Samedi 23 janvier 2021
Lounis Aït Menguellet revisité : « Inid ay Amγar », éclaire-nous patriarche !
Crédit photo : Hayet Aït Menguellet.
Quatre longues années se sont écoulées depuis « Inasen ». Lounis nous revient avec « Yenna-d Umγar », en 2005. Un album qui contient six titres et deux instrumentaux. Comme à son habitude chaque titre est un thème de société développé avec minutie.
À l’entame de « Dda Yidir », Lounis assène « A Dda Yidir Ayen yilḥan ur d as nezmir, ayen iγiḥudan n’hemlit », « Oh Dda Yidir le bien nous le refusons, ce qui nous brise nous l’affectionnons ». Suivi de « Yerna yiwen wass » dans lequel Lounis brosse l’emprise du temps et des journées qui s’accordent sur les suivantes pour tous, y compris et surtout pour le poète qu’il est, et qui les ressent bien.
Dans « Cna n tejmilt » notre barde rend hommage à « amqran imeqranen da mactuh daw rebbi », « grand au-dessus des grands, petit au-dessous de dieu ». À chacun de deviner de qui il s’agit. Le 6ème morceau « Assendu n-waman » traite de certains combats vains avec pour métaphore le fait qu’il est dérisoire de faire fermenter l’eau au même titre que l’on fermente le lait.
« Inid ay Amγar » est une série de questionnements philosophiques adressés au patriarche. Questionnements auxquels il apporte ses réponses dans « Yena d Umγar ».
Dans la culture du terroir, Amγar est ce patriarche détenteur de tout savoir. Une bibliothèque vivante par excellence, que l’on écoute avec recueillement. D’où la nécessité de perpétuer cette transmission orale en rassemblant les connaissances des anciens.
Pour chaque Amγar disparu, c’est une librairie qui brûle.
C’est une course contre la montre qui se doit d’être engagée si l’on veut réellement soustraire, si ce n’est déjà trop tard, les générations futures de cet islamisme ravageur qui gangrène la Kabylie et les autres régions du pays.
On ne le répétera jamais assez, notre culture séculaire véhicule une sagesse et une tolérance à nulle autre pareille. Le Hirak l’a démontré semaine après semaine pendant plus d’une année.
Toutefois, soyons lucides et sérieux, peut-on réellement prétendre lutter contre l’islamisme tout en maintenant le cap d’une arabisation infantile et forcenée ? Qui peut vraiment se permettre de ne pas en douter, mis à part ces FLiN-toxo-FIS-tons qui se succèdent et se ressemblent depuis 1962 pour nous servir de gouvernants à l’insu de notre plein grès ?
Encore une fois, la traduction ci-après s’efforce de s’adapter aux rythmes de la chanson pour une éventuelle interprétation en français. Voici donc la série de questionnements, à chacun de les cogiter en attendant les postulats de notre Amγar.
« Yenna-d Umɣar », éclaire nous patriarche
Pourquoi le monde s’affole-t-il de la sorte
La justesse par l’erreur est camouflée
Où s’arrêtera la calamité
Quand des hommes par d’autres sont tués
Même le ciel s’est altéré
Ceux qui se rappellent l’ont confirmé
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
Le temps inspecte ce qu’il a créé
Sans laisser de trace on l’a ruiné
Arrivés au seuil du bonheur
On nous dit qu’il est maculé
Le mal leur parait étincelant
Ils l’entourent d’attention
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
La justice d’antan a disparu
L’arbitraire l’a remplacée
Qui sait si elle existe encore
Ou n’en reste-t-il que le nom
Comment s’attendre à la justice
Quand les guides l’ont oubliée
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
Le pauvre se torture l’esprit
Comment affronter la vie
Il est ignoré par les nantis
Par leurs biens préoccupés
Le brillant ne fait qu’observer
Ébahi par ce qui ne cesse d’arriver
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
Notre ardeur est altérée par le temps
Elle n’a plus les saveurs d’antan
L’excès de courroux l’a dissipée
Nous faisant oublier ses sentiers
Maintenant qu’on a percé ses secrets
Nous ne pouvons qu’en rêver
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
La vigueur nous a lâché
Avec nous aurions tout changé
Les plus jeunes ne font qu’observer
Ne sachant pas interpréter
Ils accordent valeur et intérêt
À ceux qui ne font que les duper
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.
Une fois purifiés nous nous maculons
La paix installée nous guerroyons
Comment se faire entendre
Par celui à qui on a lavé le cerveau
Et qui ne fait que se délecter de loin
Confiant en ceux qui le rebutent
Éclaire nous patriarche
Que nous réserve le futur.