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mercredi 28 mai 2025
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Liberté pour Me Ahmed Souab : que dire quand la vérité devient un acte terroriste ?

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Le 18 avril dernier, Me Ahmed Souab, avocat, ancien magistrat, figure respectée du barreau tunisien, s’exprimait devant la Maison de l’avocat à Tunis. Ce jour-là, en robe, entouré de ses confrères et consœurs, il a osé dire ce que tout le monde sait et voit mais que beaucoup n’osent pas nommer :

« La justice est dans une situation de destruction massive, son état ressemble à celui de Gaza. Les couteaux ne sont pas sur les détenus mais sur le président de la Chambre qui va les juger ». 

Des mots graves, pesés, portés par une conscience professionnelle et citoyenne que personne ne peut suspecter de légèreté ou de calcul. Des mots qui nomment et désignent une réalité insupportable : l’effondrement de l’indépendance judiciaire, la soumission des juges à des ordres politiques, une machine répressive lancée contre les opposant.e.s, les avocat.e.s, les journalistes, les défenseur.es des droits des personnes migrant.e.s, les militant.e.s.

Ces paroles – et ces seules paroles – ont suffi à faire de lui, aux yeux du régime, un « terroriste ».

Quelques jours plus tard, Me Ahmed Souab est arrêté, inculpé au titre de la loi antiterroriste n°2015-26, placé en détention préventive dans des conditions indignes. Le pouvoir tunisien n’a eu besoin ni de preuves, ni d’actes : il a criminalisé un discours, une prise de parole publique, un cri d’alarme.

Ce qui est en cause ici n’est pas seulement l’acharnement contre un homme — mais une attaque frontale contre la libre parole, contre le droit à la défense, contre l’idée même de justice indépendante. En s’en prenant à Ahmed Souab, c’est toute une génération d’avocat.e.s, de juges, d’intellectuel.le.s et de défenseur.es des droits humains que l’on cherche à intimider, à faire taire, à briser.

On ose l’accuser de vouloir faire peur alors qu’il ne fait que dire haut ce que le régime veut que l’on murmure ou que l’on oublie. On ose le traiter en criminel alors que les véritables criminels sont ceux-là mêmes qui détruisent les institutions, chassent leurs adversaires et toute voix critique en manipulant les lois et utilisant la justice uniquement à des fins de répression.

L’utilisation de la loi antiterroriste contre un avocat pour une déclaration publique est une violation flagrante du droit international, un détournement scandaleux de la justice et un signal d’alerte majeur pour toutes celles et tous ceux attaché.e.s à la démocratie en Tunisie.

Il ne s’agit pas là d’un simple abus mais d’un point de non-retour que le régime s’apprête à franchir. Ne rien dire reviendrait à cautionner.

Ahmed Souab n’est pas seul. Il incarne aujourd’hui cette force lucide, courageuse, intègre, que le pouvoir tente de faire taire. Mais ni les murs d’une prison, ni les décrets de l’arbitraire, ni les intimidations ne feront disparaître ce que cet homme, cet avocat, ce citoyen incarne : la voix de la justice contre la tyrannie.

Tant qu’il y aura des hommes et des femmes debout comme Ahmed Souab, la Tunisie ne sera pas totalement asservie.

À nous de faire en sorte de l’aider à ce que celle-ci se relève.

Nous affirmons avec force :

  • Qu’aucune des paroles ou actes d’Ahmed Souab ne relève de « formation d’une organisation terroriste », de « soutien à des actes terroristes »  ou de « menace de commettre des crimes terroristes », en plus de « diffusion de fausses nouvelles », mais bien d’un devoir de parole et d’alerte face à cette dérive autoritaire ;
  • Que l’incarcération d’un avocat pour ses opinions constitue une violation manifeste de la Constitution, des principes fondamentaux de l’État de droit et des conventions internationales ratifiées par la Tunisie ;
  • Que la criminalisation de la critique est le propre des régimes qui craignent la vérité.

Nous appelons : 

  • À la libération immédiate d’Ahmed Souab et à l’abandon de toutes les poursuites engagées contre lui ;
  • À une mobilisation massive de la société civile, des syndicats, des avocats, des partis démocrates, des médias et des citoyen.ne.s contre la répression judiciaire en cours ;
  • À une dénonciation claire par les instances internationales, les partenaires diplomatiques et les ONG des droits humains, de l’instrumentalisation de la loi antiterroriste.

Liste des signataires et membres du comité international de soutien aux libertés en Tunisie : 

  • Zakaria Abdillahi, avocat, Président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), Djibouti.
  • Gilbert Achcar, Professeur émérite à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres, Liban.
  • Wadih Asmar, Président du Centre Libanais des Droits humains, Liban.
  • Rasmus Alenius Boserup, directeur exécutif du réseau EuroMed Droits, Danemark. 
  • Patrick Baudouin, avocat et ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, président d’honneur de la Fédération internationale pour les droits humains, France.
  • Joel Beinin, Professeur émérite d’histoire, titulaire de la chaire Donald J. McLachlan d’histoire et d’histoire du Moyen-Orient, Université de Stanford, États-Unis. 
  • Raffaella Bolini, dirigeante de la grande association italienne Arci et membre du Conseil international du Forum social mondial (FSM), Italie.
  • Mostefa Bouchachi, avocat, homme politique, président Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme 2007 à 2012, Algérie.
  • Alexis Deswaef, avocat au Barreau de Bruxelles et vice-président de la FIDH, Belgique.
  • Kamal Lahbib, Secrétaire exécutif du Forum des alternatives Maroc, membre fondateur du Forum Vérité et Justice, de l’Espace associatif et de l’Observatoire national des prisons, Maroc.
  • Gustave Massiah, ingénieur et économiste, membre fondateur du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), France.
  • Marc Mercier, Président d’honneur du Réseau Euromed France (REF), France. 
  • Marc Schade-Poulsen, chercheur invité, Université de Roskilde
  • Khadija Ryadi, Présidente de la Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains (CMODH), Maroc.
  • Aissa Rahmoune, avocat et secrétaire général de la FIDH, Algérie.
  • Pinar Selek, écrivaine, enseignante-chercheuse au Département de Sociologie de l’Université Nice Côte d’Azur, Turquie-France.
  • Giovanna Tanzarella, responsable de l’Université populaire, actrice de la société civile méditerranéenne, Italie.
  • Marie-Christine Vergiat, juriste, militante associative et femme politique française, députée européenne de 2009 à 2019, vice-présidente de la Ligue Française des Droits de l’Homme de 2019 à 2024, membre du Comité Exécutif d’EuroMed Droits depuis 2009, France. 

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