« Selon les directives du prince héritier, si aucune poursuite n’a été engagée contre vous pour homicide, vol ou agression et que vous avez été induit en erreur, l’État vous accueillera et ne vous punira pas », a déclaré Abdulaziz Al-Howairini, chef de la présidence de la sûreté de l’État saoudienne.

Lors d’une interview diffusée pendant le ramadan sur la chaîne MBC, Al-Howairini a annoncé que les opposants en exil pouvaient, en théorie, revenir en Arabie saoudite sans craindre de sanctions, à condition qu’ils n’aient pas commis de crimes graves, tels que le meurtre, le vol ou l’agression. Une déclaration qui semble viser à adoucir l’image d’un régime autoritaire tout en rappelant les lourdes implications de ses décisions.

Cependant, ce message, en apparence conciliant, soulève plusieurs questions sur l’étendue du contrôle que le pouvoir exerce sur la société saoudienne. En effet, Al-Howairini a précisé que même ceux qui n’ont pas réellement commis de crimes, mais qui en ont seulement eu l’idée, seraient pris en charge par l’État.

« Toute personne qui décide de rentrer, sans qu’aucune poursuite ne soit engagée contre elle pour agression, homicide ou autres actes violents, et si ses actions se sont limitées à l’opposition ou si elle a été exploitée par des haineux ou si elle a reçu de l’argent à un moment donné ou si elle a été induite en erreur, elle est la bienvenue pour revenir sans craindre de sanction», a-t-il encore ajouté.

Cette déclaration laisse entendre que les autorités saoudiennes pourraient intervenir non seulement sur les actes, mais aussi sur les pensées et les intentions de leurs citoyens, étendant ainsi la répression bien au-delà de la simple commission d’un délit. Si une personne est soupçonnée de nourrir des idées d’opposition, même sans les avoir mises en acte, l’État se réserverait le droit de « régler » cette question. Une notion qui incarne parfaitement l’autoritarisme d’un régime prêt à contrôler la pensée et la parole des individus, tout en étendant sa mainmise sur la vie privée des citoyens.

Les propos d’Al-Howairini, qui cite les directives du prince héritier Mohammed bin Salman, vont dans le sens d’une ouverture apparente pour les opposants, à condition de n’avoir commis aucun acte violent. Il affirme que ceux qui ont été « induits en erreur », qui ont « été exploités par des haineux », ou qui ont simplement exprimé des idées opposées au régime, peuvent revenir au pays sans crainte de sanctions.

Cependant, ce type de « clémence » n’est qu’une illusion qui dissimule une réalité bien plus sombre. Le régime saoudien reste l’un des plus répressifs au monde, où toute forme de dissidence est surveillée et punie avec une extrême rigueur.

Dans cette perspective, la possibilité de rentrer au pays sans craindre de poursuites semble conditionnée par une acceptation tacite du système autoritaire en place. Les opposants doivent être prêts à se conformer aux normes imposées par le pouvoir, sous peine de se retrouver isolés et persécutés.

L’affirmation selon laquelle l’État accueille ceux qui n’ont pas « commis de crime » est en réalité une manière de renforcer l’idée que la dissidence elle-même est un crime, une idée dangereuse qui remet en cause les libertés fondamentales.

Par ailleurs, la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée, à laquelle les ressortissants saoudiens peuvent contacter les autorités et solliciter de l’aide, apparaît comme une autre manifestation de ce contrôle omniprésent. Les autorités affirment que les communications sont confidentielles, mais le simple fait de devoir passer par une structure aussi centralisée soulève des doutes sur le véritable but de cette mesure.

N’est-ce pas une manière supplémentaire d’exercer une pression psychologique sur les individus en exil, en leur faisant savoir que l’État a les moyens de suivre leurs déplacements et d’intervenir dans leurs vies ?

Il faut également souligner que la nature même de ces « instructions » dénote une volonté de normaliser la répression en Arabie saoudite. Si le prince héritier met en avant un discours d’ouverture, en réalité, ce système impose une surveillance constante et une menace latente sur toute forme de dissidence. Chaque opposant doit être conscient qu’en exprimant ses désaccords, même de manière pacifique, il se place potentiellement sous la menace d’une sanction qui peut survenir à tout moment. Il ne suffit pas de ne pas commettre de « crimes violents » pour être à l’abri ; l’intention et l’opinion elle-même deviennent des éléments de jugement.

En ouvrant la porte à un retour supposé sans répercussions pour certains exilés, le pouvoir saoudien ne fait que renforcer son contrôle autoritaire, en s’assurant que même la simple idée de s’opposer à lui soit perçue comme une menace à neutraliser. Le régime de Mohammed ben Salmane continue donc de modeler la société saoudienne selon ses propres critères, écrasant sous la pression toute forme de contestation et assurant une emprise totale sur ses citoyens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Le régime saoudien, dirigé par le prince héritier Mohammed ben Salmane n’a pas changé par rapport à son passé. Il ne cesse de renforcer son autoritarisme, en exerçant un contrôle strict sur la population et en étendant sa surveillance à l’international. Dans ce contexte, les opposants saoudiens, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, se trouvent sous une pression constante, souvent sous l’ombre d’une menace de répression ou de sanctions.

Cet appel participe de la volonté du prince héritier de polir son règne sans changer en rien le fond de l’architecture de la monarchie.

Sofiane Ayache

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