Il est quand même curieux qu’en dépit des atrocités de la guerre en Ukraine, une majorité d’Africains, d’arabo-musulmans et une bonne partie de l’opinion occidentale aussi bien de droite que de gauche, sont plutôt favorables aux arguments russes, qu’à ceux de l’Occident. Ce dernier qui représente encore dans le psychique de cette partie du monde, l’agresseur parfait, le justificateur idéal et l’artisan des guerres sur cette planète. Celui qui cherche des poux dans la tête du chauve.
Quand les musclés du monde décident de partir en guerre, rien ne peut les arrêter, toutes les raisons sont là pour la soutenir, quitte à en fabriquer de toutes pièces, comme en Irak ou en Libye, mais pas une seule bonne raison ne sera avancée pour sceller la paix ou la consolider. Ce qui est sûr, et quels qu‘en soient les prétextes, la guerre n’est jamais enclenchée que si le rapport de forces est en faveur de celui qui bat ses tambours.
Dans ce monde de lâcheté, on ne tape que sur plus faible que soi. À forces égales, on se contente de croiser le fer par procuration, pour éviter l’embrasement ou le recours à la dissuasion, comme en Ukraine. Officiellement, l’OTAN n’est pas en guerre contre la fédération de Russie, cependant il permet à ses membres de contribuer individuellement à l’effort de guerre Ukrainien, pour lui, ce n’est pas une « cobelligérance ».
Tout indique que la stratégie de l’Occident en Ukraine suit un schéma sinon d’escalade, du moins d’épuisement et d’humiliation des Russes, comme en Afghanistan, sans les pousser à recourir à la dissuasion. Leurs calculs sont-ils risqués ? L’avenir nous le dira car un ours blessé est dangereux, d’autant plus, qu’il joue son image de puissance mondiale et avec un Vladimir Poutine qui dit « Le monde sans la Russie ne m’intéresse pas ! » ce jeu peut être trop dangereux.
Plus que le droit international, cette crise en Ukraine, interpelle les équilibres globaux convenus après la chute du mur de Berlin en 1989, la dissolution de l’URSS, de son Pacte de Varsovie et la fin de la guerre froide. Au lieu d’être dissous en… donc, l’OTAN, et en dépit des promesses américaines, n’a cessé alors de s’étendre aux pays de l’ex URSS.
En présence de présidents russes peu farouches à cet expansionnisme, l’appétit de venir jouer trop près de la Russie et de sa zone d’influence immédiate, a été ouvert. Pour expliquer cette situation, Vladimir Poutine dit « On a voulu couper les ongles et limer les canines de l’Ours, le tuer puis utiliser sa peau comme une descente de lit ».
Une réflexion autour de cette guerre en Ukraine, doit mener à repenser sérieusement, le droit international tel qu’il est conçu. Le « Barycentrer » dans le corpus géopolitique mondial et prévoir des mécanismes qui imposent son respect par tous. Héritée de la conférence de Yalta de 1945, l’ONU et le Conseil de sécurité qui en découla, auraient dû être réformés après la guerre en Irak de 2003 mais comme les puissants du monde n’y étaient pas en conflit frontal et que la scène du conflit était loin de leurs territoires, la question ne se posait pas avec autant de pertinence qu’elle ne l’est aujourd’hui, avec cette crise en Ukraine.
Malgré un budget de fonctionnement qui s’élève à 3,208 M $ et un budget pour OMPD, Opérations de maintien de la paix, qui s’élevait à 6,379 M$, de juillet 2021-juin 2022 , l’ONU est la moins présente dans cette crise d’Ukraine, faut-il le rappeler ! Mais aussi dans d’autres conflits moins médiatisés, qui fatiguent la communauté internationale et bouffent du budget à l’ONU sans aucune efficience en amont des guerres ni en aval de celles-ci.
La communauté internationale exprime sa volonté légitime, non pas à travers le Conseil de sécurité, comme on a voulu souvent nous le faire gober, mais à travers l’assemblée générale de l’ONU, la plénière et par extension, à travers ses instances juridiques qui arbitrent et jugent, conformément au seul droit international. Le Conseil de sécurité doit retrouver sa vocation et arrêter de jouer le rôle de bureau d’affaire où l’on négocie le vote, ou l’usage du droit véto pour consolider les positions géopolitiques des uns et des autres, au détriment du droit international et les décisions de l’ONU, contre des contrats succulents de rachat d’armes par exemple.
Prévoir un mécanisme qui pénalise un droit de veto abusif, est crucial. Prédire les guerres et les contenir, avant qu’elles ne dégénèrent en conflits régionaux, est le rôle raté de l’ONU, qui se contente hélas, des missions humanitaires et la gestion des réfugiés. Des indices forts faisaient prédire cette guerre en Ukraine, mais personne n’a bougé à temps pour la déjouer et redonner à l’histoire une autre trajectoire, que celle du désastre et de la douleur que souffre le peuple ukrainien. C’était une guerre qui a été calculée. Éviter la paralysie des institutions de l’ONU que vit le monde à chaque conflit majeur est primordial.
Un Conseil de Sécurité tiraillé par les détenteurs du droit de veto, ne peut rien condamner et encore moins stopper une guerre, surtout quand ceux-ci, sont de la fête. Il n’est pas normal que des résolutions à caractère contraignant soient tout bonnement larguées par certains pays. Il n’est pas logique que des conflits attendent des décennies dans les tiroirs de l’ONU sans aucune perspective de solution, comme celui de la Palestinien, du Sahara Occidental, du Yémen ou encore, de la Libye. Enfin, un monde multipolaire, garantit mieux la paix dans le monde et le respect du droit international qu’un monde uni ou bipolaire.
Il est clair que cette guerre en Ukraine a été fomentée pour récupérer ce pays dans une sphère géopolitique précise. D’un côté, la Russie n’avait nullement le droit d’attaquer l’Ukraine et de la détruire de la sorte, juste pour des raisons de géostratégie. Cela, il faut le dire sans rougir. De l’autre, si l’Ukraine était en Asie ou en Afrique, aurait-elle suscité un tel engouement, élan de solidarité et soutien de son effort de guerre ? J’en doute !
Que devons-nous retenir de cette crise en Ukraine ? La guerre n’a jamais été le choix des peuples mais celui des puissants qui ne perçoivent le monde que du seul œil de la géostratégie. La guerre marque la faillite morale de tous les intervenants. Il n’existe pas de bonne et de mauvaise guerre. Tous les humains sont égaux face à la peur, la souffrance et le désastre de la guerre. Les conflits à répétition ailleurs, doivent déclencher une prise de conscience mondiale, vis-à-vis de la guerre, là où elle fume.
Qu’ils soient occidentaux, Russes ou chinois, les musclés de la planète, n’ont jamais été tendres avec le monde musulman. L’entretenir dans des guerres interminables, sous tous les prétextes, semble être leur mot d’ordre. La guerre mondiale, illimitée dans le temps et dans l’espace que suscite le terrorisme islamiste utile, ce fourre-tout où l’on met pêle-mêle tous ceux qui dérange les maîtres du monde et leurs vassaux, est l’autre forme de mener des guerres perpétuelles qui narguent le droit international sur le fond et sur la forme, contre le monde musulman, peuples ou individus.
La scène surréaliste où Colin Powell, agitait sa capsule, face aux membres du Conseil de sécurité, le 05 février 2003 pour les convaincre que Saddam Hussein a mis au point un programme élaboré d’armes bactériologiques et de destruction massive, demeure une référence mondiale dans la machination d’État à des fins géostratégiques. Powell regrettera quelque années plus tard, « son plaidoyer de la guerre en Irak » et d’avoir défendu un mensonge L’image d’une Amérique qui nous berçait par ses valeurs de liberté et de justice, faisait contraste avec celle qui trimballe sa coalition « prêt-à-porter », là où elle parte en guerre dans nos contrées. Une Amérique qui n’avait jamais défendu le droit international avec autant de zèle, qu’elle défendait ses alliés dans la région.
Le monde n’oubliera jamais le tapis de bombes, largué la nuit du 20 mars 2003 sur Bagdad, capitale emblématique de la civilisation Abbasside. On n’était plus, face à la féérique image du tapis volant d’Aladin survolant Bagdad, dans l’histoire des mille et une nuits mais d’un tapis de feu qui semait la mort dans la cité d’Al- Rachid. Falujha, Tikrit ou Tripoli en Libye, ont eu droit eux aussi, à leur tapis de bombes qui permettait à l’Occident d’exhiber sa puissance de feu pour choquer et tétaniser l’ennemi.
L’Occident recourt au même logiciel dans son rapport avec le monde musulman. Soit il soutient un totalitarisme fonctionnel et cruel, capable de garantir la stabilité et d’assurer ses intérêts dans la région, sinon il forme des coalitions pour faire la guerre à ces mêmes régimes, devenus récalcitrants, pour les remplacer au nom de la démocratie. Au moment même où sa coalition bombarde, il lance une conférence internationale pour reconstruire le pays attaqué. Ce projet incombe, bien entendu, aux pays cobelligérants ou de leurs alliés dans la région, selon le même modus operandi.
Préparer le personnel politique de transition qui prendra place après la chute du régime tombé en disgrâce et le fortifié de la « légitimité internationale », si chère à l’Occident, est une phase cruciale. Bien entendu, l’effort de guerre sera déduit de l’argent du pays attaqué bloqué chez eux. Ils font subir des guerres aux musulmans, qu’ils devront payer de leur poche.
Le monde musulman est devenu une zone de non-droit et un banc d’essai, grandeur nature des armes occidentales mais aussi, Russe comme en Syrie. L’Occident branle souvent la carte du droit humain, des crimes de guerre ou contre l’humanité, face à ses rivaux: Russie et Chine, pour les complexer ou contre ses vassaux de nos contrées, pour les rappeler à l’ordre vu leur registre catastrophique dans les droits humains.
Cependant, cette guerre en Ukraine semble donner du répit à l’acharnement occidental contre les musulmans. On n’entend plus d’actes terroristes utiles en Occident car ils pourraient jouer un rôle favorable dans cette guerre en Ukraine, au cas où elle s’embrase, comme ils l’ont joué lors de la Seconde Guerre mondiale.
En Ukraine comme ailleurs, la littérature de guerre évoque tantôt des opérations de maintien de l’ordre, tantôt la défense de la légitimité internationale, mais jamais les vrais motifs. Les fakes-news, la dissimulation des faits de guerre, sont les armes « nouvelle génération » de cette guerre de l’image, pour faire passer le blanc pour noir et la vie des hommes pour dérisoire, à humaniser une partie et déshumaniser l’autre.
Qu’elles soient donc ouvertes et hyper-médiatisées, contre un ennemi bien défini, ou bien secrète, contre un ennemi mal défini ou à définir à sa guise, comme celle contre le soi-disant terrorisme islamiste ou celle contre le néonazisme prétendu du régiment Azov en Ukraine, toutes les guerres sont sales, abominables; injustes et injustifiables. Sans aucune ambigüité, non à la guerre !
Mourad Chaalal