18 avril 2024
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Ne privez jamais un peuple de pain, ne le gavez pas de paroles !

Hirak
Le peuple algérien en marche vers sa souveraineté

Comprendre comment fonctionne un peuple, c’est décrypter le comportement d’une foule. La foule n’est pas le peuple. Le peuple c’est le décompte. La foule c’est la masse.

Une foule réagit à l’émotion, un peuple à la raison. L’une est sur le court terme, l’autre est sur le moyen et long terme. Le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser le peuple au niveau de la foule mais d’élever la foule au niveau du peuple. La foule est faîte de tout le monde mais tout le monde a horreur de la foule.

Le lion marche seul, le mouton en troupeau.. Il s’agit de savoir pourquoi un groupe d’individus indépendants semblent obéir à des mécanismes communs. Et le peuple dans tout ça ? Est-ce une chimère, un slogan idéologique, une donnée scientifique ? Une chose est pratiquement certaine, le peuple a toujours été tenu à l’écart des grandes décisions comme se fût le cas lors déclenchement de la lutte armée, de la nationalisation des hydrocarbures ou dans les politiques menées aux pas de charge.

Tenir le peuple responsable de la situation actuelle serait lui faire un mauvais procès. Réduit à un troupeau de bétail, il a toujours suivi le berger que le propriétaire a désigné pour le conduire soit à l’abattoir ou aux pâturages.

En politique, le peuple est en haut, il est souverain ; la foule est en bas de l’échelle, elle est soumise, tantôt elle applaudit, tantôt elle siffle. Elle obéit à ses instincts. Elle est manipulable. En droit, la justice est rendue au nom du peuple. Le peuple est la voix de dieu, la foule est la voie du diable.

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L’un se fonde sur la raison et la patience, l’autre repose sur l’émotion et l’impulsivité. Le peuple c’est l’élévation de l’âme, la foule c’est la bassesse de l’âme. L’un est sans peur et sans reproche, l’autre a peur de son ombre, il avance masqué.

Le lion marche seul, le mouton en troupeau. Marcher devant le troupeau cela ne signifie pas qu’on cesse d’en en faire partie. L’individu se fond et se confond avec le groupe. C’est le groupe qui lui dicte sa volonté. Il n’a pas de libre arbitre, il s’abandonne au groupe. Il est à la fois l’otage et le complice. Son destin lui échappe, il est entre les mains détenteurs du pouvoir qui décident de son sort. Ils se sont emparés du pouvoir et se sont maintenus sans en assumer la responsabilité des résultats. Deux moyens ont été mis en œuvre : la carotte et le bâton c’est à dire l’argent et le fusil.

L’un ne va pas sans l’autre ; le fusil sans l’argent se rouille ; l’argent sans le fusil se dénude. Chemin faisant, on découvre la violence aveugle du fusil et le pouvoir corrupteur de l’argent. Après la décennie noire et les années fric, la société civile et les partis dits d’opposition sont aujourd’hui dans l’incapacité congénitale de décider par elle-même. Elle fonctionne aux ordres. Ne disposant pas de libre arbitre, elle devient un corps amorphe sans âme, sans adhésion, sans stratégie, sans conviction, sans finances. Aucun média, aucun parti, aucun syndicat, aucune association ne vit en dehors des subventions de l’Etat c’est-à-dire des recettes pétrolières et gazières.

Les relations avec le pouvoir sont toujours personnalisées. Le pouvoir effectif est détenu par une élite homogène non élue qui peut agir à l’abri des regards et du contrôle de l’opinion publique. Les hommes faisant partie de ces groupes ont reçu la même éducation. Ils partagent les mêmes valeurs, les mêmes critères de sélection, de reconnaissance et de promotion. Ce qui crée entre eux des liens de compréhension et de confiance mutuelle et d’intérêts réciproques, entretenu par la continuité de leurs relations familiales, régionale ou de compagnonnage.

Tout régime de pouvoir minoritaire ne survit qu’en raison des carences, des inerties ou des divisions de la majorité des citoyens. La véritable expression de la volonté populaire, ce n’est pars le bulletin de vote, c’est le refus de produire. Tout régime suppose à la fois la maîtrise de la production matérielle et la prise en mains de l’Etat. En occident, toute la vie s’organise autour de la production.

En Algérie, tout se déroule autour de la rente pétrolière et gazière et de l’endettement qu’elle procure. Le développement en Algérie n’est pas l’élévation du niveau de vie de la population mais le renforcement de la puissance de l’Etat. Luxe extrême et dénouement total se côtoient au quotidien. C’est parce que le développement a été conduit par l’Etat et non pas de vrais entrepreneurs privés que la croissance a aggravé l’injustice.

Employeur quasi-exclusif, régentant le partage des consommations collectives et privées fixant le niveau de consommation disponible, édifiant la corruption au rang d’une valeur première, l’autorité ne peut être que despotique.

L’Etat ne s’oppose pas à la dépense, il en est la source. Tout se passe, comme si faute d’accorder des terres en apanage à ses vassaux, le pouvoir concédait de nouvelles prébendes, en dotant ses proches ou ses alliés de postes dans l’administration ou à la tête des entreprises publiques. Tout l’argent public est allé s’investir dans des projets grandioses, tandis que les tâches traditionnelles du gouvernement étaient sacrifiées.

L’agriculture qui n’est pas considérée comme un facteur de puissance nationale a été ignorée. L’Algérie n’a pas manqué de justifications pour instaurer un pouvoir fort mais certains gouvernements se sont révélés plus prédateurs qu’éclairés et n’ont pas apporté ni développement ni démocratie Par erreur ou par calcul, les dirigeants politiques enferment leur peuple dans une stagnation qui n’est pas totalement inévitable. Il y a eu une confiscation de la rente énergétique au profit de l’édification d’un puissant Etat central et d’une population urbaine plus ou moins parasitaire. Paradoxalement, c’est au sein de l’Etat que naissent des vocations entrepreneuriales. L’accès aux capitaux ou aux technologies est moins difficile que l’obtention des informations, des aides, une assistance financière, des autorisations, des passes droits.

L’embryon du secteur privé est donc lié à l’administration, les dérapages corrupteurs en sont le prolongement. Que proposent les dirigeants algériens ? Un langage ennuyeux et technocratique, un libéralisme mal compris et mal assimilé, voire mal appliqué ou aux résultats trop lents pour être perçus. La crise provient de ce que l’ordre ancien est mourant alors que l’ordre nouveau n’a pas encore vu le jour et n’a pas trouvé de partisans actifs. Pour la majorité des algériens, l’avenir prend généralement la forme d’un appartement dans un immeuble collectif.

L’Algérie a la terre, elle a les hommes. Ce qui lui manque, c’est une bonne politique. A mesure que la génération de novembre se retire du pouvoir pour laisser place à des dirigeants moins charismatique mais plus raisonnables, les mythes bureaucratiques reculent.

Il faut penser sérieusement à réinventer l’Etat en Algérie pour ne pas rééditer indéfiniment les mêmes expériences malheureuses. On apprend plus de ses échecs que de ses réussites. Il est facile de se tenir avec la foule. Il faut du courage pour rester seul. Il y aura toujours dans la foule un crétin qui, sous prétexte qu’il ne comprend pas, décrétera qu’il n’y a rien à comprendre.

La foule est la bête élémentaire, dont l’instinct est partout, la pensée nulle part. « Céder une fois à la foule c’est lui donner conscience de sa force et se condamner à lui céder toujours » Gustave Lebon.

Dr. A. Boumezrag

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