22 novembre 2024
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AccueilChroniqueL’homme creuse sa tombe avec ses propres dents  (*)

L’homme creuse sa tombe avec ses propres dents  (*)

Boumediene

Au lendemain de l’indépendance, le pouvoir en Algérie choisit d’appuyer le développement sur les recettes pétrolières c’est à dire sur l’extérieur plutôt que sur le travail c’est à dire les forces internes productives.

Cette richesse pourtant loin d’être porteuse d’une possibilité d’indépendance est au contraire indice d’une dépendance totale à l’égard du marché mondial et des sociétés multinationales qui le dominent puisqu’elle s’accompagne de l’impossibilité absolue d’en contrôler la source.

De plus, cette richesse provenant de l’extérieur fait l’objet d’une demande de redistribution que l’Etat ne peut maîtriser pour importer les biens de consommation de base d’où le recours à l’endettement pour combler une réduction des recettes pétrolières.

Il apparaît donc clairement que la rente pétrolière, instrument de domination et de dépendance, tant qu’elle est la source essentielle pour ne pas dire exclusive d’enrichissement de la classe dominante entrave la formation des classes telles que la bourgeoisie et le prolétariat, acteurs indispensables d’une économie de marché.

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D’un côté, la classe dominante, pour asseoir son pouvoir, avait intérêt à favoriser la population en développant une politique de redistribution élargie à toutes les catégories sociales, ce qui lui a permis de repousser la lutte des classes à plus tard. De l’autre, la majorité des citoyens ne peut que tenter d’obtenir une part plus grosse du « gâteau », à moins de rejeter le système.

En réalité, ils n’ont ni les moyens, ni véritablement intérêt à remettre en cause ce système qui leur permet d’espérer un niveau de vie relativement acceptable sans fournir d’efforts en conséquence. 

En effet, ce sont les ressources offertes par le pétrole, le gaz ou l’endettement qui permettent l’augmentation générale des salaires sans croissance correspondante de la productivité. Cette situation est appelée à être dépassée au fur et à mesure que les agents économiques et sociaux prennent conscience de leur autonomie et au fur et à mesure que l’économie devient productive, féconde et créative.

Le développement étatiste de l’économie, inspiré de l’expérience soviétique, acclamé par les populations, récupéré par les multinationales et subies par les entreprises publiques, a provoqué de profondes transformations sociales notamment l’émergence et la consolidation d’une élite de gestionnaires et de dirigeants particulièrement favorisée, fonctionnant de plus en plus comme une aristocratie dont l’accès est interdit par une processus de sélection. 

En outre, le rôle très limité du syndicat, lequel s’identifiait au pouvoir politique fait qu’il n’y a pas d’émergence d’une conscience de classe dans le milieu des travailleurs. 

La logique dominante n’est pas celle de la production de la plus-value mais une logique de redistribution de la rente. La classe au pouvoir confondue avec l’Etat, réorganise la société autour d’elle, elle engendre tout d’abord une forte classe appui grâce à la salarisation dans les administrations et les entreprises publiques, salarisation qui signifie en Algérie, émargement au rôle de la rente en contrepartie de son allégeance implicite à la classe au pouvoir. L’intellectuel n’a pas pour fonction de produire des idées mais de reproduire celle diffusées par l’Etat, il doit se confondre avec le projet de l’Etat.

Le pouvoir ne s’est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n’a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance. L’incapacité des dirigeants d’améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes.

Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement. 

Dans la conjoncture actuelle, l’équilibre de l’économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l’emprise de la rente sur l’économie et sur la société. 

Dr A. Boumezrag

(*) le titre est une citation de Paul Baïn

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