Dimanche 30 juin 2019
Novembre éclaboussé
On ne peut pas raisonnablement convoquer à chaque discours les héros de la lutte contre le colonialisme et s’en prendre à ses meilleurs fils.
Samedi matin, la famille de Mohamed Boudiaf a été empêchée de se recueillir sur la tombe de l’ancien chef d’Etat assassiné sous les yeux des Algériens un certain 29 juin 1992.
Un cordon sécuritaire a été déployé pour surveiller les morts et brider les vivants. Mohamed Boudiaf, un des six chefs de la Révolution a dû se retourner dans sa tombe pour la énième fois en voyant sa famille interdite de recueillement.
On croyait ces pratiques du seul règne du clan Bouteflika. Mais nous découvrons, les naïfs que nous somme, qu’elles sont dans le système. Voire l’ADN du système même.
Comme une ignominie ne suffisait pas, dans l’après-midi de la même journée de samedi, un autre symbole de Novembre 1954 est traîné dans la boue. Le commandant Lakhdar Bouregaâ, officier de la wilaya IV historique, a été embarqué sous les yeux de sa famille comme un vulgaire voyou par des policiers en civil. Lakhdar Bouragaâ, membre fondateur du FFS, opposant à Ben Bella a connu les geôles et la torture sous le règne de Houari Boumediene.
Les parangons de Novembre sont souillés, éclaboussés et leur dignité foulée au pied avec un cynisme souverain. En une journée, les tenants du pouvoir ont montré toute l’estime qu’ils portent pour Novembre !
Désormais on nage dans la paranoïa. Les prisons sont la dernière halte de toute voix qui dénonce l’autoritarisme qui s’installe.
Vendredi 28 juin, une insupportable chasse aux porteurs de l’emblème amazigh a été organisée à Alger. Des femmes, des adolescents et des élus ont été malmenés par des policiers venus en force et particulièrement nerveux. Des manifestants arrêtés pour avoir pour avoir été détenteurs de l’emblème amazigh. Rien que ça ! Dans l’Algérie post 22 Février, l’amazighité doit se vivre cachée dans l’intimité du foyer. Toute expression ostentatoire par le drapeau ou autre signe est passible d’arrestation. Ainsi a décidé Gaïd Salah
A la lumière des derniers développements, nous sommes fondés de croire que le général-major Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et président de fait depuis le débarquement de Bouteflika, s’est affranchi de tout ordre constitutionnel. Il est le pouvoir dans toute sa verticalité. Ses discours empreints de paternalisme, ses bons mots invoquant la compréhension et ses annonces de dialogue ne sont en réalité que ruse pour endormir les Algériens.
La méfiance la plus vigilante est de mise, car chaque semaine qui passe montre les vrais desseins de ce vieux général qui invoque la Révolution de Novembre pour mieux humilier ses plus grands acteurs. Il parle du Hirak pour finalement l’étouffer.
Que fera l’institution militaire ? Aura-t-elle toujours le doigt sur la gâchette face au peuple ? Ou écoutera-t-elle cette lame de fond qui agite l’Algérie dans ses tréfonds les plus intimes ?