Mardi 28 novembre 2017
L’islamisme n’a plus besoin de parti politique en Algérie
L’islamisme a gagné des pans entiers de la société algérienne.
La dernière déculottée subie par les partis dits islamistes du MSP et d’Ennahda, lors des élections locales du 23 novembre a poussé Amara Benyounes, le toujours président du MPA, à tirer des conclusions hâtives quant au poids réel de ces formations politiques.
Lui-même gratifié, pour « services rendus », de 68 sièges aux Assemblées populaires de wilaya (APW) et de 62 communes, M. Benyounes, s’est adonné à des analyses pour le moins biscornues.
Pour lui, le net recul des partis islamistes – 49 communes pour le MSP et aucune pour Ennahda- dénote de « la fin pure et simple de l’islamisme politique en Algérie ».
Amara Benyounes qui semble tirer ses conclusions sur la base d’un scrutin truqué et boudé par la population, feint d’ignorer (volontairement ?), que les résultats des dernières élections locales ne sont le reflet que du clientélisme généré et entretenu par l’État et dont le résultat est loin d’être représentatif de la réalité politique du pays.
Le système de « bonus-malus » qui sévit sur la scène politique algérienne, et dont son parti est l’un des principaux bénéficiaires avec TAJ (31 communes) et El Moustakbel (71 communes), est le même qui a puni les partis islamistes (comme ils les avaient récompensé par le passé), pour avoir « osé » quitter la coalition de l’allégeance au président Bouteflika en 2017.
Car, les partis dits islamistes qui sévissent encore sur le terrain, avaient beaucoup misé sur leur fusion début 2017, (MSP-FC et Adala Oua El Bina de Abdellah Djaballah-Ennahda), encouragés par les multiples victoires politiques du Parti de la justice et du développement au Maroc depuis 2011.
On se souviendra du niet catégorique qu’avait opposé en avril dernier, Abderrazak Mokri, président du MSP à l’ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal en refusant de rejoindre le gouvernement.
« Qala Allah, Qal Errasoul » en toile de fond !
Au fait, les partis islamistes actuels, qui ne sont réellement que des « imitations contrôlées » du parti prohibé du FIS, n’ont jamais été plus que des produits alternatifs auxquels la base militante du parti d’Abassi Madani n’a jamais adhérée. Pire, et pour beaucoup d’observateurs, la sympathie témoignée pour le parti cher à Ali Benhadj serait encore très grande pour plusieurs raisons:
La première est l’impunité et l’influence dont jouissent les anciens maquisards et terroristes de l’AIS et des GIA, et leur réhabilitation sans qu’il n’y ait la moindre commission d’enquête sérieuse ou de procès afin que les responsabilités de chacun soient établies.
La deuxième est la liaison dangereuse et subversive qu’a cultivée le président de la République, avec la mouvance islamiste, lui cédant la rue et sa morale. En 19 ans de règne, Bouteflika a réussi là où les leaders islamistes ont échoué; offrir sur un plateau d’argent, toute une génération qui ne jure que par la « Roquia et Bellahmar » et qui abhorre plus que tout, dans l’actuel gouvernement ripoux, Mme. Benghabrit, la ministre « Juive » de l’éducation qui aurait supprimé la « Basmala »!
La troisième est le foisonnement des pratiques religieuses encouragées directement par la présidence :
Multiplication des concours télévisuels de récit du Coran, avec fortes audience, sous haut patronage du président, résurrection et attribution de rôles politiques à des institutions religieuses telles que les zaouïas et l’association des Oulémas musulmans. Construction de milliers de mosquées dont la plus grande et la plus onéreuse d’Afrique (2 milliards de dollars). Utilisation des lieux de cultes pour distiller un message politique en faveur du président et accessoirement chef des croyants. Entérinement du code de la famille, et dégradation de la condition de la femme, ciblées de plus en plus par des campagnes de voilement (« Si tu as de la vertu voile ta femme », insistait le slogan de 2016 parti de Constantine).
Journaux et médias lourds, dont les stars sont des prédicateurs avérés, qui se permettent à des heures de grande écoute, de se substituer aux institutions étatiques comme la justice et l’école. Ils ont eu pour les plus influents (Cheikh Chemseddine), « l’honneur » de recevoir des explications officielles à leurs sommations, de la part de la police ou des douanes !
Solidarité sélective : la Oumma avant tout
La chasse aux couples, aux baisers, aux non-jeûneurs, aux femmes non voilées, aux athées (même sur Facebook), aux migrants, chrétiens, chiites, ibadites, Ahmadi, Karkari, par les services de sécurité et la répression systémique dont ils sont l’objet, n’émeut que très peu de monde en Algérie.
Le chrétien Slimane Bouhafs, le bloggeur Touati accusé d’intelligence avec Israël, ou Hedda Hezzam, directrice d’El Fadjr qui avoue publiquement être laïque, n’ont bénéficié que de très peu de soutien pour des raisons évidentes de non appartenance à la Oumma !
Mêmes les migrants subsahariens présents en Algérie s’en sont rendu compte, qu’il serait plus judicieux d’être des noirs musulmans que des noirs tout court. Un verset coranique en tendant la main fait recette autant qu’un voile intégral dressée sur une enfant. On appelle cela l’instinct de survie… en terre musulmane.
L’islamisme est ancré à ce point dans la société algérienne, qu’il vaut mieux être un opposant ou podcaster à forte imprégnation religieuse pour pouvoir fédérer. Il n’y a qu’à écouter les derniers podcasts viraux des Lotfi DK, Anes Tina, Amir Dz ou autre Dz-Djoker pour s’en rendre compte. Le mal est désormais profond !
Parler de la mort de l’islam politique en Algérie est une chimère. Un fantasme qu’Amara Benyounes voudrait réaliser avec une simple déclaration, comme une sentence ou un jugement. La réalité est dangereusement plus complexe et l’État que défend Benyounes a, en réalité, couvé la portée des islamistes que l’on croyait avortée en 1992. À moins d’un miracle, l’islamisme latent de la société algérienne sortira tôt ou tard au grand jour. Et comme tout virus qui se respecte, il n’attend que l’affaiblissement du corps pour s’en emparer définitivement.