Dimanche 10 mars 2019
Marches contre le 5e mandat de Bouteflika : Bottes contre graines
« La liberté est pour l’existence de la pensée ce que l’air est pour le corps ».
Tsunami des forces vives, déferlante juvénile, marée des zwawla, flux gigantesque de révolutionnaires en herbe… telles peuvent être décrites les marches de contestation du 8 mars à travers l’ensemble des wilayate du pays.
Mouvement de protestation contre une énième forfaiture d’un pouvoir qui s’ingénie à se perpétuer en dépit d’une décrépitude avérée. ‘Non au cinquième mandat de la honte’, ‘Pouvoir assassin’, ‘Dégagez’ et ‘Souveraineté au seul peuple’ autant de slogans qui en disent long sur un fossé qui n’a eu de cesse de se creuser entre une classe de dirigeants âgés, avilis et passéistes et une majorité de dirigés jeunes, fougueux et fondamentalement modernistes.
Il s’agit bien évidemment d’un conflit de génération exacerbé par une culture de déni et un déni de justice et des cultures. Victimes de délires paranoïaques, les fossoyeurs du régime ont eu l’outrecuidance de signifier à leur peuple qu’ils ne partiront sous aucun prétexte. Preuve en est qu’ils ont usé d’un stratagème diabolique pour rester aux commandes. Sans légitimité, sans compétence ni scrupules, les caciques du pouvoir ont joué aux apprentis prestidigitateurs. Ils ont tenté de faire passer une momie pour une personne disposant pleinement de ses capacités physiques et mentales et une photo encadrée pour une présence désincarnée.
L’opacité du système aidant, les propagandistes et les censeurs se sont chargées de mystifier les crédules. Un homme atone, muet et souffrant d’un handicap moteur a été présenté comme un vrai chef d’état au passé glorieux qui écoute, entend, préside, reçoit, analyse, décide et rédige des lettres, des discours et des communiqués.
Ses difficultés d’élocution et d’articulation ont été palliées par des interprètes porte-parole qui ont adapté, déformé et parfois même contredit ses pensées au gré des circonstances.
Cette fumisterie dura plus de cinq ans durant lesquels le peuple algérien assista outré sans pour autant réagir. Sa candidature à une cinquième mandature a été l’étincelle qui a mis le feu poudre.
Le peuple a dit : « basta, la plaisanterie a assez duré. S’ils s’imaginent pouvoir nous enterrer vivants, ils sauront que nous sommes des graines ! »
Des appels à des marches pacifiques ont été lancés à travers les réseaux sociaux. Les jeunes se sont mobilisés pour faire entendre leurs voix face à cette invraisemblable décision qui engage l’avenir de toute une nation.
Les dates du 22 février, 1 mars et 8 mars passeront à la postérité. Elles devront être gravées en lettres d’or sur le fronton de l’édifice de notre assemblée nationale. Elles symboliseront à jamais les trois premiers jalons de notre marche citoyenne vers un état de droit.
Mais attention, cette formidable énergie ne doit pas être dépensée inutilement. Elle doit aboutir coûte que coûte à un changement radical du système qui sévit actuellement. Inutile d’insister sur le fait qu’il soit irrémédiablement pourri. Les flibustiers qui évoluent en son sein n’ont qu’un principe : celui de ne pas en avoir ! Ce sont des opportunistes sans état d’âme prêts à tourner casaque quand le vent tourne. Ils n’hésitent pas à s’enrégimenter dans les rangs de leurs ennemis s’il y va de leurs intérêts. Ils sont tout simplement dépourvus de conscience.
Il faut que la jeunesse qui a battu le pavé sache que la vigilance à leur égard ne doit jamais s’estomper. Aucune confiance ne doit leur être accordée. Aucun compromis ne doit être négocié avec ces fourbes. Aucune cohabitation ne doit être acceptée. En bref, aucun deal avec ces oiseaux de mauvais augure.
Pacifique, cette contestation doit le demeurer. Néanmoins ce mouvement gagnerait à être encadré et structuré pour aboutir à une plateforme de revendications et à une feuille de route en vue d’aboutir à une issue réaliste à cette crise politique sans précédent.
Evidemment, il faudra être à la fois être ferme sur les points non négociables et souple sur les modalités d’application tout en ayant pour objectif suprême l’édification à terme d’un état démocratique de droit ayant pour fondements la citoyenneté, la séparation des pouvoirs, la justice populaire, la bonne gouvernance et les libertés fondamentales.
Tous mes encouragements à cette jeunesse qui a su briser le mur de la peur. Mes vœux de succès à notre nation dans son entreprise périlleuse de construction d’un l’état de droit. Mon appel au calme, à la sérénité, à la clairvoyance et surtout à la solidarité pour que la transition démocratique s’opère dans des conditions apaisées.
Qu’elle soit colorée ou parfumée, notre révolution doit être exclusivement algérienne. L’estampille ‘DZ’ doit être sa marque distinctive. Aucune ingérence ni même médiation étrangère ne doivent être tolérées. Nous sommes en mesure de relever ce défi seuls. Les Algériens forment un peuple uni dans l’adversité. Et le génie de ce peuple consiste justement en sa capacité à trouver des solutions originales aux situations considérées comme inextricables.
Donnons-lui sa chance. Faisons le pari qu’il saura prendre son destin en main. Accordons-lui un délai nécessaire à l’accomplissement de ce projet historique. J’ai cette ferme conviction qu’il sera à la hauteur des espoirs que nous fondons en lui.
Je terminerai par ces quatre citations sur la liberté :
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« La liberté n’est pas un droit, mais une obligation » ;
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« La seule liberté est celle qui est obtenue par une longue lutte, non celle accordée » ;
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« Où est la liberté, là est la patrie » ;
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« La liberté ne peut exister que quand elle est fondée sur le règne des lois ».