3 mai 2024
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Mouloud Mammeri : de la révolution algérienne à l’amazighité (II)

DECRYPTAGE

Mouloud Mammeri : de la révolution algérienne à l’amazighité (II)

Alors que la plupart des écrits suivant la chronologie établie par les éditeurs des « Ecrits et Paroles » traitent de la guerre d’indépendance, il y a parmi ces derniers deux papiers qui se rapportent à littérature. Plus que l’article qui traite de la relation entre l’Orient et l’occident chère à l’islamologue Jacques Berque, où le romancier kabyle est convié à répondre au devenir monde (la mondialisation) initialisée par l’Occident triomphant.

A l’indépendance : littérature et cinéma

A notre grand étonnement, l’auteur kabyle prend l’habit d’un Oriental. Etonnamment encore Mouloud Mammeri traité pourtant d’occidentaliste par Ouzeggane, Sahli et Lacheraf, endosse la tenue d’un Oriental en faisant remarquer à son intervieweur ce qui suit:  » Une chose m’a toujours étonné, c’est que dans notre culture à nous, Orientaux, il n’y ait pas eu de grands penseurs qui avait essayé de rechercher cet équilibre que l’on me demande, à moi, de découvrir en cinq minutes… puis, il ajoute : « Je n’ai guère entendu parler que d’un certain Mohamed Iqbal dans l’Inde, et comme je je connais mal sa pensée, je ne pourrai pas vous en parler plus » (13)

L’ignorance dont il fait état des travaux de Mohamed Iqbal auteur de « Reconstruire la pensée religieuse de l’islam, Editions du Rocher, Paris, 1996 », livre considéré comme une philosophie active, reflète la formation occidentale de l’écrivain kabyle. Et pourtant, l’islam  n’était pas étranger au cercle familial de l’auteur kabyle. Son oncle qui plus tard occupera le poste de percepteur du roi du Maroc, a été formé à la médersa d’Alger. D’un autre côté, dans plusieurs de ses romans, il évoque les rites magico-agraires d’un islam rural de la zaouïa rahmania.

L’islamologue Mohamed Arkoun apporte un témoignage éclairant sur le regret de Mouloud Mammeri « de ne pas avoir acquis une connaissance scientifique de la langue arabe pour cheminer dans la voie pluridisciplinaire ».(14) Pour mémoire, on retrouve dans les souvenirs rapportés par l’islamologue Mohamed Arkoun un autre natif de Taourirt Mimoun quelques considérations dithyrambiques sur le rapport personnalisé entre l’islam et la tradition locale d’autant plus feutré d’un occidentalisme de bon aloi. Le court texte publié  par l’islamologue algérien n’évoque pas comme le texte cité précédemment, l’évocation des exercices de jeunes étudiants mais du rappel  méthodologique de la démarche différenciée de l’Islamologie et de l’anthropologie.

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Dans le texte, il s’en explique de la façon suivante : « Selon Mouloud Mammeri, il fallait reconstituer la continuité du tissu culturel, social, historique du Maghreb en combinant la méthode ethnologique et la méthode historique: bien plus jeune que lui et beaucoup moins favorisé par le milieu familial, j’ai spontanément adhéré à cette position avant que mon contact avec l’historiographie arabe, ses récits littéraires, sélectifs, indifférents aux « résidus », m’eut apporté les preuves scientifiques de la démarche née d’une socialisation pour Mouloud Mammeri comme pour moi, dans la culture orale encore vivante, nourrissante, porteuse de possibles intellectuels et artistiques. » (15)

Eu égard à l’influence des deux intellectuels kabyles, nous tenons à préciser quelques éléments noologiques sur le devenir de l’Etre berbère. Quoique nous restons attentifs à l’idée d’un « islam sans religion » pour sortir de l’impasse engendrée par l’ankylose islamique, le schéma du rapport dialectique entre les « Puissances » et les « Résidus » n’est pas totalement opératoire parce qu’il ne tient pas compte de toutes les relations infinitésimales dans les sociétés segmentaires et leur rapport avec l’Etat.(16)

Tout au contraire, nos recherches anthropologiques démontrent que le schéma d’ensemble cité ci-dessus minore ceux d’en bas c’est à dire: les sociétés segmentaires, l’oralité, culture et dialectes populaires, hérésies au profit de la suprématie des superstructures de l’Etat, de l’écriture, des cultures et langues savantes et de l’orthodoxie alors que les termes de ces rapports sont plus complexes pour donner une orientation à l’histoire du Maghreb. Pour notre part, nos enquêtes ont permis de déceler un réseau de déterminants sociaux politiques qui invalident complètement le raisonnement de Mohamed Arkoun.

A titre d’exemple, prenons le cas de l’oralité que minore l’islamologue alors qu’elle est le vecteur principal de la domination noologique ou pour parler plus simplement de la domination de la « culture savante islamique. Il y aurait tant à dire sur les autres domaines d’analyses évoqués par ce dernier.

Néanmoins, il ne semble que le rapport des Berbères avec les cultures dominantes soient de la même constante c’est à dire invariantes selon les époques pour signifier que la culture de la dynastie sheshonique ressemble à celle des Romano-Berbères ou à celle des Berbères islamisés.

Pourtant, les paramètres de l’acculturation ne se ressemblent pas pour adopter une quelconque similitude pour attribuer un rôle domestique aux Amazighs. Irrecevable ! Certes avec Mouloud Mammeri, nous partageons l’idée d’un continium historique des sociétés maghrébines mais il y a un écueil considérable dans la tradition c’est celui de la difficile remontée historique comme le titre le linguiste et berbérisant Lionel Galand. Tout autant le plus surprenant dans l’interview c’est l’évocation de l’impasse de la culture occidentale avec son corollaire de déception et de « catastrophes  » qui permet à l’écrivain d’exhumer l’endormissement des « Orientaux » afin de faire valoir l’inévitable destin d’une commune humanité mondialisée. Revenons maintenant à la littérature.

C’est au cours d’une interview  à A.J.M  que l’auteur aborde le problème de la fiction littéraire et de la création romanesque. (17) C’est certainement le lieu le plus remarquable de l’action de l’écrivain algérien. Dans cette interview, le romancier évoque le « plaisir et la nécessité » pour signifier le « goût » à la création d’un monde imaginaire et par la « volonté »  de prolonger l’explication du monde. Comme il s’entend, il parle avec clairvoyance de l’imaginaire non pas comme acte virtuel mais d’une réalité sublimée par l’écriture.

A plusieurs reprises, il différencie la langue commune (il parlait couramment le kabyle et l’arabe algérien mais il connaissait mal l’arabe classique) de la langue de Racine. Sur ce point nous y reviendrons plus loin lorsqu’on parlera de plusieurs thèmes  abordés lors de l’interview accordée à  Abdellah Mazouni dont « la berbérité et de la maghrébinité ». Pour le moment, nous laissons de côté la question du statut de la Tamazight dans le système du bilinguisme que connaît le Maghreb depuis l’antiquité. Finalement, il y a eu au moins deux points essentiels de l’action de l’intellectuel qui se profilent à savoir: l’engagement politique et la création littéraire qui président à la destinée de l’œuvre. 

En premier lieu et toujours en rapport avec l’oeuvre romanesque d’après le reporter de « Révolution africaine », dans l’opium et le bâton, il se dessine deux types d’engagement des intellectuels: « l’un résolvant les problèmes de son intellectualisme et de sa culture dans un engagement total, l’autre avant de les résoudre également dans l’engagement, s’offrant le luxe d’une crise de conscience…. »(18)

Le plus accommodant pour nous c’est d’analyser le sens donné aux mots « cri et art » par l’écrivain algérien. C’est au cours d’une longue interview faite par Hubert Juin  qu’il aborde le sujet. Il dit en substance que: » Pendant la guerre, il n’y avait pas de place pour l’art. il n’avait d’espace que pour les cris…(19) Or si l’on prend  en compte l’action littéraire de Mouloud Mammeri, l’énoncé est trompeur parce que précisément c’est pendant la guerre d’Algérie qu’il a écrit ses deux romans majeurs que sont La Colline oubliée et le Sommeil du juste. Et c’est dans ce sens que l’interprétation que fait Gilles Deleuze du cri de Bacon le peintre anglais, est amplement satisfaisante lorsque le philosophe français écrit : « Il faut peindre le cri que l’horreur. le cri, la souffrance, la convulsion des corps suppliciés constituent une lutte entre les forces de la vie et celles de la mort, un agencement singulier et provisoire des forces actives et réactives. »(20) Par raccourci, nous constatons les mêmes effets de style lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur le cinéma concernant la mise à l’écran de L’opium et le bâton. L’expression du cri du mort ou du supplicié  relève paradoxalement de cette capacité à donner le corps pour le démembrer anatomiquement.

Dans L’opium et le bâton, on voit les corps transfigurés par l’épreuve endurée. Il y aurait tout un travail à faire sur le démembrement du corps comme acte sacrificiel dans la révolution comme par exemple et dans une moindre mesure  celui de la « nurse dans le cuirassé Potemkine » de Serguei Eisentein, 1926. Saisissant est le cri  pathétique de Sid Ali Khouiret lorsqu’il entend dire « Ali mout Ouakef »  comme si « le corps s’échappe par la bouche qui crie » pour éviter l’horreur de la torture et du supplice. (21) C’est certainement l’ultime station spirituelle rendue par Al Hallaj le soufi qui n’a d’équivalent que dans le suprême sacrifice du révolutionnaire.

Abordons maintenant toutes les autres questions. Tout l’enjeu est l’appréhension de l’ordre des vérités, est-ce celui qui est ou celui qui le devient? Nous avons choisi délibérément quelques thèmes qui sont les plus récurrents face à l’acuité de la question de l’identité algérienne qui traverse la littérature de Mouloud Mammeri. A ce titre l’intervieweur revient sur la « place de la Kabylie » incarnée par le village « Tala » où se déroulent les événements de la guerre d’Algérie que relate l’auteur de L’opium et le bâton.

A la question de savoir qu’est-ce qui lie la Kabylie et la liberté, Mouloud Mammeri répond à la question de la liberté lorsqu’il parle de la littérature daltonienne en :  » estimant que son rôle n’est pas de flatter des sentiments à fleurs de peau ou de préjugés à fleur de raison mais bien plutôt de confronter mon lecteur avec la vérité la plus profonde et quelque fois le plus désespérée de lui-même. »(22) Concernant le berbérité le romancier se place dans une algérianité profonde en précisant que: « la berbérité des romans c’est l’habit que prend leur maghrébinité. » (23)

Au sujet de la traduction un des problèmes cruciaux de la transversalité des langues, le romancier admet le génie de chaque langue et et du caractère particulier de l’incommunicabilité. Tout en observant que les hommes communiquent dans leur humanité, il admet que la traduction est un moindre mal afin d’échapper aux particularismes. Enfin en qui concerne la différence entre le roman et l’essai, il voit dans le dernier genre « un essai mathématique où les idées  traduisent la vie, mais une vie épurée, décantée. »(24)

A toute fin utile, nous aurions pu aborder la question du folklorisme des personnages de L’opium et le bâton à laquelle il propose un renversement de la dualité par l’humanité qui habite tous les hommes.

Et juste après, le théâtre 

C’est parce que le philosophe français Alain Badiou traite du rapport de la politique et du théâtre que allons le prendre en exemple pour parler des deux pièces de théâtre écrites par l’écrivain algérien. Le lien commun entre les deux auteurs est incontestablement la théâtralisation du monde. L’écrivain algérien a écrit deux pièces qui ont pour théâtre d’opération la guerre d’Algérie et l’extermination des Aztèques alors que le philosophe français a écrit des pièces de théâtre et il a essayé de le théoriser. Pour le moins du monde, nous nous référons à l’entretien en compagnie de la metteure en scène Marie-José Malis qu’il a accordé à France Culture.

Dans cet entretien le philosophe et dramaturge français:  » pense que le théâtre a une fonction de pureté, de simplicité. Il doit réapprendre que finalement c’est en simplifiant le monde de la complexité factice dans lequel il baigne que l’on a des chances de le comprendre et par conséquent de la transformer. C’est en ce sens que je reprendrai l’idée brechtienne que le théâtre a une fonction didactique qui est d’enseigner une vision. »(25) Nous ne saurions trop nous attarder sur l’aspect « pur du théâtre » comme le suggère Alain Badiou mais il est clair que le romancier algérien partage l’idée de la pureté du théâtre lorsqu’il dit : « Ce que je voulais rendre c’était cette espèce de confrontation à l’état pur qu’était devenue la réalité quotidienne de la guerre d’Algérie… »(26).

Mais, le plus adéquat c’est de prendre en considération les propos du Bertolt Brecht le metteur en scène allemand (dont pièce une de ses pièces a été traduite en berbère par Mohia) qui considère que le théâtre à un rôle pédagogique. Sur ce point précis, l’écrivain algérien ne cesse de répéter que c’est « La Preuve par neuf » pour faire état de la réalité algérienne.

Il entendait par là qu’il existait un pied noir pour neuf musulmans. Il traduisait la psychologie coloniale par le sentence suivante : » Si chacun d’entre nous en descend neuf, le problème algérien est résolu. »(27) Nous pouvons tout autant développer les enjeux théâtraux sans que l’on n’épuise le sujet sur la didactique telle qu’elle est exposée par le philosophe Alain Badiou et la metteure en scène Marie-José Malis mais restons sur le terrain du « théâtre que les événements ne dépassent pas ».

Pour paraphraser le penseur de l' »Etre et de l’événement », le théâtre est un événement artistique non représentatif de l’Evénement ontologique ou historique. En ce sens, nous considérons  que Le Foehn est indissociable: « du moment où l’armée française vient d’obtenir les pleins pouvoirs à Alger, un groupe d’Algériens et un autre de « pieds noirs » jouent à se rencontrer, bien sûr pour se détruire.(28)

La deuxième pièce traite du même thème de la destruction non pas de deux groupes antagonistes d’un même pays mais de la civilisation aztèque dont les dommages restent, aux yeux du romancier, incommensurables.

Finalement parler du théâtre de point de vue du metteur en scène expose le spectateur aux yeux d’Antoine Vitez à un événement inattendu où ce dernier se sent « giflé lorsqu’il traduit par les mots la séquence au cours de laquelle une partie des spectateurs présents lors de la représentation de l’Echarpe rouge d’Alain Badiou quitte la salle. Au fond c’est ce que le théâtre produit sur le vif de la représentation. Pour autant nous ne saurions dire si Mouloud Mammeri est saisi par les mêmes effets lorsqu’il dit que:  » Je suis un bon spectateur, je veux dire le spectateur qui marche à tout coup, pourvu que la ficelle ne soit pas rompue. »(29)

L’anthropologie, enfin

Alors que personnellement je reste circonspect sur les bases noologiques de l’universalisme de Saint Augustin et d’Ibn Khaldoun deux auteurs majeurs du Maghreb, il est tout à fait remarquablement de la part de Mouloud Mammeri pourtant homme des lettres classiques d’avoir consacré une conférence sur Ibn Khaldoun. D’autant qu’il n’a pas fait des études de sociologie, il s’est illustré par une profonde conviction de l’utilité de la « Muqqadima » et de l' »Histoire des Berbères » pour comprendre le sens de l’histoire particulière du Maghreb et la marche générale du monde. Il établit à sa juste valeur la rationalité du raisonnement chez Ibn Khaldoun. Bien que nous n’arrivons pas à profiler toute la trajectoire universitaire de Mouloud Mammeri, nous admettons volontiers comme d’ailleurs pour tous les Maghrébins la nécessité d’une introspection pour comprendre l’histoire du Maghreb.

Certainement Mouloud Mammeri s’est très tôt intéressé à la sociologie des Berbères sans que cela nécessite une formation particulière en la matière mais, il n’en demeure pas moins que c’est au sein du CRAPE qu’il s’est le plus illustré en matière d’anthropologie. C’est certainement la deuxième période la carrière de Mouloud Mammeri qui est la plus prolifique d’ailleurs entamée dans sa jeunesse avec la publication dans la revue Agdal en 1938/39 de la « société berbère » republiée depuis dans le Groupement du droit des minorités, 1992, puis poursuivie conjointement avec l’activité de romancier par la publication d’un article sur la poésie kabyle dans la Revue africaine en 1950. Il s’en est suivi une activité universitaire « appelée « ethnographique » qui à part les cours sur la langue berbère nous la connaissons mal. Sur tous ces faits nous renvoyons à notre article publié dans la Revue Iles d Imesli, Volume XX, 2018). Toutefois, nous croyons qu’il est utile d’apporter encore quelques précisions sur l’ethnologie de Mouloud Mammeri.

En nous appuyant sur des textes qui ont trait à la méthode ethnologique, le romancier converti à l’ethnographie s’est plus au moins adapté au discours sur les « sociétés ethnologique. Bien que l’idéologie coloniale s’est emparé des objets ethnographiques, Mouloud Mammeri finit par s’adapter à de meilleures conditions de la pratique ethnologique. Même si au cours de l’entretien avec Jean-Jacques Abadie repris dans « Ecrits et paroles, en dénonçant l’ethnologie coloniale, il finit par l’entremise du rejet du regard occidental sur les sociétés froides par faire de l’endo-anthropologie sans que le problème de la distance entre l’objet et le sujet ne soit un obstacle à l’objectivité de l’analyse.

Pendant longtemps, on a cru en science à la distanciation entre le sujet connaissant et l’objet jusqu’à jour où la physique rend caduque cette règle en plaçant l’observateur au centre des phénomènes quantiques. Bref, l’entretien  entre Mouloud Mammeri et Pierre Bourdieu intitulé : « Du bon usage de l’ethnologie » repris dans « Ecrits et paroles », constitue une sorte de « libération épistémologique » devenue plus que nécessaire pour se dégager du piège tendu par les régimes politiques nationaux comme le fera par ailleurs l’islamologue Mohammed Arkoun auprès des cercles universitaires au sujet de l’orientalisme. 

Finissant avec l’engagement

Mais comme il s’agit d’un intellectuel engagé, il nous semble utile de revenir à l’épisode qui a déclenché le Printemps berbère en Algérie. Cet épisode a été marqué par l’interdiction par les autorités algériennes de la tenue d’une conférence portant sur la culture berbère. Au lieu de discuter les différentes opinions des acteurs, nous avons choisi délibérément le compte rendu de l’hebdomadaire Jeune Afrique du 20 avril 2016, pour faire état des conséquences de cette interdiction.  La lecture du compte-rendu donne un aperçu du rôle de Mouloud Mammeri dans les événements. Et, il s’en explique lui-même en répondant à l’article au journaliste du quotidien gouvernemental en écrivant: « Vous me faites le chantre de la culture berbère et c’est vrai. Cette  culture est la mienne, elle est aussi la vôtre. Elle est une composante de la culture algérienne, elle contribue à l’enrichir, à la diversifier, et à ce titre je tiens (comme vous devriez le faire avec moi) non seulement à la maintenir mais à la développer.(30)

Finalement l’humanisme berbère 

Pour mieux préciser les choses, le témoignage d’Antonio Cubillo, réfugié politique canarien en Algérie, est le meilleur exemple à donner pour préciser dudit de l’appartenance : « Peu importe, me dit-il, vous êtes des Berbères même si maintenant vous ne parlez pas la langue; de prestigieux Berbères comme Donati, saint Augustin, Tertullien, Apulée, qui pourtant parlaient latin, Septime Sévère qui devint empereur, s’exprimait également en latin et pourtant il était Berbère. Ibn Khaldoun parlait, s’exprimait et écrivait en arabe ou Kateb Yacine en français, mais cela n’empêche pas qu’ils étaient de grands penseurs berbères, Un jour viendra, quand vous serez libres et indépendants, où vous introduisez la langue des aïeux, et de nouvelles générations la parleront dans un proche avenir.

Jean Amrouche disait, qu’il concevait et raisonnait en français mais qu’il ne pouvait pleurer qu’en berbère. »(31) Plus généralement si le romancier algérien s’est distingué par un engagement avisé, il se déclare ouvertement humaniste en citant Saint Augustin : Homo sum, humani nihil a me alienum puto, Je suis un homme et rien de ce qui humain ne m’est étranger.

Fatah Hamitouche, ethnologue

Bibliographie:

1-  M. Lacheraf, Des noms et des lieux, Editions Casbah, Alger, 1998. 

2-  H. Sadi, Mouloud Mammeri ou la colline emblématique,  A compte d’auteur, 2014. Sauf avis contraire, toutes les citations critiques du roman de M. Mammeri sont extraites de l’ouvrage cité en référence.

3-  T. Yacine, Mouloud Mammeri dans la guerre, Awal no 6, 1990. Les textes en question ont été reproduits dans  » Ecrits et paroles, tome 1, CNRPAH, Alger, 2008.

4-  T. Hussein, la colline oubliée, roman de l’écrivain algérien Mouloud Mammeri, Naqd Oua Islah no 4, 1956 

5-  H. Sadi, p. 56.

6-  Idem, p. 57.

7-  Idem, p. 72.

8-  M. Mammeri, A propos de la colline oubliée,  l’Effort algérien, no 884, Alger, 28 novembre 1952.

9- Par ordre chronologique nous reproduisons la liste des articles publiés dans « Ecrits et paroles » sous le titre Mouloud Mammeri dans la guerre de libération nationale:

-Vérités et paroles, L’espoir Algérie, no 2, Alger, juin 1956.

-Sortir de l’impasse, L’espoir Algérie, no 5, 3 aout 1956.

-Deux ans après, L’espoir Algérie, no 9, Alger, 27 octobre 1956.

-Western politique, L’espoir Algérie no 10, Alger, 10 novembre 1956.

-Prélude à l’ONU, L’espoir Algérie, no 14, Alger, 5 janvier 1957.

-Lettre d’Algérie, Confluent, Rabat/Paris, janvier 1957.

-Lettre à un Français, Entretien sur les Lettres et les  arts, Rodez (Ayveron), spécial Algérie, février 1957.

-La terreur a soudé les esprits, Témoignage chrétien, Paris, 24 janvier 1958.

-Entretien, « Sens » de la littérature nord-africaine, Correspondance no 21 , Tunis 1957.

– Quelques instants avec Mouloud Mammeri, Education nationale du Maroc, no 2, novembre 1959.

10- Lettre à l’ONU, Ecrits et paroles, tome 1, pp.45-57, et Awal no///, pp.112-121.

11- A. Ali Yahia, La crise berbère de 1949. Portrait de deux militants: Ouali Bennai et Amar Ould-Hamouda, Quelle identité pour l’Algérie? Editions Barzakh, Alger 2013.

12- Y. Temlali, La genèse de la Kabylie, Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie (1830-1962), Editions La Découverte, Paris, 2016, Bibliographie, p. 287. 

13- M. Mammeri, Dialogue à plusieurs voix, Rencontre au Maroc de l’Orient et de l’Occident. Melle Serraj, Mouloud Mammeri et Smail Mahroug, Confluent no 23-24 , Rabat/Paris, semptembre-octobre 1962, p. 85.

14- M. Arkoun, Le message de Mouloud Mammeri, Awal no 18, p. 11.

15- Idem, p. 10

16- M. Arkoun, Penser l’histoire du Maghreb dans l’Etat du Maghreb, Editions la Découverte, Paris, 1997, pp. 48-49.

17-Interview, Quelques instants avec mouloud Mammeri, Education nationale du Maroc no 2, novembre-décembre, 1959.

18- Entretien »  » Ce sont les témoignages qu’il faudra consigner » Révolution africaine,no 128, Alger, 10 juillet 1965, p. 107.

19- M. Mammeri, Entretien, L’opium et le Baton, les lettres françaises, no 1085, Paris, 17 juin 1965, p. 105

20- G. Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, Editions du seuil, Paris, 2002 cité dans: Francis Bacon (1909-1992) peint la trace laissée par l’existence humaine sans ses oeuvres, Internet. 

21- Idem, p. 33.

22-  M. Mammeri, Ecrits et paroles, Entretien sur la littérature algérienne, in le jour, Beyrouth, du 27 mai et 3 juin 1966 repris dans revue de presse du Centre diocéssain, no 14, Alger, avril 1967, p.117.

23- Idem, p.117.

24- Idem, 125.

25- France culture, Emission sur les chemins de la connaissance du 21/01/2013

26- M. Mammmeri, Ecrits et Paroles, T I p. 155.

27- Idem, p.147.

28- Idem, p. 153.

29- Idem, p  . 156.

30- Idem, Tome II, p. 24.

31- A. Cubillo, Mouloud Mammeri et l’indépendance canarienne, Revue Awal no 18, 1998, pp.99/115.

 

Auteur
Fatah Hamitouche, ethnologue

 




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