Dimanche 17 janvier 2021
Notre drame, nos drames !
« Notre désert culturel est infini, il est cette Algérie intime même : les libraires se meurent, vaincus, livrés à eux-mêmes, comme moi, au fond du trou !
Figure-toi qu’aucun livre de bons faits n’a pu traverser la Méditerranée depuis 2017! Le confinement commencé en 2020 n’y presque pour rien, crois-moi. Car, c’est toujours pareil chez nous, la culture est la cinquième roue de charrette d’un système à bout de souffle.
C’est hallucinant comment (Takachouf) l’austérité frappe déjà à nos portes et à nos poches, alors qu’elle épargne ceux qui ont mis à bas notre Algérie! » Voilà un tout petit témoignage de l’un de nos libraires, transmis à son ami, qui le reposte, affligé sur les réseaux sociaux.
L’internaute écrit alors, en commentant avec amertume cet aveu sorti des tripes de son copain, féru de la culture : « C’est l’avis d’un homme du métier, las, dégoûté, assis dans la pénombre de son espace pratiquement vide, sinon vidé, en agonie, en train d’attendre en vain une étincelle d’espoir dans un ciel gris ! Un être pris de désespoir, soulageant avec des mots une déchirure béante. Une déchirure à l’image d’un désastre, d’une ruine. »
Tout est résumé dans un simple commentaire, un tantinet poétique, sur le drame qui pèse sur nos têtes en Algérie. Un pays où le livre n’a plus aucun poids dans l’espace public, où les journaux s’effacent de plus en plus de la scène, où les artistes s’éteignent marginalisés, et où les rares lecteurs et acteurs culturels qui se trouvent sur le terrain perdent espoir face à la rareté des espaces d’échanges, de bibliothèques, de librairies, ou de livres tout court.
Un simple retour sur les statistiques renseigne sur le fossé que l’on creuse dans l’esprit de notre société, pour lui faire subir à son corps défendant, le rituel dogmatique du « système d’abrutigentsia ». En 2016 par exemple, le budget de la culture est estimé à moins de 16 milliards de dinars (environ 300 millions de dollars), alors que celui de la défense nationale, pour la même année est de l’ordre de 1 118 milliards de dinars (soit 10 milliards de dollars)!
En termes clairs, le quart du budget de fonctionnement de l’Etat est affecté à l’achat des armements et des munitions de guerre. Or, peut-on mieux défendre son pays sans l’arme de la culture? Peut-on édifier un pays développé et moderne, sans l’apport de la culture?
Peut-on éduquer sa société, sans la lecture, la culture, l’école et l’université? Questions qui restent, paraît-il, à reposer éternellement, dans un pays en perte de repères!