23 novembre 2024
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 Monzami » : la France enfin ! (8)

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Image par Ilo de Pixabay

Quatre heures plus tard, Hocine débarque à Alger pour y passer la nuit dans l’hôtel qui appartient aussi à Uḥrich et géré par son deuxième frère.

Après une bonne nuit de repos, il se rend au port d’Alger accompagné d’un homme du bled qui connaît la Capitale comme sa poche. La vue de cette étendue d’eau bleue qui s’étale jusqu’à l’horizon lui donne des frissons. Il a peur de s’y noyer.  D’autant qu’il ne sait pas nager. « Les autres l’ont fait, pourquoi pas moi », se rassure-t-il.

« Monzami » : le grand départ (7)

Direction Marseille. Le voyage en mer est pénible. À plusieurs reprises Hocine vomit toutes ses tripes. Et pour ne rien arranger, la nourriture servie dans le bateau n’a rien à voir avec celle du village. Elle est immangeable. Il n’y touche pas. Il ne mange quasiment pas pendant les cinq jours que dure le périple. Arrivé au port de Marseille, il est vidé de son énergie. Par chance, il trouve un restaurant algérien sur l’avenue de la Canebière. Il s’y précipite et se gave d’un bon couscous avant de se rendre à la gare Saint Charles où il prend le train pour Nancy avec changement à Paris gare de l’Est.

Ce n’est qu’au bout d’une semaine de voyage qu’il arrive enfin à destination. Ceux qui lui avaient dit que la France se trouvait au bout du monde n’avaient pas tort. Il trouve le temps si long qu’il a l’impression d’avoir quitté le pays il y a une éternité.

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Dès qu’il franchit le seuil de la brasserie, de nombreux clients se ruent sur lui pour des accolades qui s’enchaînent et s’éternisent. On se dispute sa compagnie. Tous sont pressés d’avoir des nouvelles fraîches de ce bled lointain. Tous sont du même village et des collines avoisinantes. Il se sent désormais en sécurité dans ce bout du monde de la fortune. Uḥrich (1) vient à sa rencontre pour lui remettre une clef et l’inviter à monter dans sa chambre et descendre déjeuner.

« Monzami » : les années bonheur (6)

(1) Cet homme que l’on surnommait Uḥrich (le futé, au sens noble du terme) a réellement existé. Il avait une réputation de « bon et généreux » qui s’étalait de la Grande Kabylie aux moindres recoins de Paris et des grandes villes de France, comme Nancy, sa ville de résidence, dans laquelle il possédait des biens (brasseries et hôtels) multiples. Nancy était devenue, au cours des années 1950 et 1960, le lieu de ralliement des gens du bled qui voulaient tenter une petite chance dans cette ɣorba (exil) que l’on disait fort accueillante autour d’Uḥrich.

Il faut dire que ce monsieur constituait une sorte de bienfaiteur qui tenait un langage simple aux nouveaux débarqués du bled : – « Voici la clé de ta chambre. Tu peux dormir et manger chez moi sans te soucier de quoi que ce soit. Tu me rembourseras lorsque tu auras trouvé du travail », disait-il à chaque nouvel arrivé. Des dizaines, des centaines, peut-être bien des milliers de compatriotes (venus des quatre coins d’Algérie, et pas seulement de Kabylie) avaient ainsi bénéficié des largesses de cet homme que l’on associait à un mécène dont le Ciel ne pouvait être que garant de sa bénédiction. À sa disparition en 1967, les clients, jeunes et moins jeunes, s’étaient tous sentis orphelins.… (À suivre)

Kacem Madani

 

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