21 novembre 2024
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AccueilChronique« Monzami » : Hocine dévasté (23)

« Monzami » : Hocine dévasté (23)

Hocine n’est pas encore remis du décès du petit Mourad que la nouvelle de la disparition de sa maman lui parvient. Le destin s’acharne sur lui obstinément. La mort d’un père et d’une mère rentre dans le cadre naturel des choses, mais perdre un enfant est un événement contre-nature dévastateur.

Sa mère lui a fait de la peine mais c’était sans commune mesure avec la perte de son enfant. La douleur se multiplie inexorablement.  Les hommes du bled font tout pour le réconforter avec des paroles sages, mais le seul refuge qui le soulage un peu, c’est l’alcool. En quelques mois de résidence en France, il s’est fait une réputation de véritable éponge piégé par l’insatiable Dionysos. Même si ces années lui ont donné une plus grande assurance dans son métier de marchand de tapis et que ses gains sont plus conséquents, la bière, le tiercé, son loyer et ses repas absorbent l’essentiel de ses bénéfices.

Les mauvaises nouvelles ne sont pas terminées pour autant.

Quand il reçoit la lettre de tonton Ahmed, le ciel lui tombe sur la tête. Une épouse qui retourne chez ses parents est un signe d’échec intolérable dans notre référentiel social. Ça ne manquera pas de faire jaser les villageois. Il sera l’objet de toutes sortes de railleries lorsqu’il rentrera. Toutes ces idées noires ne font qu’augmenter son exaspération. Et le cycle infernal de l’alcool continue. Le samedi et le dimanche, il lui est arrivé de consommer sans arrêt, du café calva, le matin, à sa demi-bouteille de vin, pour accompagner le repas du soir. Ce jour-là, c’est en titubant qu’il rejoint sa chambre pour s’engouffrer dans son lit et pleurer son destin à chaudes larmes.

Des années en France et aucune perspective de retour ne se profile à l’horizon de son train-train quotidien. Même si, de marchand de tapis, il est passé à livreur. Il livre des marchandises que lui confie Uḥrich pour pourvoir quelques commerçants de la ville en articles et tissus divers ramenés d’Allemagne et du Luxembourg à bas prix. Ainsi, il gagne mieux sa vie mais il dépense davantage. Malgré les aléas de ces débuts difficiles, le meilleur est à venir.

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Il redouble de persévérance. L’envie de réussir sa vie devient une obsession. Au lieu d’envoyer des mandats à sa femme, maintenant qu’elle est en sécurité, Hocine cumule du capital. Il a un projet en tête : devenir propriétaire. Pour cela, il s’adonne à toutes sortes de trafics. Il se rend souvent en Suisse pour se procurer des lots de montres, au kilo, s’aimait-il à dire, pour les revendre à Nancy avec des gains conséquents. Il fait fortune rapidement et devient enfin suffisamment riche pour acquérir une brasserie-hôtel comme celle d’Uḥrich. Mais il ne s’est pas défait de son péché mignon pour autant. Avec la bière gratuite, il se saoule quasiment tous les jours. Et les conseils de nombreux amis du bled pour le ramener à la raison n’y font rien.

Les mois passent, les années trépassent encore. Loin derrière lui tous les soucis de sa famille. C’est comme s’il ne s’était jamais marié et jamais eu d’enfants. Tout le monde est tombé dans le gouffre profond de l’oubli. De toute façon, Dehbia a décidé de retourner chez ses parents sans son consentement. Plus question d’envoyer quelconque mandat. Elle n’avait qu’à assumer…. (à suivre)

Kacem Madani

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