19 avril 2024
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Non à la guerre au Maghreb !

TRIBUNE

Non à la guerre au Maghreb !

Le voyage d’Anouar Sadate à Tel Aviv en 1977, suivi des Accords de « Camp David » qui ont donné lieu à la première « normalisation » des relations entre l’Egypte et l’Etat d’Israël, a conduit à la création du « Front du Refus et de la Fermeté » comprenant l’Irak, la Syrie, le Yémen, la Libye, l’OLP et l’Algérie.

De ce Front dont l’activité a été essentiellement verbale, il n’est resté debout sur ses deux pieds que l’Algérie. Les cinq autres ont été réduits à l’état d’estropiés, d’handicapés pour le restant de leur existence en tant qu’Etats, et leurs peuples ne retrouveront jamais la tranquillité, les illusions et les certitudes d’antan.

Après l’affaiblissement durable du Moyen-Orient, le tour du Maghreb est venu. Israël n’a pas mis le pied en Afrique du Nord pour favoriser son unité, mais pour la rendre à jamais impossible. L’Algérie est dans son viseur, elle est sa prochaine cible alors qu’elle a atteint le summum de l’inconscience et de l’incompétence avec un pouvoir relié à son peuple par 4% des voix électorales, une économie à bout de souffle qui rendra l’âme avec la fin prochaine des réserves de change, et des frontières fragilisées avec le Mali, le Niger, la Libye et le Maroc. 

Sombre tableau auquel s’ajoutent des relations internationales en sa défaveur à en juger par l’enlisement du dossier du Sahara occidental dans les diatribes de l’enceinte onusienne, et les percées réalisées à l’échelle arabe et africaine par les « Accords d’Abraham » qui ont notamment fait d’Israël, grâce au Maroc, un pays frontalier. La différence entre les « Accords de Camp David » et les « Accords d’Abraham » c’est que les premiers avaient pour but « la paix contre la terre », alors que les seconds, selon les propres termes de leur initiateur, Benjamin Netanyahou, ont pour but « la paix contre la paix grâce à la suprématie militaire israélienne ».  

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Le pouvoir algérien pense-t-il, avant tout, à redresser sa situation politique intérieure et son économie avant que le feu ne soit mis aux poudres ?  Non, il a durci son « Refus » de regarder en face sa réalité interne, et renforcé sa « Fermeté » envers ses citoyens en croyant que les problèmes se régleront d’eux-mêmes.

Le risque de guerre qui planait sur les deux Etats à cause de l’affaire sahraouie depuis près d’un demi-siècle vient de passer de 1 à 9 sur l’équivalent de l’échelle de Richter. Ni l’Algérie ne voudra la déclencher, ni le Maroc, mais les intérêts supérieurs d’Israël les y pousseront bon gré mal gré. La guerre impliquera au départ quatre belligérants, l’Algérie et le Polisario d’un côté, le Maroc et Israël de l’autre, auxquels se joindra une « coalition arabe, africaine et occidentale » pour les soutenir. L’Algérie pourra compter sur ses fournisseurs traditionnels d’armes, mais aucun pays ne viendra combattre à ses côtés.

Si elle fera mieux que la Syrie de Bachar et l’Irak de Saddam face à la coalition internationale (dont a fait partie le Maroc pour l’Irak en 1990), mieux que les « Houthis » face à la coalition du Golfe (dont a fait partie le Maroc entre 2015 et 2019), et le Hezbollah et Hamas face à Israël, l’Algérie n’en sera pas vainqueur et aucun pays de la région n’en sortira indemne.

La question qui se pose depuis la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc est de savoir qui des deux sera le plus grand perdant. Nous sommes en plein dans la vieille diplomatie arabo-berbère de « J’accepte qu’on me crève un œil si mon voisin perd les deux ». C’est la référence mentale des Etats et des citoyens de la région : c’est à qui contrarier l’autre, l’appauvrir et se réjouir de ses malheurs. L’Algérie y est arrivée en excellant dans la diplomatie des causes perdues, et le Maroc en empruntant le chemin de la diplomatie des causes injustes. « Vous voulez nous enlever le Sahara ? Nous vous enlèverons la Kabylie ! ». « Vous installez Israël à nos portes ? Nous installerons la Russie, la Chine et l’Iran en face de l’Europe ! »

Attaques sournoises, agressions verbales et représailles de diverse nature doivent cesser entre les deux pays. Les peuples algérien et marocain doivent entrer en jeu pour casser le cercle vicieux dans lequel les font tourner leurs dirigeants comme des bourriques depuis 1975. Si la guerre éclate, ils se retrouveront perdant-perdant, dans une barbarie de tous les diables. Ils seront voués à une guerre de gueux où les uns auront les traits des djihadistes talibans, et les autres les traits des djihadistes de « l’Etat islamique du Khorassan », chacun étant persuadé d’être plus proche des voies et des vœux de Dieu que l’autre. 

Il est plus facile d’allumer une guerre que de construire la paix. Gardons-nous de dire comme les nationalistes Trumpistes avant la lettre du XIXe siècle, « Qu’elle ait tort ou raison, c’est ma patrie » ; comme Albert Camus pendant la guerre d’Algérie, « Entre la justice et ma mère je choisis ma mère » ; ou comme Boumediene déformant le sens d’un hadith qui disait juste l’inverse de ce qu’il avait compris, « Nous sommes avec la Palestine « dhalima » ou « madhlouma !». Israël lui retourne aujourd’hui la politesse : « Nous serons avec le Maroc coupable ou innocent !».

Ce n’est surtout pas le moment de se lancer des défis tel que celui jeté par Pharaon à Moise, ou que l’un mette l’autre au défi de « Sortir de ses rangs les plus braves pour se mesurer aux nôtres ! » lancé par Otba Ibn Rabi’a lors de la bataille de Badr à la petite troupe musulmane.  Les peuples algérien et marocain ne sont ni les magiciens de Pharaon, ni les Koraïchites du paganisme, mais des frères de même souche, des voisins depuis des millénaires, des gens raisonnables et non des têtes brûlées prêtes à s’anéantir mutuellement pour rien.

Ils doivent se distinguer par des gestes inédits comme échanger leurs drapeaux, porter et embrasser celui de l’autre au lieu de le piétiner ou de le brûler, remplacer les nuées de « mouches électroniques » sur les sites, les vidéos et les réseaux par des essaims d’ « abeilles électroniques » productrices de messages bienveillants, et manifester ensemble et partout où c’est possible en faveur de l’Union des peuples du Maghreb.

Leurs élites pensantes, leurs sociétés civiles, leurs citoyens, ne doivent pas ajouter à la fermeture des frontières terrestres la fermeture de leur cœur et de leur raison, mais les ouvrir comme jamais auparavant. Ils doivent regarder loin, au-dessus des épaules de leurs dirigeants s’il le faut, par-delà le visible et le prévisible, jusqu’à arriver à dessiner, ne serait-ce que par l’imagination, les contours d’un Maghreb sans frontières intérieures et avec une monnaie commune, suivant le modèle européen. 

Nous n’avons pas besoin de médiation extérieure, les meilleurs médiateurs sont tout indiqués, ils sont déjà sur place et ce sont les peuples marocain, algérien et sahraoui pour peu qu’ils soient convaincus de la nécessité d’opposer au risque de guerre, représenté par Israël en accord avec quelques grandes puissances, une farouche volonté d’un avenir commun. 

La solution au problème sahraoui pourrait jaillir de ce nouvel état d’esprit collectif sous la forme d’un compromis inattendu après l’échec de la politique du « tout ou rien » représentée par le « Référendum d’autodétermination » ou rien, défendu par le Polisario depuis 1975, et I’ « Initiative marocaine pour un statut d’autonomie pour la région du Sahara » ou rien, soutenue par le Maroc depuis 2007.

Auteur
Nour-Eddine Boukrouh

 




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