et alors vous partez dans les cases qui vous conviennent. Si vous êtes un fou blanc, vous tuerez les noirs qui se mettent sur votre route, et si vous êtes un fou noir vous tuerez tous les blancs.

Mais si vous êtes enfin un président-cavalier, vous vous rendrez compte qu’il y a autour de vous d’anciens pions, des rois déchus, des fous lâchés dans la nature, des voleurs connus, des assassins libérés sur parole, des criminels non jugés et des grappes de fous du roi qui se baladent dans le palais avec ou sans uniforme. Vous voudriez alors faire vite car le temps presse. Vous tentez de corriger les pions, d’écarter les rois, d’enfermer les fous, de prendre les voleurs en flagrant délit, de juger les assassins et tous les criminels, et vous mettez hors du palais tous les fous du roi avant d’aller vous installer dans la maison du président. Vous vous adressez au peuple pour l’unir autour de vous, pour qu’il vous donne sa pleine voix pour ne plus tenter mais pour réussir. Mais ce qui va vous faire défaut, Monsieur le futur président, et cela vous le savez aussi, c’est votre garde rapprochée.

Alors si je vous écris justement, c’est seulement pour savoir, lequel de ces présidents vous serez. Un Pion ? Un Fou ? un Roi ou un Cavalier ?

Et maintenant, c’est à vous de jouer. Résistez ! Refusez ! Tant qu’il est encore temps. Lisez ma lettre et réfléchissez. Et si vous vous décidez malgré tout d’être président, ne la lisez pas, car cette lettre « optessimiste » n’aurait servi à rien…

A. H.

Ahcène Hédir est l’auteur du roman Le Secret, publié aux éditions 5 sens à Genève.

* Ce mot fallacieux fut inventé par un homme pessimiste qui se voulait être optimiste.

Auteur
Ahcène Hédir

 




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