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Mourad Bourboune : « Je pense à retirer mon nom si… »

Film sur Larbi Ben M’hidi

Mourad Bourboune : « Je pense à retirer mon nom si… »

L’écrivain Mourad Bourboune est l’auteur du scénario à l’origine du film Ben M’hid. Il ne comprend pas qu’un film sur une des plus importantes figures de la Révolution algérienne puisse être interdit par une commission du ministère des Moudjahidine, mais désigne aussi la façon obscure et peu transparente dans lesquelles le film a été tourné. « J’ignore jusqu’à aujourd’hui ce qu’ils ont pris du scénario et ce qui en reste ». Il revient pour Le Matin sur la genèse du film et s’explique.

Le Matin d’Algérie : Comment et quand avez-vous commencé à travailler sur le scénario du film Ben M’hidi ?

Mourad Bourboune : Hassani, le défunt beau-frère à Ben M’hidi et Bachir Derrais m’ont demandé d’écrire un scénario pour un film sur Ben M’hidi. Faire un film sur un révolutionnaire aussi extraordinaire était une idée très enthousiasmante. Ben M’hidi n’est pas n’importe qui. C’est un personnage central dans l’histoire de la révolution algérienne. Je me suis mis au travail. Le film exigeait beaucoup de moyens. Aussi avais-je proposé au producteur l’idée de lancer une souscription nationale pour financer ce film. Pourquoi ? C’était une façon pour chaque Algérien de se réapproprier une part de ce grand homme qu’est Ben M’hidi. Et bien entendu, mon dû serait alors versé dans la cagnotte qui servirait à financer le film. La proposition n’a pas été retenue.

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Il était question de faire un grand film pour le cinéma et une mini-série pour la télévision. Bien entendu, il n’était pas question de délayer l’histoire, mais surtout de faire un biopic à la hauteur de Larbi Ben M’hidi. C’est pourquoi, du reste, j’avais émis une autre suggestion, celle de confier la réalisation à des cinéastes d’envergure et j’ai lancé le nom de Ken Loach. C’était une simple proposition que j’avais faite. J’ai pensé à Ken Loach parce qu’il a fait de formidables films sur la lutte des Irlandais contre la colonisation anglaise. Je pense que la lutte des Irlandais ressemble beaucoup à celle des Algériens contre le colonialisme français et l’approche cinématographique de Ken Loach est très intéressante.

Cela étant dit, je ne connais pas personnellement Ken Loach et ce n’était pas à moi d’imposer un quelconque réalisateur. L’idée de proposer Ken Loach m’est venue en me rappelant que Larbi Ben M’hidi était un admirateur de Éamon de Valera, chef des nationalistes irlandais et artisan de la lutte décisive pour l’indépendance de l’Irlande vis-à-vis du Royaume-Uni au début du XXe siècle.

Le Matin d’Algérie : Vous avez donc écrit le scénario que vous avez remis au producteur. Aviez-vous signé un contrat ? 

Bien entendu ! Nous avons signé un contrat en 2010 je crois. J’ai fini le scénario en 2012. Il a été lu par une commission du ministère qui a émis quelques petites réserves, sans plus. Mme Khalida Toumi (ancienne ministre de la Culture, Ndlr) m’avait écrit une lettre de compliments.

J’ai continué à travailler en profondeur le film, le découpage, les dialogues, avec le réalisateur. C’était un travail énorme qu’il fallait abattre pour restituer toute la dimension de l’homme qu’était Larbi Ben M’hidi, les événements, les échanges et les ambiances avec fidélité. Le sujet est trop important pour oublier ne serait-ce qu’un détail. J’ai continué donc à travailler sur le scénario et à échanger avec Bachir pendant deux ou trois ans.

Que s’est il passé par la suite ? Je l’ignore. Personne ne m’a plus consulté. Des journaux avaient rapporté l’an passé que le scénario de Bourboune avait été remplacé par un autre, d’autres sources disaient qu’il avait été profondément remanié, ce qui, selon les procédures en vigueur est une grave faute passible des tribunaux. Personne ne m’a donné signe de vie. Même les honoraires qui me sont contractuellement dus en contrepartie de mes deux années de travail, ne m’ont pas été versés. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas touché un centime…    

Le Matin d’Algérie : Aujourd’hui, le film est pris en otage par la commission du ministère des Moudjahidine.

Je trouve monstrueux qu’on puisse interdire un film, encore plus sur Larbi Ben M’hidi. Personne n’a le droit de s’approprier l’histoire de l’Algérie. C’est tout simplement inacceptable. De quel droit cette commission se permet-elle de décider de la réalisation d’un film ? Laissons les cinéphiles et les spécialistes débattre sur le film.  Il y a eu une centaine de films sur Napoléon, pas un seul n’a suscité pareille levée de boucliers. Est-ce que le film porte tort à Ben M’hidi ? Non je ne le crois pas. Alors, pourquoi l’interdire ? Laissons le public juger. Si c’est un film réussi, il applaudira. Si c’est un navet, il le boudera. Et d’autres feront des films sur Ben M’hidi…  

Le Matin d’Algérie : Avez-vous vu le film ?

Bien sûr que non ! Je n’ai pas encore vu le film, et j’espère le voir prochainement. J’aurai alors une idée du sort qui a été réervé  à mon scénario. Et si je vois que le film dévie du scénario que j’ai écrit, je demanderai évidemment à retirer mon nom. Je le redis encore une fois, jz suis profondément horrifié par toute cette machine à essorer les réputations et cette polémique stérile.

 

Auteur
Hamid Arab

 




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