3 mai 2024
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Lounis Aït Menguellet revisité : « Asefru », ode à la liberté de créer

POESIE

Lounis Aït Menguellet revisité : « Asefru », ode à la liberté de créer

Nous sommes en 1985. Au mois d’octobre, Lounis Aït Menguellet est condamné à 3 ans de prison ferme. Son crime ? avoir alerté en plein gala à Sidi Fredj, devant 6000 spectateurs, sur l’arrestation de Saïd Sadi, Ferhat Mehenni et Nordine Aït-Hamouda.  

Quelques jours après le concert, Lounis est arrêté. Pendant une interminable semaine, son sort demeure inconnu, et nous, ses fans, étions affligés et désemparés. On lui reproche de détenir des documents attestant son appartenance à une organisation clandestine d’opposition. Faute de preuves, on l’accuse de posséder des armes…de chasse !? 

Fort heureusement, notre aède est libéré au bout de quelques mois. L’album qui accompagne sa sortie de prison est à la mesure de la privation de liberté. On y décèle de la colère, parfois tranquille, souvent tumultueuse, mais pas de rancœur.

Tel un torrent d’inspiration il laisse couler sa verve pour nous gratifier d’un album féérique, aussi bien dans le sens que dans la portée. « Asefru », un chef-d’œuvre parmi tant d’autres, est un serment d’engagement pour la liberté de créer et celui de bousculer les esprits pour les maintenir éveillés. N’en déplaise à ceux qui l’avaient jeté au cachot, et qui n’ont d’Aït Menguellet jamais rien compris !

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La traduction ci-après s’efforce de respecter le sens tout en s’essayant à la cadence d’origine. Il se trouvera peut-être quelque talentueux interprète pour relever le défi et chanter Asefru dans la langue de Molière…

Allez Takfarinas, Allaoua ou Cheikh Sidi Bemol, à vos cordes vocales ! 

Sans fumée, sans alcool, laissez-vous griser, laissez-vous bercer, laissez-vous emporter par maître Lounis ! Rien de tel pour bien démarrer 2021 et oublier 2020.

« Asefru », ode à la liberté de créer

Oh toi par les frasques érodé

La passion qu’a-t-elle en toi laissé

Tu crois avoir de la vie tout compris

Tu crois en avoir découvert l’anomalie

Puisque tu as tout saisi 

Sache que son anomalie c’est toi

Quoiqu’il lui arrive ça ne suffit pas

Toute parole le rend béat

Les malins l’ovationnent

À la farandole le poussent

Assouvis ils dépoussièrent le burnous

Sur la piste affaissé ils l’abandonnent 

 

Entreprenons notre périple

Tant qu’il y a de la lumière

Chaque col franchi

Nous en avons deux devant

Entreprenons notre périple

Le poème comme stimulant

Aujourd’hui comme hier

Il supplante notre épuisement

 

Lourd fardeau sur nos épaules

S’allège quand nous chantons

Si nous voyons l’injustice et la suivons

Vers le droit chemin le poème nous ramène

Notre culture le temps l’a-t-il engloutie

Ou n’est-elle pas encore mise à prix

Si elle est derrière nous l’attendrons

Si elle est devant nous la rattraperons

 

J’ai trouvé l’aède pleurer

Il m’a expliqué pourquoi

Son poème par le vent emporté 

Il ne sait où il a atterri

Il craint le tyran ne le saisisse

Qu’il soit mal interprété 

Il veut savoir si vous le suivrez

Pour aller le récupérer

 

Il était une fois celui qui sait

Il était une fois celui qui ne sait pas

Le premier a peur de ce qui est

Le second de ce qui n’est pas

Il était une fois ceux qui suivent 

Des chemins vers on ne sait où

Ce qu’ils ont cherché

Ce qu’ils ont trouvé

À ce qu’ils voulaient 

N’a point ressemblé

 

Vous avez pris au sérieux

Des mots rassemblés en couplet

Le temps ne peut le casser

Personne ne peut l’effacer

Même si les ères suivent leurs cours

Même si les uns meurent d’autres naissent

Chaque temps le transmet aux suivants

Qu’importe les changements

Il hurlera et cavalera 

Chaque recoin il atteindra

 

Que crains-tu donc du poème

Auquel tu imposes restrictions

Tu le caches nul ne l’entend

Tu l’as sous terre entassé

Il éclos comme un grain de blé 

En chaque recoin il a poussé

Moult moissons il a donné

Celui qui a faim il le nourrit

Tu le consommes il t’ouvre les yeux

Tu t’égares il t’indique ton chemin

 

Le poème par toi est méprisé

Par son sens tu es dépassé

Puisque tu l’abhorres à ce point

Pourquoi le dévalorise-tu ainsi

Il est aussi grand que tu es petit

Il éclaire autant que tu assombris

Il inonde de soleil toutes nos contrées

Il fait disparaitre le malveillant

Il lui rappellera tout ce qu’il a oublié

Mais toi tu ne comprends jamais rien

 

Oh mon cœur tu es trop en colère

Du courroux tu ne gagnes rien

Comme tous les autres ne te mêles pas

Comme eux sache te taire aussi

Ou alors chante ta bien aimée

Ferme les yeux elle apparaîtra

Tu lui apparaîtras aussi

Beauté des fleurs tu chanteras

Que de printemps tu rêveras 

Ta vie est belle elle le restera

 

Auteur
Kacem Madani

 




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