Vendredi 26 juin 2020
« Odysséennes » de Habib Tengour
« Sais-tu de quoi sera fait ce jour et s’il s’agit bien d’un jour
Ensoleillé ou avec de la pluie peu importe
Demain
Pourvu qu’il y ait du temps à passer
Un messager à attendre comptant les intervalles
Jour comme au temps où la ville palpitait
Des désirs adolescents »
Sont-ils de nouveau parmi nous ? C’est toute la question que pose les Odysséennes, le nouveau recueil de Habib Tengour paru aux éditions puntoacapo situées à Pasturana dans le Piémont italien. Le recueil est donc en deux langues, le français et l’italien, sur une traduction de Fabio Scotto, lui-même poète.
Alors, sont-ils revenus ? Parce qu’ici, il est bien question d’Ulysse, de la nymphe Calypso et d’Agamemnon, roi de Mycènes. S’il est vrai que la poésie authentique est toujours nostalgie de l’absolu, elle devrait trouver, parmi les lecteurs, un accueil fraternel.
Or, c’est un poète véritable, dont l’œuvre depuis longtemps, s’affirme et s’amplifie, selon sa loi propre qui est celle de la vertu du travail bien fait, qui en appelle à « Des images qui durcissent sur la vitre/Avant explosion à la figure », après avoir évoqué, comme la terre promise de l’âme et du langage réunie, « Les flammes et la vague parlent/ Dans ta bouche une langue évidente/Aux enfants accroupis aux portes de / L’abattoir guettant passage des camions gorgés de grappes. »
Ainsi, c’est autour de quelques images-clés que s’organise ce voyage initiatique semé d’embûches, voyage porté essentiellement par les femmes. Circé, Hécube, Héléna et Pénélope seraient-elles algériennes ? La figuration verbale de l’inspiration poétique prend naissance à l’époque antéislamique : parce que Habib Tengour affectionne les chants des sirènes et leur écho qui résonne au pays d’Eschyle. Il y a dans ce dernier recueil, comme pour en rythmer la structure symbolique « ce déséquilibre à l’affût parmi tant d’épaves /De l’habileté et être patient pour construire ». Et le prélude en est à célébrer « Les morts anonymes / ceux que célèbre un système / Enclin à l’euphorie des martyrs ».
Soutiendra-t-on encore que la poésie est inutile en un temps qui ne reconnaît que l’efficacité de l’action ? Ce serait nier un des langages essentiels de l’homme. En aucun temps, la tâche de la parole, dans sa forme la plus poétique, qui est celle de la figuration symbolique, ne peut être épuisée. Il est bon que la poésie s’enracine dans le passé le plus mythologique, si riche de découvertes et d’expériences, pour redire l’histoire éternelle d’Ithaque qui conduit de la création à la réhabilitation.
Kamel Bencheikh
Odysséennes/Odissaiche de Habib Tengour
Traduction et postface de Fabio Scotto
Editions puntoacapo, octobre 2019