30 avril 2024
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Marche du 17 Mai à Alger : De la prise du Penon à celle du perron

DISSIDENCE CITOYENNE (XIIIe acte)

Marche du 17 Mai à Alger : De la prise du Penon à celle du perron

Vendredi 17 mai, sur l’esplanade de la Grande Poste. Crédit photo Zineddine.

Ce deuxième vendredi de jeûne et le treizième de Protesta populaire est clément. Les éléments étaient au rendez-vous, le peuple aussi. Le vent d’ouest qui siffle à plus de 15 km/h adoucit le climat et transforme la chevauchée hebdomadaire des marcheurs en une agréable flânerie ramadhanesque.

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Les entrées d’Alger resserrées à un niveau maximal n’ont pas eu d’impact sur l’affluence. Les manifestants sont de bonne humeur et toujours mieux concentrés sur leur objectif.

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On glorifie la liberté et la démocratie à travers l’incontournable Djazair houra democratia  (Algérie libre et démocratique). On répète  le long de la procession « libérez l’Algérie, libérez ». Les marcheurs scandent durant l’après-midi et sans interruption djoumhouria machi casirna (république et pas caserne) ou encore daoula madania machi 3askaria (état civil et pas militaire) pour réaffirmer la profonde nature de leur revendication. On insiste sur mada 7 solta lcha3b (article 7 pouvoir au peuple) ou encore : manach habssine koul djem3a khardjine (nous ne nous arrêterons pas, nous serons de sortie chaque vendredi).

Les slogans sont tranchants. Sans concession contre le vice-ministre de la Défense. On crie makach el intikhabat ya l3isaba (il n’y aura pas d’élections le gang) ou le 4 juillet kain masira (le 4 juillet il y aura une marche) pour signifier le rejet des élections prévues pour le 4 juillet.

Malgré les arrestations et interpellations enclenchées cette semaine par la justice, sous le haut patronage du chef d’état-major, il demeure rejeté d’une manière plus aigüe que les semaines passées. On s’exclame, sans interruption le long du parcours : Gaid Salah dégage, Allah Allah ya baba Gaïd Salah rais el3isaba (Allah Allah baba Gaid Salah chef de gang), Gaid Salah chiat el imarat (Gaid Salah courtisan des Emirats arabes unis), djeich chab khawa khawa Gaïd Salah m3a el khawana (Armée, peuple, frères frères Gaid Salah avec les traîtres) ou encore eldjeich dialna oul Gaid khanna (l’armée est nôtre et El Gaïd nous a trahi).

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Un nouveau slogan fait son apparition : y en a marre des généraux, y en a marre des généraux, y en a marre… Sur une grande affiche qui attire beaucoup de curieux on peut voir la photo de tous les généraux composants l’état-major avec une légende précisant leur nom, leur fonction et l’expression en arabe : vous quittez, vous sortez, ou vous êtes limogé. Sur une pancarte on peut lire : « un président légitime de moins de 50 ans pas des voitures de moins de 3 ans ».

Des jeunes habillés en tenue de forçat à rayures jaunes et noirs se tiennent au-dessus d’un abri bus. On reprend l’affiche du célèbre film La Grande vadrouille avec Louis de Funès : on remplace le titre par la grande magouille, et les têtes des deux acteurs principaux par celles de Gaïd salah portant Bensalah. Sur une banderole on écrit en arabe : la revendication principale du peuple est claire comme de l’eau de roche, nous avons refusé une royauté et nous refusons une caserne, nous voulons la transmission du pouvoir au peuple, un état civil.

Sur un autre placard on lit : pas d’opération mains propres sans justice transparente et indépendante, ou encore, vous nous avez confisqué notre indépendance on ne vous laissera pas en faire autant pour cette révolution. Sur une autre affiche on dessine une caricature de Gaïd Salah tenant un revolver au premier plan et en arrière on distingue les généraux Toufik et Tartag ainsi que  Saïd Bouteflika avec le titre : le ramadhan nous embellit vos règlements de compte nous fatiguent.

Au niveau de la fac centrale un jeune homme, du quartier de Belouizdad (Alger centre) portant des lunettes de soleil, à l’allure athlétique, la coiffure soigné, la barbe bien taillée, entouré de ses acolytes et tenant une feuille dans la main récite un long poème satirique en arabe dialectal à l’aide d’un porte-voix dans lequel tout le monde y passe : Ouyahia, Tahkout, Ferhat Mehenni, Louisa hannoune, Nezzar, Ould abbes, Ghoul, Toufik, Said Bouteflika, la France, Poutine, les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, les Emirats, Ennahar, Echourouk, El Bilad et même  Said Djabelkhir ce journaliste islamologue victime de menaces de mort….

Bedoui dégage, Bensalah dégage, s’entend sans interruption. Ouyahia n’est pas oublié,  on crie à tue-tête : Ouyahia makach el ghorba kain el harrach oua soupa (Ouyahia, il n’y a pas d’exil il y a la prison d’El Harrach et le bol de soupe).

La prise du perron !

Mais le clou de cette journée est incontestablement la lutte pour la prise du perron de la Grande Poste. Ce lieu devenu emblématique sert de tribune, de tribunal et de lieu d’exécution politique des personnalités publiques. Les manifestants et les forces de l’ordre se disputent sans cesse le contrôle de cet emplacement, désormais, emblématique.

L’évacuation de ses occupants dans la matinée par les forces de l’ordre pour des raisons de sécurité, suite à un communiqué faisant état de fissures dans la structure du bâtiment, crée un casus belli. Les marcheurs luttent avec les forces de police à coups de bousculades durant quelques heures pour regagner le perron occupé par les tuniques bleues : la prise du perron devient une affaire d’honneur.

Les marcheurs ne savent probablement pas que la prise du penon d’Alger est une bataille qui a été mené par Barberousse il y a cinq siècles afin de récupérer le fort occupé et construit par les espagnols sur des îlots en face de la baie d’Alger.

Après avoir tenté vainement de négocier avec Don Martin de Vargas, le capitaine marquis commandant de la forteresse, en lui proposant de le laisser partir avec ses hommes et son artillerie, il prend d’assaut le fort et le contrôle au terme d’une dure bataille qui cause une foule de dégâts matériels et humains. Vargas est fait prisonnier. Afin de rendre hommage à  la bravoure des espagnols, Barberousse propose au marquis de se convertir à l’islam afin de lui rendre les honneurs militaires. Le marquis refuse. Barberousse ordonne sa mise à mort par bastonnade.

Nos manifestants grâce à l’agilité de quelques-uns d’entre eux, réussissent à prendre à parti un policier sur le toit d’un camion, créant ainsi une panique, qui permet à la foule de forcer le blocus des forces anti émeutes. Ils reçoivent quelques jets de gaz et coups de matraque mais atteignent l’objectif fixé soit la prise du perron à 14h50 exactement.

Les acteurs changent mais l’histoire se répète inlassablement : de la prise du Penon à la prise du perron il n’y a qu’un pas.

 

Auteur
Djalal Larabi

 




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