22 novembre 2024
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Médias au service des puissants (2)

OPINION

Médias au service des puissants (2)

Pour mieux éclairer notre étude, décortiquons la mission politique, idéologique et sociale des médias mainstream. Le rôle des médias, de gauche comme de droite, est crucial dans nos sociétés urbanisées – multiethniques – criminalisées – pathologisées – communautarisées –, densément peuplées, soumises à de fortes tensions économiques (chômage et pauvreté), sociales (réduction des services sociaux), criminelles (drogues, délinquance, vols et crimes contre la personne).

Au milieu de cette confusion sociétale, les médias sont une source d’insécurité et de chaos supplémentaire, en même temps d’agent d’endoctrinement et d’obscurcissement de la réalité, l’une de ces fonctions rendant les autres possibles et nécessaires.

De manière générale, l’activité médiatique comporte de multiples facettes. D’une part, les médias diffusent une vision du monde – celle de la classe dominante –, c’est leur première activité principale. Par cette activité, ils conditionnent la conscience collective et individuelle à accepter ce monde capitaliste tel qu’il est, avec ses valeurs marchandes, son esprit de prédation, son culte de la compétition et de la performance, son apologie de l’idéalisation des célébrités riches, imitées et jalousées par les petits-bourgeois envieux, anxieux, aigris, dévorés par l’ambition de se hisser un jour, à leur tour, croient-ils, au paradis des parvenus.

De surcroît, les médias à la solde ont pour mission d’exhiber sans vergogne les bas-fonds du monde sombre, l’envers du décor de la belle société civilisée normative : le monde du lumpenprolétariat, des SDF, de la pauvreté et de la criminalité vénielle, le monde interlope du vol à grande échelle, du blanchiment d’argent, du crime organisé, qui alimentent les rubriques faits-divers.

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Cette outrancière médiatisation de cette criminalité protéiforme vise à susciter la psychose «sécuritaire », mais surtout à accréditer le mythe de la fonction protectrice de l’État capitaliste érigé au service de toute la population : l’État démocratique totalitaire, avec ses forces de répression, ses palais de justice, ses prisons et son armée, assure votre protection, braves Citoyens (sic), propagent à longueur de diffusion informationnelle les médias. Et non la sécurité et la tranquillité des classes possédantes.

L’autre activité des médias consiste à soutenir les contestations sociétales contre le système (cela est permis et encouragé à titre individuel), mais en respectant les règlements et les lois – c’est-à-dire l’ordre public, autrement dit la dictature du capital.

Les médias dominants couvrent chaque jour les multiples lilliputiennes protestations parcellaires féministes, syndicalistes, environnementalistes, gauchistes, communautaristes, raciales, etc. Tous les pleurnichards gémissant contre les injustices sociales sont reçus et encouragés par le pouvoir. Parfois, ils obtiennent une loi sympathique pour récompenser leur bonne conduite pacifique respectueuse de la démocratie totalitaire.

L’autre activité des médias consiste à exhiber la vie somptueuse des personnalités riches et célèbres. Il s’agit d’étaler leur fortune, leur aisance et l’abondance de leurs biens obtenus grâce à leurs « efforts » exceptionnels, personnels et professionnels, ayant permis leur ascension sociale et leur intégration dans le système capitaliste, ce magnifique système économique offrant à chacun la chance de s’enrichir, comme par hasard toujours les mêmes : les déjà riches.

Enfin, sans conteste, l’activité fondamentale des médias du capital est de mystifier la réalité afin d’en rendre la lecture complexe, de rendre le monde (la société, l’économie, la politique, l’idéologie) incompréhensible et opaque.

Les médias imposteurs, avec leur habituelle vision policière ou psychologisante de l’histoire et des faits sociaux, accomplissent cette mission de déformation de la réalité en présentant toute activité humaine, particulièrement les activités économiques, politiques, idéologiques, diplomatiques, judiciaires, militaires, comme étant le fruit soit du hasard, soit la résultante de la subjectivité de tel ou tel individu – génial ou caractériel – (l’imprévisible Donald Trump ou l’irascible Kim Jong un, ou le doctrinaire Khamenei). Mais jamais comme le produit des lois imparables de l’économie, de la sociologie et, surtout, de la lutte des classes.

Quoi qu’il en soit, par le travail manipulatoire opéré par les médias inféodés au capital, la société est délibérément complexifiée, enrobée dans une opacité politique machiavélique. Ce travestissement de la réalité a pour dessein d’éviter que les « citoyens » accèdent à la compréhension authentique des lois dialectiques régissant l’ensemble de la société déchirée par des antagonismes de classe. En lieu et place, les médias proposent des rumeurs, des allégations, des « Fakes news » et des complots machiavéliques, ourdis dans l’antichambre des puissants, conduisant chacun à spéculer sur tel ou tel dirigeant (le Jupiter arrogant Macron, l’imprévisible Trump, Merkel la Reich-Woman, etc.). En lieu et place d’une conception matérialiste de l’histoire, des évènements, les médias colportent une vision policière, où chaque fait social est perçu par le petit trou de la serrure « décervelante » et débilitante.

Les médias asservis au capital proposent de supputer sur les manies et les travers des célébrités. Ces journalistes appliquent au monde de la politique, de l’économie, de l’idéologie, les recettes de la morale vulgaire, de l’idéalisme, de la psychologie de comptoir. Ainsi, Macron serait arrogant, expliquant son dédain pour le peuple. Remplacez Macron par Mélenchon ou par Marine Le Pen, et vous changerez de régime, suggèrent subrepticement les médias à l’étroitesse d’esprit criante de vacuité intellectuelle et historique. Or, Mélenchon comme Marine le Pen appliqueront, dans l’éventualité de leur propulsion au sommet de l’État capitaliste, la même politique dictée par le capital. Voilà à quoi se réduit l’activité idéologique des grands médias de droite comme de gauche.

De manière générale, on distingue trois catégories de médias. Pour accomplir ce travail de fragmentation sociologique (les médias subdivisent le lectorat en fonction de sa catégorie sociale), de mystification, d’enrôlement et d’aliénation idéologique, les médias se répartissent en trois catégories.

En premier lieu, il y a la presse de divertissement. Ces médias « peoples » ont pour fonction de divertir et d’anesthésier le public en vue de lui permettre de s’évader dans les rêves d’un monde spectaculaire meilleur, qui sera accessible probablement dans une autre vie. La presse people est le nouvel opium du monde civilisé : cet « opiacé médiatique », consommé sans modération sur fond de publicités alléchantes de vies paradisiaques illusoires, a remplacé la religion.

En second lieu, il existe la presse d’information au service du capital. Ces médias de « formatage » idéologique adjoignent à la fonction « people » des prétentions déontologiques à informer objectivement sur l’actualité et des ambitions savantes à analyser scientifiquement les informations. En vrai, ces médias ont pour mission de façonner l’opinion publique aux fins de susciter son adhésion aux différentes politiques des gouvernants, mais surtout d’entretenir la résignation des classes populaires à leurs misérables conditions de vie. Pour ce faire, ces médias recourent aux services des experts autoproclamés, des analystes stipendiés, des universitaires affidés, dans le dessein d’emberlificoter l’opinion publique, de pérenniser l’aliénation du peuple.

En outre, il existe une troisième catégorie de médias, destinée à l’élite intellectuelle, politique et patronale. Ces médias rigoureux méritent d’être lus, car ils analysent consciencieusement la conjoncture économique, politique, internationale, militaire, aux fins d’informer « scientifiquement » la classe capitaliste et ses commis politiques.

Ces médias « d’influence » donnent le ton aux grands patrons et orientent leurs décisions. Le grand capital et ses saltimbanques politiciens ne disposent pas d’une grande marge de manœuvre. Il faut le rappeler, les lois implacables de l’économie politique capitaliste s’imposent à eux comme à tout un chacun. Mais les puissants milliardaires et leurs fonctionnaires financiers disposent du pouvoir d’accélérer ou de ralentir l’évolution de la crise, voire de la prolonger, quitte à l’amplifier.

Un exemple parmi d’autres : le président de la FED américaine a décidé dernièrement d’abaisser les taux d’intérêt sur les prêts, provoquant ainsi l’expansion de la masse monétaire et par voie de conséquence l’endettement accru des particuliers, des entreprises et des gouvernements.

De la sorte, il ne fait que retarder le krach boursier, mais en décuplant l’amplitude de la catastrophe, sans en dévier la course folle. Voilà les limites du pouvoir discrétionnaire des milliardaires et de leurs avoués étatiques. Dans le même ordre d’idée : la classe dirigeante algérienne en déclin a beau déployer des stratagèmes habiles pour tenter de se maintenir au pouvoir, son destin politique a été scellé par l’histoire récente du peuple algérien révolté (2). Sa fin est imminente.

Enfin, il existe également une autre catégorie de médias, que nous n’avons pas intégrée à notre taxonomie informationnelle, à savoir la presse numérique libre et la presse révolutionnaire. En rupture radicale avec les valeurs politiques de la pensée dominante et les catégories marchandes de la société bourgeoise ou féodale (pays musulmans), cette presse est évidemment, du fait de sa faiblesse financière, très peu visible, voire méconnue. Parce qu’elle ne se plie pas aux normes médiatiques mercantiles, cette presse numérique libre et révolutionnaire est vilipendée, ostracisée ou boycottée par les médias mainstream, mais également par la presse de gauche comme de droite.

Mesloub Khider

2- Secouée par le Hirak : l’Algérie à la croisée des chemins, Les impliqués Éditeur, 2020

Auteur
Khider Mesloub

 




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