C’est une histoire de mémoire et de musique, de transmission et de résistance. Une histoire tissée sur les rives sud et nord de la Méditerranée, et qui, depuis vingt ans, prend corps chaque mois de juin à Marseille.
Du 11 au 14 juin 2025, la cité phocéenne accueillera la 20ᵉ édition du Festival Tamazgha, rendez-vous incontournable pour celles et ceux qui portent, célèbrent et réinventent la culture amazighe en diaspora.
Vingt années, c’est un cycle accompli. Celui d’un festival né dans l’ombre du silence, au lendemain des années noires et du déracinement. Un espace pensé non seulement comme scène artistique, mais comme lieu de parole, d’écoute et de réappropriation. À travers les chants, les langues, les formes graphiques ou les récits de vie, Tamazgha fait entendre ce que l’histoire officielle a trop souvent voulu taire.
L’art comme fil de transmission
Le programme de cette édition anniversaire est fidèle à cet esprit. Il s’ouvrira, le mercredi 11 juin, par un atelier de pratique musicale – lieu de passage de témoin, de gestes et de rythmes anciens. Le jeudi 12 juin, ce sera à l’écriture de se déployer : un atelier de calligraphie en tifinagh, l’alphabet amazigh, permettra d’entrer dans la matérialité des signes, dans ce qu’ils charrient de mémoire et de résistance.
Le vendredi 13 juin, la conférence de Farida Aït Ferroukh, musicienne et chercheuse, viendra poser des balises : celles d’un itinéraire musical entre les deux rives, entre les racines kabyles et les scènes urbaines, entre héritage et création. Une parole rare, à la croisée de l’intime et du politique.
Une constellation d’artistes pour un concert-mémoire
Mais c’est le samedi 14 juin, au Théâtre de la Sucrière, que la fête atteindra son apogée. Une grande soirée musicale réunira plusieurs générations d’artistes amazighs : Yelli Yelli, voix métisse et aérienne ; Ymaï, fusion aux accents poétiques ; Ideflawen, groupe historique engagé ; Hamid Matoub, Si Moh, Ali Ferhati, Chenoud, et Djaffar Aït Menguellet, héritier d’un nom, d’une parole, d’un combat.
Ce concert, loin d’être une simple célébration, s’annonce comme un moment de communion : une traversée musicale des vingt dernières années, des mémoires qu’on exilait aux identités qu’on affirme.
Tamazgha, territoire imaginaire et réel
Tamazgha, ce n’est pas seulement un festival. C’est un mot qui désigne un pays sans frontières étatiques : celui des peuples amazighs, dispersés, parfois niés, mais toujours debout. À Marseille, ce mot devient espace. Il devient scène. Il devient rencontre.
Alors que les vents de l’uniformisation soufflent toujours plus fort, le Festival Tamazgha persiste à opposer à l’oubli la force des voix, à l’effacement la beauté des langues, à la violence de l’histoire officielle les nuances de la culture vivante.
Djamal Guettala