Plusieurs avocats et des proches de personnalités tunisiennes, dont des opposants au président Kaïs Saïed, condamnés samedi à de lourdes peines pour « complot contre l’État », ont dénoncé lundi 21 avril un procès « fabriqué de toutes pièces », en confirmant des recours en appel.
Parmi ces avocats de la défense figure Ahmed Souab, un ancien juge qui a dénoncé « une injustice inédite » dans cette affaire. Il a été interpellé ce lundi après avoir fait allusion aux pressions du pouvoir sur la justice en Tunisie.
En Tunisie, Ahmed Souab a été interpellé chez lui, lundi matin à l’aube. Selon son fils, qui a donné l’alerte, dix hommes de la sécurité ont fait irruption chez lui. L’avocat a été conduit au pôle judiciaire antiterroriste avant d’être officiellement placé en garde à vue. La justice lui reproche ses critiques contre le verdict du procès dit du « complot contre la sûreté de l’État ».
« Nelson Mandela disait : « la personne libre devient esclave si elle se tait face à l’injustice ». Notre peuple et la révolution nous ont donné la liberté. Ne nous taisons pas face à l’injustice. L’injustice et l’humiliation que j’ai vues dans ce dossier sont sans précédant », réagissait Ahmed Souab samedi dernier après le verdict.
Selon le porte-parole du pôle judiciaire antiterroriste, Ahmed Souab pourra ensuite être transféré dans un centre de détention après l’ouverture d’une information judiciaire pour « un ensemble d’infractions terroristes » et de « crimes de droit commun ». « Il va rester cinq jours en détention provisoire et les deux premiers jours, il ne pourra même pas communiquer avec ses avocats », a déploré Samir Dilou, avocat dans le cadre de la même affaire. En tant qu’avocat des accusés dans le cadre de cette affaire, son intervention devant le tribunal à l’annonce du verdict a été remarquée.
Une manifestation organisée pour dénoncer son arrestation
Selon les médias locaux, Ahmed Souab a été placé en garde à vue pour « soupçons de menace de crimes terroristes » après ses déclarations de samedi où il a estimé symboliquement que l’épée de la justice n’était pas sous la gorge des accusés, mais sous celle du juge qui a émis le verdict, faisant allusions aux pressions du pouvoir tunisien sur la magistrature.
Des protestataires ont organisé lundi soir une manifestation sur l’avenue Habib Bourguiba dénonçant l’arrestation de cet ancien juge et réclamant la liberté pour les accusés dans l’affaire du complot contre l’État. Les slogans brandis mentionnaient le refus d’utiliser la justice et la sécurité pour viser les opposants en Tunisie.
Pour rappel, le tribunal de première instance de Tunis a infligé des peines allant de 4 à 66 ans de prison à l’encontre d’une quarantaine de personnes de l’opposition, des hommes politiques, des avocats, des journalistes, des hommes d’affaires et d’anciens ministres. Les accusés ont été reconnus coupables de « complot contre la sûreté de l’État » et « d’appartenir à un groupe terroriste ».
RFI
Je n’ai pas vocation de m’immiscer dans les affaires d’un autre pays, sauf la France et l’Algérie que je considère comme étant mon pays. Toutefois, les tunisiens devraient créer un modus operandi qui laisse l’espace à une vision différente de celle de la majorité, là où la minorité ne parle plus, n’agît plus : il y a mort cérébrale du peuple, sans dynamique populaire, l’État ne tiendrait pas longtemps. Voilà pourquoi une sentinelle, comme pourrait être un intellectuel, ne peut être la cible, encore moins réprimée.