Dimanche 3 janvier 2021
Lounis Aït Menguellet revisité : «Echna» ou laissez-moi chanter !
Il aura fallu attendre trois longues années après Asefru pour que maître Lounis nous gratifie d’un nouvel album.
Entre-temps, il fait un passage dans les studios parisiens pour réenregistrer les succès de ses débuts, ceux des 45 tours de l’époque. Titres réinterprétés et rassemblés par la suite en quatre albums et 47 chansons.
Auprès du grand public la nouvelle production n’avait pas égalé le succès des précédentes, mais nous les inconditionnels, c’est-à-dire, à minima, la moitié de la Kabylie, nous nous sommes rués les yeux fermés pour avoir une copie de la cassette.
Pour l’anecdote, à Larvaa-Nath-Iraten, il y avait une queue interminable devant le disquaire, jusqu’à rupture de stock, le jour de sa sortie, à l’été 1989. Trois ans c’était trop long pour écouter du nouvel Aït Menguellet. Il faut dire que ce ne sont pas juste quelques poignées d’admirateurs qui s’impatientent avant chaque nouveauté annoncée de notre barde mais nous tous les villageois, du Djurdjura aux collines de Larvaa, « kachouch, machouch ».
Dans « Achimi », Lounis reprend quelques thèmes habituels de l’engagement permanent avec un langage direct et sans salamalecs, notamment dans la chanson éponyme de l’album. Après une courte introduction Lounis se fend d’emblée d’un couplet qui en dit long :
Win idiruhan yebud rebiss dha m3iwene,
Kemel ayen id’yougran oulla dh’rebbi dhayla n’sene
Chaque envahisseur ramène son Dieu comme soutien
Pourquoi les contester si même Dieu leur appartient ?
Tout est résumé. Rien à rajouter, sinon que nos concitoyens arabophones peuvent comprendre, à travers ce simple couplet, pourquoi la Kabylie maintient son état de conscience à un niveau bien plus élevé que la moyenne nationale. Maître Lounis y est pour beaucoup.
En lieu et place d’Achimi, nous avons préféré vous traduire echna. La prose utilisée démontre le contrat moral et l’intégrité d’un homme qui ne s’est jamais laissé berner par quelconque appel de sirènes factices.
En ses temps de gloire, Bouteflika n’avait-il pas avoué « même si je le voulais, je ne pourrais pas acheter monsieur Aït Menguellet » ? Eh oui ! Contrairement à celle d’Ouyahia, la moustache de maître Lounis est celle de l’honneur. Et l’honneur ça ne se vend pas !
« Echna » ou laissez-moi chanter !
Si on pouvait chevaucher le temps
Et modifier le passé
Nous améliorerions chaque journée
« Si » est le vocable préféré
De ceux qui sont inoccupés
Le temps continue son avancée
Tout ce qui s’est passé
C’est avec la braise brûlée
Que nous en sommes échaudés
Je voulais faire une chanson
Pour nous souvenir en chantant
Contre moi ils se sont dressés
Pour me dire à quoi bon
Tout ce qu’on a payé au prix fort
Nous le livrons à bon marché
Personne n’ose demander pourquoi
Dans le vent tu me crois fouiner
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps paraît si loin compagnon
Je voulais faire une chanson
Pour démêler le passé
Contre moi ils se sont dressés
Pour me dire il n’est pas à toi
Ne chante pas Notre passé
Nous l’avons de notre sang érigé
Nous sommes décidés à le sauver
Dans le vent tu me crois fouiner
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps parait si loin compagnon
Je voulais faire une chanson
Pour chanter ce qui s’est passé
Contre moi ils se sont dressés
Pour me demander qui tu es
Les faits ne sont pas ton histoire
Tu n’en as aucune part
C’est nous qu’elle a choisi pour parrains
Dans le vent tu me crois fouiner
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps parait si loin compagnon
Je voulais faire une chanson
Pour m’enquérir qui je suis
Contre moi ils se sont dressés
Pour me dire nous savons qui tu es
Nous allons t’expliquer d’où tu viens
Nous te vêtirons comme un saint
Laisse-toi griser en festoyant
Dans le vent tu me crois fouiner
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps paraît si loin compagnon
Je voulais faire une chanson
Pour chanter vous êtes si bon
De partout ils se sont dressés
Pour me surnommer l’obligeant
Tu as rejoint les compétents
Tu as fait le choix des magnats
Avec nous tu t’entendras
Dans le vent tu me crois fouiner
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps paraît si loin compagnon
Je voulais faire une chanson
Pour chanter ce qu’a laissé le néant
Contre moi ils se sont dressés
Pour me dire tu as perdu la raison
J’ai jeté un œil en arrière
Il n’y avait plus aucun compère
J’ai vu le vide s’emplir d’appréhension
Dans le vent tu me crois errer
Quand aurons-nous des jours meilleurs
Ton printemps paraît si loin compagnon