21 novembre 2024
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L’idéologie au service de l’autoritarisme ethniciste

Identité amazighe
L’identité amazighe est portée par ses enfants malgré le déni des pouvoirs d’Afrique du Nord

En anthropologue de terrain, Mouloud Mammeri a vite compris que le défaut de tous les habitants de l’Afrique du Nord, c’est qu’ils accordent plus d’importance à la culture des autres, au détriment de la leur.

Cette mésestime leur a causé une grande dévalorisation culturelle, voire une perte de confiance en soi et en leur identité, pourtant si riche par sa diversité.
En revanche, leur quête identitaire, au fil du temps, était paradoxalement si aiguë que leurs sources d’information et d’identification culturelle se trouvent chez les autres, leurs envahisseurs en particulier. A part Juba II qui a essayé d’en faire un récit dont on ne trouve, paraît-il, que très peu de traces, la plupart des historiens qui ont parlé de la culture berbère étaient des étrangers.
De Pline l’Ancien à Tacite et de Salluste à Tite-Live, en passant par bien d’autres, l’historiographie berbère a été écrite par les autres. Plus tard, au XIII e siècle, Ibn Khaldoun a tenté de relater à sa façon l’histoire des Amazighs, mais son initiative se limite à l’ère médiévale, et encore avec tout un tas d’imprécisions. Ses contemporains ont suivi aussi la même logique.
Dans la période moderne, les historiens, qu’ils soient les nôtres ou des étrangers, n’ont fait qu’analyser les faits relatés par leurs anciens prédécesseurs.
On a beau philosopher là-dessus, on revient au même problème : l’histoire berbère, et partant celle de toute l’Afrique du Nord, est mise en récit par les vainqueurs ; l’école des envahisseurs. A l’origine de ce vide civilisationnel : la culture orale  ayant façonné l’esprit amazigh pendant des siècles et des siècles.
Néanmoins, à défaut d’une histoire véridique écrite par les siens, il y a l’ethnologie ou l’anthropologie, c’est à-dire « la science de l’homme », qui peut expliciter le mouvement de la société berbère, des origines à nos jours. Or, l’anthropologie fut considérée comme une forme de néocolonialisme, par les nouvelles élites gouvernantes.
En Algérie par exemple, ceux qui ont pris le pouvoir au lendemain du recouvrement de l’indépendance, l’ont reléguée au rang  de « science coloniale ». Autrement dit, selon eux, les Français, dès qu’ils ont débarqué en Algérie s’étaient efforcé, dans une tentative de ridiculisation de la culture locale, perçue comme « indigène », d’étudier l’histoire du pays conquis à travers le prisme de l’exotisme.
En termes plus simples, celle-ci est réduite à tout un tas de traditions, de coutumes, d’habitudes, de rythmes de vie, indignes de l’idée même de Nation, de Culture ou même d’Histoire tout court. Ce qui est, à peu près, le contenu du discours de M. Nicolas Sarkozy à l’université de cheikh Anta Diop à Dakar en 2007, à propos de la culture africaine.
La vision des officiels algériens était à la fois juste et fausse! Pourquoi ?
Juste, parce que, d’une part, l’anthropologie coloniale a tiré vers le bas l’histoire des pays colonisés, au point de la rendre « une chose inutile », voire « un passe-temps » pour les débutants. Fausse, parce que, d’autre part, cette vision est animée par une volonté manifeste des tenants de l’idéologie arabo-bâathiste de se couper des racines amazighes, au nom d’une identité de substitution importée du Moyen-Orient.
Puis,  sans le travail anthropologique de Mouloud Mammeri par exemple, on n’arriverait même pas à connaître le nombre des dialectes du pays ni à avoir le fameux dictionnaire « Tajerumt » de tamazight. Et pourtant, l’anthropologue s’est bien servi des outils méthodologiques occidentaux pour mener à bien ses recherches au Mali, au Niger, au Sénégal, Maroc, Tunisie, Libye, chez les Touaregs du Grand Sahara, à Cherchell et partout là où il y a de dimension berbère!
Kamal Guerroua

5 Commentaires

  1. « … le fameux dictionnaire « Tajerumt.» Tient tient, une nouvelle publication omise par la bibliographie générale des études berbères. Cette assertion, bien entendu erronée, nous renseigne bien de la qualité du papier de MR. K. Guerroua. Elle porte en elle sa contradiction.

  2. Cheikh Karl Marx a écrit: « « A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. » Marx parlait des rapports de classes, mais ça s’applique aussi bien aux rapports entre pays/sociétés/régions. Par ailleurs, Marx n’aime pas parler de « société » mais plutôt de « systèmes de production. » Or, le système de production actuel est mondial, donc les idéologies se confrontent au niveau mondial, comme elles le font au niveau du pays ou société. Pour illustrer la vérité de cette observation, il suffit de considérer l’influence des USA depuis la première guerre mondiale. Jusque là elle était marginale, trop lointaine pour influer sur le cours de l’histoire en dehors des Amériques. A cette époque, jusqu’au 19ème et début du 20ème siècles la France et l’Angleterre jouissaient de tout le prestige dans le monde. La langue et la culture françaises étaient considérées comme raffinées et recherchées par les élites du monde entier, tandis que l’anglais américain et sa culture étaient considérés comme trop populaires et dénués de « classe. » Avec le développement industriel aux USA – automobile, téléphone, cinéma, etc.,- les rapports commencent à changer entre les deux guerres, mais avec la 2ème guerre mondiale et l’hégémonie économique des USA, il y a eu un renversement total de ces rapports entre les idéologies. Peu à peu la culture française et la culture anglaise sont passées de prestigieuses à presque carrément comiques, tandis que la culture américaine est passée de vulgaire et terre-à-terre à une hégémonie quasi-totale dans le monde entier. Grâce à leur puissance économique, les USA ont imposé leur idéologie au monde entier. Ils ne l’ont même pas imposée, d’ailleurs, elle s’est imposée d’elle-même par simple concurrence sur le marché.
    Et notre pays et les pays arabo-musulmans dans tout ça? Quelle est leur idéologie? Eh bien, ils n’en ont pas. L’idéologie est basée sur un système de production matérielle et des rapports de classe donnés, or, les arabo-musulmans n’ont plus de systèmes de production. Ils ne font que vendre leurs ressources naturelles aux pays/classes qui en ont. Vendre ses ressources naturelles n’est pas un système de production. Ce vide idéologique, les dirigeants (chefs de bandes plutôt) des pays arabo-musulmans essayent de le combler en bricolant avec la religion et l’identité. On voit tous ce que ça donne.

  3. Mammeri avait bien raison, il y a chez beaucoup d’habitants d’Afrique du nord un complexe d’infériorité vis à vis des européens et cela touche toutes les couches de la société! ce sentiment n’a aucune justification! on croit toujours que l’herbe est plus verte chez le voisin (à tord d’ailleurs!) nous avons des qualités et des défauts tout comme les européens ! les peuples d’Afrique du nord commencent à peine à sortir d’une longue léthargie! ils nous faut nous aimer nous-même, être bienveillant entre nous, être travailleurs, créatifs, aimer le savoir, c’est un état d’esprit qu’il faut cultiver, une éducation à transmettre! nos concitoyens perçoivent trop souvent le monde à travers le prisme déformant des petits écrans!
    alors revenons à la réalité et soyons fier de ce que nous sommes!

  4. Un point de vue intéressant sur la place à accorder à l’anthropologie (et d’autres outils) dans l’écriture de l’histoire. Là où les documents écrits manquent, on peut bien utiliser d’autres disciplines, méthodes, écrire un tout autre récit en lien et place de la vie des royaumes et des empires.
    Pour autant, on peut bien exploiter les écrits des Tite-Live, Polybe, Salluste, les chroniqueurs arabes autrement qu’en auraient fait les français en leur temps et les arabistes aujourd’hui. Dans ces écrits il y a les faits qu’ils rapportent; on peut les reprendre, bien sur, modérés, recoupés, si possible avec les données archéologiques. Il y a l’interprétation de ces auteurs, leurs dégressions, … qui, par contre, exprime la vision des romains, arabes, etc. Intéressantes à prendre comme telles, sans plus.
    Il y a les langues, immense trésor que l’Algérie des arabistes a entrepris de détruire en mettant à leur place une langue artificielle, au moins dès 1963. Ces langues, entre les mains de spécialistes, révèleraient des trésors d’ordre historiques, sociaux, économiques, … qui peuvent compléter la quête du passé des moyens traditionnels. L’arabe qorichite, qui n’a à aucun moment de l’histoire été celle des habitants d’Afrique du Nord ne recèle rien sur le vécu de 99% de ceux-ci. Hormis les récits laudateurs de l’histoire officielle du Moyen Âge et encore, qu’est ce qu’on connait de la vie des gens durant cette période ?

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