Israël vient de bombarder l’Iran. Et voilà que le monde se précipite pour clamer son indignation.
Moi, je garde mon calme et attend qu’Israël bombarde la Suisse. Il faut savoir retenir ses pulsions et ne pas réagir à chaud. Israël avait bombardé les Palestiniens, puis les Libanais et maintenant l’Iran, ce n’est encore qu’un échauffement, un exercice militaire d’entraînement.
Tout de même, on a assez d’expérience pour ne pas s’agiter comme un jeune effarouché. Une très longue expérience de bombardements d’Israël a fini par nous armer contre nos emportements devant l’ignoble.
Depuis ma jeunesse oranaise, j’entends parler des bombardements d’Israël, des occupations de territoires, des exils forcés et des bravades dues à la protection de son grand allié, l’Amérique.
On parlait d’Israël et de ses bombardements et invasions à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. Nous avons été biberonnés aux informations sur les actes d’Israël que nous pouvions à peine situer sa position dans notre esprit de jeunes gens.
Quelques indications pouvaient nous aider. Il avait bombardé le Golan, c’était donc dans les frontières de la Syrie. Il avait bombardé l’armée égyptienne, c’était donc à proximité de l’Egypte. Il avait bombardé le Liban, c’était donc à côté des studios des feuilletons préférés de nos grands-mères.
J’allais oublier la Jordanie, il faut m’excuser car lorsque l’énumération est trop longue, il y a forcément de l’oubli. Et dans tout cela, il y avait un peuple qui faisait partie de notre quotidien et de nos indignations, un peuple ballotté dans une région où la fraternité coulait à flot pour les accueillir.
Les plaindre, faire couler les larmes, hausser le ton de la colère et noircir les pages de la presse écrite, il y en avait pour des tonnes. Mais porter réellement secours à ce peuple, c’était salle vide.
Qui a vu ou entendu ses frères arabes voisins aller jusqu’à les couvrir de pétrodollars et venir leur porter secours ? Oui, bien sûr, seulement lorsque les intérêts vitaux ou territoriaux étaient menacés. Pleurer pour les Palestiniens, il le faut, mais se fâcher avec les Américains, pas question !
Quant aux conférences, rencontres et déclarations, si je les avais archivées depuis ma jeunesse jusqu’à maintenant, il me faudrait la bibliothèque du congrès américain pour les stocker.
Alors, mes chers lecteurs, je vous le dis, avec ma longue expérience je sais qu’il ne faudra s’indigner véritablement que lorsque la ligne rouge de l’inacceptable sera franchie, le bombardement de la Suisse par Israël.
Bombarder les Palestiniens, c’est déjà une provocation mais toucher au portefeuille suisse des bonnes âmes, c’est déclarer la guerre. Israël l’aura voulu, je m’insurgerai par solidarité à ce moment seulement.
Boumediene Sid Lakhdar