Regardez le visage de cette vénérable femme. Et souvenez-vous-en. C’est celui de Na Nouara Naït Sid, la mère de Kamira, cette militante a été condamnée dans la nuit de jeudi à vendredi 16 décembre à 5 ans de prison ferme. Elle était là la nuit dernière. Debout. Meurtrie mais fière.
Na Nouara (82 ans) était venue de sa Kabylie pour soutenir sa fille embastillée. Condamnée pour ses opinions. Elle a entendu l’insoutenable verdict d’une justice qui a oublié d’en être une. Elle a entendu les insoutenables accusations. Elle a entendu ces représentants d’une justice sourde. Sans état d’âme, hors sol.
Na Nouara a crié, au milieu de la nuit, sa douleur vieille de plusieurs siècles contre ces hommes censés porter l’honneur de la justice : « C’est vous les terroristes et pas nous qui avons mené la guerre de révolution (…) Je veux juste poser une question : qui cherche à aller vers le pourrissent dans ce pays ? Les dossiers des accusés étaient tous les trois vides et les plaidoiries des avocats étaient magistrales. Les accusés ont même défié parfois le tribunal de produire des preuves sur les fait reprochés ! ». Ce sont les paroles d’une vénérable femme meurtrie par l’arbitraire.
Na Nouara n’a pas de leçons de patriotisme à recevoir dans les prétoires ou les tribunes officielles. Son amour du pays n’est pas un slogan. Elle le vit naturellement.
Comme la plupart des familles de Tifilkout, la famille Naït Sid a payé lourd la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Ce village accroché au creux du Djurdjura a connu le martyre. 200 braves tombés pour que l’Algérie soit indépendante. Qu’a reçu ce village en contrepartie ? L’oubli et le mépris d’abord pendant des décennies, puis la répression de ses femmes et ses hommes sous Tebboune.
Depuis 2021, plusieurs de ses habitants sont arrêtés pour délit d’opinion. Alors quand Na Nouara laisse couler les larmes de la colère, ce sont celles de toutes ces femmes dont les maris, les filles et fils sont envoyés en prison arbitrairement. Ce sont des larmes d’indignation et de refus de résignation face à l’injustice qui accable sa fille et ses compagnons de détention.
Tant qu’il y aura des Lucifer pour faire brûler en enfer les derniers esprits libres que répugne le rôle d’encenseur du palais, comme l’avait écrit l’année dernière Mohamed Benchicou, beaucoup de Na Nouara verseront des larmes en Algérie.
Hamid Arab