Lundi 27 mai 2019
« Nous avons été les harkis du système » (*) : Yetnahaw ga3
Un jeune Algérien, chômeur de profession, artiste de vocation, poète à l’occasion, adossé au mur à la fleur de l’âge aurait dit : «Je ne suis pas né au milieu d’une palmeraie, mais j’ai la grandeur, la droiture et l’humilité d’un palmier, plus un palmier s’élance vers le ciel, plus ses palmes s’inclinent devant la volonté divine».
La génération de novembre qui a libéré le pays (la terre de l’occupant étranger et non le peuple de toute oppression) a épuisé son capital de sympathie, elle est devenue par la force des choses l’obstacle principal du développement et de la démocratie. Cette génération est discréditée moralement et professionnellement. En dehors des ressources pétrolières et gazières, elle ne peut point gouverner. Elle tient au pouvoir que lui confèrent les recettes du pétrole comme elle tient à la vie. Elle manque d’ouverture d’esprit et de maturité affective.
Au crépuscule de sa vie, elle est dans l’incapacité physique et mentale de céder pacifiquement à la génération de l’indépendance le pouvoir de disposer de leur pays. Une tête bien blanche ne fait pas nécessairement une tête bien saine et encore moins bien pleine. « La valeur n’attend point le nombre des années », dit-on.
Les jeunes n’ont pas de pays de rechange, ni passeport diplomatique, ni comptes à l’étranger. Ils vivent, étudient, se soignent en Algérie. Ils souffrent en silence. Ils n’ont que leurs bras pour travailler, leur cerveau pour réfléchir et leur foi en Dieu pour survivre, la paix dans l’âme et l’esprit en éveil. Un pays qui leur a été confisqué par leurs aînés. Des aînés qui ont pour certains la patrie libérée dans leurs poches trouées, alors que les jeunes dans leur grande majorité ont le pays en détresse profondément ancré dans leurs cœurs meurtris. Antoine de Saint-Exupéry disait « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».
L’Algérie appartient à toutes les générations, les hommes sont mortels, nul n’en a la propriété exclusive et encore moins éternelle. « Quand dans l’œuf, le poussin arrive à maturité, s’il veut vivre, il doit briser la coquille. Or les jeunes veulent vivre. Evidemment la coquille résiste mais le poussin s’agite depuis longtemps mais il naîtra… » .
Il est finalement né un certain 22 février 2019 non pas dans la douleur mais avec le sourire, son premier cri « silmya ; sylmiya ». Une fois qu’il a vu le jour,, il s’est mis à marcher sur ses deux pattes. Ce qui ne fût le cas de leurs aînés qui ont marché toute leur vie « sur leur ventre » sans jamais se redresser. Tel des animaux domestiques, ils se font servir par leurs maîtres. Terrible est l’épreuve infligée par Allah à la communauté musulmane ; l’argent. L’argent facile fascine et conduit tout droit à l’enfer et nul n’est à l’abri. Nous sommes au crépuscule de notre vie et la mort peut nous surprendre à tout moment. Que dire face à son créateur si la mort nous surprend sans être soumis à lui car la mort n’est pas un échec de la vie mais un passage vers l’autre vie.
L’Algérie serait-elle un paradis pour tous ceux qui vont en enfer ?; Il n’y a pas de gens riches dans l’Algérie indépendante, il n’y a que des pauvres devenus riches par la grâce du pétrole et du gaz.
«Dans un pays d’injustice, les honnêtes gens sont soumis aux lois des corrompus ». La corruption est un fertilisant pour les dictatures et un poison pour les républiques. Les riches autochtones de la période coloniale ont été éradiqués au nom d’une certaine « révolution agraire » qui a enterré le travail de la terre et ouvert la voie à une dépendance alimentaire suicidaire. Le pétrole est un don de dieu et non un produit de l’homme. Il appartient à tous.
Par conséquent, toute propriété d’une minorité doit être légitimée par la majorité. La propriété privée est le prolongement du droit à la vie. Elle limite les violences sociales. Le droit de propriété est réducteur d’incertitudes et producteur de sécurité.
Par conséquent le premier devoir d’un Etat est de produire la paix civile laquelle passe par la légitimation du droit de propriété lequel est concomitant à un autre droit celui de l’emploi. Si l’un peut détenir des biens, l’autre doit disposer d’un emploi. La main droite a besoin de la main gauche pour travailler et produire. C’est cela une économie moderne. C’est cela un Etat de droit. Et cela ne tombe pas du ciel. La reconnaissance de fortunes privées par la société passe nécessairement par la production de biens et services destinés au marché local et par la création massive d’emplois durables destinés aux jeunes qui forment la majorité de la population.
L’Etat postcolonial a fait la preuve de son inefficacité dans la conduite du développement, par la dilapidation des ressources rares (énergie fossile, terres agricoles, force de travail, etc…), la démobilisation de la population et la fragilisation des institutions minées par la corruption et le népotisme.
L’Etat en Algérie est à réinventer. La ruse qui a fait ses preuves dans la lutte de libération a échoué dans la construction du pays.
L’inertie des vieux doit céder sa place à la vivacité des jeunes. L’Algérie doit se débarrasser de la peau du renard pour revêtir celle du lion. Un récit de ma grand-mère est édifiant « Il était une fois, me disait-elle un bourricot a revêtu la peau d’un lion et décide de se rouler sur les champs de blé, les paysans l’ayant aperçu de loin se sont enfui abandonnant leur récolte.
Un beau jour de disette, ils s’armèrent de courage et décidèrent de l’affronter. Sur leur chemin, ils découvrirent la peau d’un lion et voient au loin un âne qui broute de l’herbe, ils se mirent aussitôt à courir à ses trousses qui se sauve en ricanant ».
Déçu par tant de forfaitures et de lâchetés, un jeune poète algérien aurait poussé ce cri de désespoir : peuple algérien : pleure comme une femme un pays que tu as libéré par le sang mais que tu n’as pas su construire par la sueur.
Tu as succombé à la tentation de l’argent facile. Tes larmes ne te serviront à rien. Retrousse tes manches. L’Algérie est un vaste pays avec un beau visage. Chaque région est une partie de ce visage. Qui aimerait sacrifier ou amputer toutes les autres parties pour ne laisser que le front (la côte méditerranéenne) ?
Que vaut le front sans les yeux, les oreilles, le nez, la bouche ? Que vaut l’Algérie sans le Sahara ? Sans la Méditerranée ? Sans la Kabylie ? Sans les Aurès ? Sans le M’zab ? Sans le Hoggar.
Le club-des-Pins n’est pas l’Algérie. C’est une exterritorialité. Il faut un passeport diplomatique pour y accéder. Le passeport vert n’y donne pas droit. Il a la couleur du paradis et l’amour de la patrie.
A. B.
(*) Sid Ahmed Ghozali