Mercredi 23 décembre 2020
Lounis Aït Menguellet revisité : « Amjahed » ou le combattant dupé
«Si tu savais ce pourquoi tu t’es sacrifié, tu serais encore en vie !» C’est par cette phrase dit la rumeur que Lounis Aït Menguellet concluait Amjahed. Il semble que ses producteurs l’en avaient dissuadé. Excès de zèle, censure ou précaution avenante envers notre chantre ? La rumeur ne le dit pas.
Il faut dire qu’il fallait un certain courage et un sens de la justesse et de la perfection pour traiter, avec des mots qui ne prêtent à aucune ambiguïté, le caractère pervers de cette indépendance arrachée par le sacrifice des uns et confisquée par la soif-de-pouvoir des autres. Tout cela en 1977 ! c’est-à-dire du temps où la moustache du patibulaire Boumediene frétillait de tout son mépris à l’endroit de tout ce qui rime avec Kabyle et Kabylie.
À tout juste 27 ans Lounis venait d’entamer un long et périlleux périple pour disséquer la société et ses tares, ainsi que le pouvoir et ses fanfares. Un périple et un engagement qui le conduiront à la case prison. Nous y reviendrons. En attendant voici une traduction de Amjahed qui essaie de respecter autant que faire se peut la forme et le fond de l’œuvre.
«Amjahed», le combattant dupé
J’ai vu la fille de la montagne
Mon esprit en fut bouleversé
Sous un rocher elle s’était refugiée
Comme toutes celles qui peuplent nos contrées
Son nom n’est jamais prononcé
Tenant son fils par la main elle pleurait
Son mari est mort en premier
Vers les balles il s’est précipité
Sa pièce d’identité par le vent emportée
Sur un croissant on t’a allongé
Une étoile en sus pour t’enterrer
À ta mort on applaudissait
Rep.
J’ai entendu le ciel gronder
La neige commençait à tomber
Une veille aux tablettes demandait
Son fils où était-il resté
Il t’a inventé le combat
Une place au paradis il te gardera
Sur un croissant on t’a allongé
Une étoile en sus pour t’enterrer
À ta mort on applaudissait
Rep.
J’ai entendu les balles siffler
La poussière enveloppait les collines
La veille implorait la fenêtre
Quand lui ramènera-t-on son garçon
Que ton cœur oppressé soit rassuré
Il est le Chef des moudjahidines
Sur un croissant on t’a allongé
Une étoile en sus pour t’enterrer
À ta mort on applaudissait
Rep.
J’ai entendu l’avion qui vrombissait
J’ai senti la montagne craqueler
La vielle cherchait l’endroit
Où son fils était tombé
N’aie crainte lui dirent-ils
Ton indépendance il la gagnera
Sur un croissant on t’a allongé
Une étoile en sus pour t’enterrer
À ta mort on applaudissait
Rep.
J’ai entendu la forêt s’agiter
L’affluent en écho se secouer
La vielle continue de chercher
Son fils où a-t-il été abattu
Aux côtés de ses frères il a été enterré
Parti au maquis tu aurais dû l’oublier
Sous le toit l’âtre s’est éteint
Les braises en cendres transformées
La vieille dans l’obscurité a veillé
Guettant d’où son garçon surgirait
Étendard aide là à surmonter sa peine
Quand on le lui livrera tel un paquet
Sur un croissant on t’a allongé
Une étoile en sus pour t’enterrer
À ta mort on applaudissait
Rep.