C’est au théâtre Azzedine-Medjoubi d’Annaba, par une matinée tiède d’avril 2025, que mes pas m’ont conduit vers elle. En ce mois du patrimoine, les artisans avaient déployé leurs merveilles comme autant de fragments d’un passé vivant.

Au détour des allées, une table, baignée de lumière tamisée, m’a arrêté. Là, parmi les étoffes et les matières, une femme faisait naître la poésie du geste : Nabila Chaib, créatrice derrière le nom délicat de Bibaperlo.

Perleuse d’exception, elle ne se contente pas d’enfiler des perles — elle les écoute, les choisit, les unit comme on assemble des mots rares pour écrire un poème. Ses mains, fines et agiles, dansent sur le fil invisible de la tradition. Elles composent des colliers où chaque perle, ronde ou allongée, mate ou nacrée, raconte une histoire venue de loin : histoires de mer, de terre ocre, de palmiers et de souffles oubliés.

Sous le nom Bibaperlo, ses colliers se déploient comme des constellations précieuses. L’œil est attiré par ces entrelacs savants d’ambre doré, de verts profonds, d’éclats d’ivoire et d’ombres noires satinées. La lumière joue entre les formes, glisse sur les surfaces polies, s’accroche aux aspérités d’une perle irrégulière, caresse le velouté d’une pierre mate. Ces compositions n’ont rien d’anodin : elles portent l’écho des gestes anciens, ceux des femmes qui, autrefois, en Algérie, tissaient le bijou comme un talisman.

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En parlant avec elle, la conversation glisse naturellement vers Annaba, sa ville-mère. D’une voix assurée et souriante, elle affirme : « Ici, il ne faut pas avoir peur, les vrais Bonois et Bonoises ont le cœur ouvert. » On sent chez elle cet ancrage profond, cette fierté tranquille d’appartenir à une cité chargée d’histoires et de brassages. Puis, presque comme une confidence, j’apprends qu’elle est la fille d’un ancien chocolatier de la ville — un métier oublié aujourd’hui, mais qui jadis embaumait les ruelles d’Annaba de parfums sucrés et chaleureux. De l’atelier de son père, elle a sans doute hérité le goût du travail minutieux et du geste soigné.

Quand je l’interroge sur ce qui l’a poussée à se lancer dans la création de bijoux, sa réponse est empreinte d’une sincérité lumineuse :

« Ce qui m’a poussée à me lancer dans la création de bijoux, c’est avant tout ma passion pour l’artisanat et mon désir profond de créer des pièces uniques. Des pièces qui, comme vous l’avez joliment évoqué, racontent des histoires, expriment des émotions, des souvenirs. À travers chaque bijou, j’essaie de transmettre une part de mémoire et de sensibilité. C’est aussi une manière pour moi de partager ma vision artistique, tout en concevant de petits objets précieux que l’on peut porter au quotidien, au plus près de soi. »

Elle-même incarne cette fusion subtile entre tradition et modernité. Drapée d’un chemisier fleuri aux éclats de bleu vif et de corail tendre, assorti à un pantalon blanc lumineux, elle porte ses créations comme un prolongement naturel d’elle-même. Rien d’ostentatoire : seulement une harmonie délicate entre l’art et l’être.

Il y a chez elle quelque chose de Pénélope Cruz : ce mélange rare de beauté méditerranéenne, de douceur terrienne et de caractère franc. Son regard droit et son sourire discret évoquent ces femmes qui savent raconter un monde entier en quelques gestes simples.

Ma visite en ce mois d’avril a été un arrêt dans le tumulte du quotidien : un moment suspendu au milieu des perles et des fils, dans l’atelier éphémère d’une artisane qui tisse l’âme des bijoux.

Si un jour vos pas vous mènent à Annaba, sachez que les créations de Nabila Chaib – Bibaperlo ne s’envolent pas avec les salons. Une vitrine permanente lui est consacrée à la Chambre de l’Artisanat de la ville. Là, ses colliers attendent, éclatants de sens et de beauté, que quelqu’un les écoute et les emporte.

Djamal Guettala

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