28 avril 2024
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AccueilChronique« Monzami » : le mauvais œil (17)

« Monzami » : le mauvais œil (17)

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Image par Ilo de Pixabay

Un jour, Omar se réveille avec une forte fièvre. Elle ne sait que faire sinon appeler la guérisseuse du village. De toute façon, sur cette colline isolée, il n’y a point de médecin, point d’infirmière, point de pharmacien. C’est toujours le Marabout ou la vieille aux pouvoirs surnaturels que l’on sollicite. Leurs thérapies se font sous forme de rituels où l’œuf et la pincée de sel constituent les principaux ingrédients.

Leurs thérapies se font sous forme de rituels où l’œuf et la pincée de sel constituent les principaux ingrédients.

Comme pour les animaux malades, le diagnostic est toujours le même, quels que soient les symptômes ou leur gravité : le mauvais œil.

Le rituel de l’œuf est très courant. Quand notre vieille le tournoie au-dessus de la tête d’un adulte ou d’un enfant, tout en marmonnant quelques oraisons sous forme de formules saintes – qu’elle est la seule à connaître – et qu’elle sourit, cela signifie qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer. Si, en revanche, l’inquiétude envahit son visage, c’est que c’est sérieux. La rumeur disait même que, souvent, si elle se dépêchait de mettre fin au rituel et de s’en aller à la hâte, c’est que les journées, voire les heures de l’adulte ou de l’enfant, étaient comptées. Une rumeur que Omar ne tarda pas à vérifier de visu quand, un matin, elle débarqua pour diagnostiquer une cousine de quelques mois qui était très mal en point. Ali la guettait du coin de l’œil et ne voyait aucun sourire se dessiner sur son visage. Elle demeurait impassible et grave.

Le soir même, cette cousine rendit l’âme, à tout juste six mois. Quand sa mère la sollicitait pour Omar, Ali n’était rassuré que lorsque le visage de la vieille s’illuminait. Et c’est toujours la peur au ventre qu’il voyait cette vieille efflanquée débarquer chez eux avec ses relents de mort pour enfants. Quand il la rencontrait dehors, Ali prenait ses jambes à son cou pour s’en éloigner au plus vite et éviter quelque mauvais sort qu’elle ne manquerait pas de lui jeter. Un jour, juste après avoir croisé son chemin, il tombe et se fracasse un bras. Le mauvais œil venait de frapper.

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On fit appel au Marabout du village qui sut ajuster des attelles de fortune. Ali s’en sortira indemne et guérira quelques semaines plus tard. Mais plus question de se hasarder sur le sentier qui mène à la demeure de la vieille sorcière. Elle se trouve toujours au seuil de la maison pour surveiller allées et venues.

Le plus difficile pour Dehbia, c’était le bidon d’eau qu’elle devait aller chercher chaque matin de la fontaine qui se trouvait à environ deux kilomètres en aval du village. Plus d’âne pour porter la charge. Le jerricane avait une contenance de vingt litres. Mais ce n’était pas tant la charge qui posait quelque problème mais le petit Omar. Chaque matin c’est la même difficulté à résoudre : chez qui le laisser. D’autant que la majorité des femmes se rendait aussi à la fontaine, quasiment en même temps.

Elles y allaient très tôt le matin pour éviter les regards des hommes qui se rendaient en ville un peu plus tard. Il n’était pas bien vu pour une femme dont le mari est absent de se balader au village et d’attirer sur elle des regards de mâles, même les plus anodins. La pudeur n’est pas un vain mot, en Kabylie. La femme mariée se doit d’être discrète et éviter le regard des hommes… (à suivre)

Kacem Madani

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