Au Mali, onze haut-gradés, dont deux généraux, ont été radiés de l’armée. Décision prise le 8 octobre 2025 par décret par le président de transition, le général Assimi Goïta. Ces militaires avaient été arrêtés au mois d’août, accusés de « conspiration » et de « tentative de déstabilisation des institutions » aux côtés d’un agent des services français de renseignement.
Moins de deux mois après avoir été arrêtés, et sans même avoir été jugés : la radiation des onze militaires est une sanction disciplinaire, et non une décision de justice.
Les généraux Abass Dembélé, ancien gouverneur de Mopti, et Néma Sagara, une femme de l’armée de l’air, sont les plus connus, tous deux très populaires au sein de l’armée du Mali. Six lieutenants-colonels, deux capitaines et un sergent-chef complètent la liste. Les visages de certains d’entre eux avaient été exhibés en août par la télévision d’État ORTM. Les autorités de transition assuraient alors avoir déjoué une tentative de coup d’État.
« Paranoïa »
« Ce sont les mêmes accusations portées contre tous les radiés », confirme une source sécuritaire malienne, qui décrit la « paranoïa », selon cette source, des autorités de transition. Cet été, plusieurs dizaines de militaires avaient été arrêtés par la sécurité d’État au cours d’une vaste purge.
Les enquêtes annoncées ont-elles conclu à un véritable projet de déstabilisation ? Aucun élément n’a été rendu public. De nombreux observateurs maliens estiment que le régime en place cherche à annihiler toute velléité de contestation, même minime, au sein de l’armée. « Ça va surtout gonfler le nombre des militaires frustrés », commente pour sa part la même source sécuritaire malienne.
DGSE
Un Français avait également été arrêté en août à Bamako, accusé d’avoir participé à cette « conspiration ». L’appartenance de Yann Vézilier à la DGSE était connue des autorités de transition, dont il était un interlocuteur à ce titre. Son arrestation – sur la base d’« accusations sans fondements » selon Paris – a d’ailleurs provoqué le mois dernier la fin de la coopération antiterroriste entre le Mali et la France, dont les services de renseignements continuaient jusqu’alors d’échanger, en dépit des tensions diplomatiques.
Le Français et les soldats maliens arrêtés il y a deux mois sont toujours détenus au secret.
«C’est un avertissement car les autorités se sentent menacées», estime Oumar Berté, avocat et politologue malien, chercheur associé à l’Université de Rouen
« C’est quand même la première fois de l’histoire du Mali qu’un nombre aussi élevé d’officiers supérieurs, surtout avec des généraux, sont radiés tous ensemble. Ces radiations sont intervenues de manière très accélérée : entre l’arrestation et la radiation, à peine deux mois ont suffi ! Et on note même que pour l’instant, aucun jugement n’a eu lieu pour prononcer leur implication dans une tentative de coup d’État qui justifierait leur radiation de l’armée malienne. Moi je l’interprète comme un véritable avertissement donné à l’ensemble des militaires, pas seulement pour des velléités de prendre le pouvoir, mais pour tout agent des forces armées qui serait tenté d’une contestation, de quelque forme que ce soit. Manifestement, ils [Assimi Goïta et les autres militaires au pouvoir depuis le coup d’État de 2020, NDLR] se sentent menacés. Au sein de l’armée malienne, ces radiations peuvent susciter à la fois la peur et le mécontentement, parce que ces personnes qui ont été radiées ont bien évidemment des soutiens au sein des forces armées maliennes. Le général Abass Dembélé surtout est très apprécié par les troupes. »
RFI