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Abdelaziz Bouteflika hospitalisé à la clinique d’Alembert de Grenoble

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Abdelaziz Bouteflika hospitalisé à la clinique d’Alembert de Grenoble

Abdelaziz Bouteflika doit rester hospitalisé plusieurs jours en vue d’une éventuelle intervention chirurgicale, révèle « le Dauphiné libéré ». 

L’information est à mettre en premier à l’actif du journal local Dauphiné Libéré. Ce journal qui avait interviewé son médecin traitant, le cardiologue Jacques Monségu, en décembre 2014, évoquaitses liens d’amitié avec le président algérien et, un fait important, ses problèmes cardiaques : « C’est particulier, la médecine du cœur. Il y a une symbolique puissante qui arrive à créer des liens très forts entre les soignants et les patients. Le cœur, c’est la vie. Alors oui, je peux dire que j’ai des liens d’amitié avec le président algérien ».

Dans l’après midi, un communiqué laconique de la présidence, reprit par l’APS, évoquait un déplacement du président algérien à Grenoble pour « une visite privée ». Dans la foulée, le communique poursuit que le chef de l’Etat « effectuera des contrôles médicaux périodiques ».

Il y a quelques jours, le tout nouveau secrétaire général du FLN annonçait que les Algériens allaient avoir une surprise très bientôt poursuivant que le chef de l’Etat va se remettre sur pied.

Auteur
Hebib Khalil

 




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Les crânes de résistants algériens et les augures d’Ould Abbès

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Colonisarion

Les crânes de résistants algériens et les augures d’Ould Abbès

Cette année comme toutes les précédentes, le FLN a ressorti ses admonestations à l’occasion du 1er Novembre. 

Si ça continue comme ça le FLN versus Ould Abbès va nous faire regretter celui d’Amar Saadani et ses coups de menton. Ya de quoi s’en inquiéter ! Ould Abbès est dans un autre registre que l’ancien porte-flingue du clan. Il a, lui, l’humilité d’une arriviste qui se démultiplie pour prouver sa fidélité.

Dès l’entame de sa mission, le tout nouveau SG du FLN a lancé un pronostic prometteur. Affaibli par la maladie et sans doute l’âge, le chef de l’Etat va remarcher bientôt, augure Ould Abbès. On ne sait pas si c’est de cette information qu’il parlait quand il a déclaré quelques heures seulement après sa désignation à la tête du FLN que Bouteflika allait faire une importante annonce ! En tout cas, les derniers téléspectateurs de l’unique et des chaines clonées du pouvoir ont bien vu le président se recueillir à El Alia toujours sur son fauteuil sans néanmoins prononcer la moindre déclaration. Et la traditionnelle cérémonie d’accueil des moudjahidine a plutôt été dévolue au premier ministre.

En attendant de voir l’oracle d’Ould Abbès se réaliser, le citoyen lambda croyait sans doute que c’était l’Algérie qui allait enfin se remettre en marche ! Peine perdue, celle-là attendra le cinquième mandat pour lequel on nous rabat étrangement les oreilles depuis seulement quelques jours.

Il faut avouer que cet ex-ministre qui se revendique médecin fait donc mieux que Saadani. C’est le grand âge ! Il inaugure son mandat par des bonnes nouvelles et se fait diseur de bonnes aventures. Ce qui va sans doute plaire à ses donneurs d’ordre, par ailleurs très sourcilleux sur les questions de loyauté.

A la faveur de Novembre, on a assisté au regain de la surenchère mémorielle. Le temps d’une journée les caciques du FLN nous ressorti leurs vieux discours patriotards pour nous faire croire qu’ils sont toujours les seuls détenteurs du nationalisme. En mal de mobilisation désintéressée, le parti-Etat surfe sur les discours nationalistes. Le 1er novembre encore une fois, le FLN, en plein cessez-le-feu interne, a réclamé des excuses de la France. La ficelle est usée à force de la resservir à chaque occasion de fêtes nationales.

Quand Le Matindz a relayé l’appel lancé par le chercheur et historien Farid Ali Belkadi, le 27 mai 2011, pour la restitution par la France des 37 crânes de résistants algériens (*), il n’y avait pas grand-monde à nous soutenir. C’était le silence radio à tous les étages !!! Le FLN, comme d’ailleurs les autorités ont ignoré superbement l’appel. Le ministre des Moudjahidine de l’époque avait fait montre d’une grande indifférence. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, le FLN profite de la célébration du du 1er Novembre 1954 pour lancer un appel aux autorités françaises et reprendre de fait l’ancien appel lancé par Farid Ali Belkadi au printemps 2011.

Le FLN a un train en retard. Et la déclaration sent le réchauffé, tant l’affaire des crânes de ces valeureux résistants algériens qui font partie d’une collection du musée de l’Homme de Paris remonte au siècle dernier.

Par ailleurs, au lieu de pleurnicher à longueur de commémorations, il eut été plus sérieux que les autorités fassent une demande officielle de restitution des restes mortuaires des dizaines de résistants algériens, actuellement conservés dans les musées français. Une loi adoptée par le parlement français préconise déjà « la restitution de toutes les têtes maories détenues en France ». Pourquoi pas les restes des dépouilles des Algériens ? Ne méritent-ils donc pas de se reposer enfin sur la terre pour laquelle ils sont morts ?

Auteur
Hamid Arab

 




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Retour sur l’infatigable militant des causes justes

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Yaha Abdelhafidh :

Retour sur l’infatigable militant des causes justes

 

Si Lhafidh est né le 26 janvier 1933 dans le village Takhlijt At Atsou, de la tribu d’At Illilten (commune Iferhounène). Il rejoint le mouvement des scouts assez jeune.

En 1949, il émigre en France en compagnie de père Bachir Yaha. Il rejoigne Charleville-Mézières (Ardennes) où il y avait une forte communauté kabyle auprès de laquelle il forgera son parcours de militant. «Les cafés algériens étaient des foyers d’agitation nationaliste. Nous nous y retrouvions pour discuter du pays en toute confiance. Le café de la famille Belkacem Aït Abdelaziz était particulièrement animé. Il recevait souvent l’immense chanteur Slimane Azem. Quand il venait c’était toujours la bousculade dans le café. Ses soirées étaient synonymes de convivialité et de grande nostalgie pour les émigrés. Ses chansons nous transportaient au pays, l’espace d’une soirée», témoigne-t-il dans le premier tome de ses mémoires.

Il prend part aux manifestations organisée par le MTLD et s’implique corps et âme dans l’organisation.

En septembre 1954, il rentre au pays pour prendre part au déclenchement de la guerre de libération. Il avait 21 ans. Très vite, il prend contact avec les militants nationalistes de la région de Ain El Hammam, dont Amar Ath Cheikh, une des chevilles ouvrières de l’organisation de l’ALN les premières années de la guerre. Dans la foulée, toute la famille Yaha entre en guerre aussi. Leur maison est devenu un refuge connu et sûr pour les moudjahidine. Pas seulement, la modeste fortune de la famille aussi est mise au service de l’ALN/FLN. Bachir devient chef de refuge pendant celui qui deviendra le célèbre Si Lhafidh cours les villages et les maquis pour organiser, monter des embuscades et faire régner l’ordre révolutionnaire. Il acquière vite une réputation de grand baroudeur, mais aussi et surtout celle d’un homme juste mais intraitable.

L’une de ses opérations les plus spectaculaires est la liquidation du terrible administrateur de la ville de Michelet, Bighetti de Flogny en avril 1956. Alors que la ville grouille de soldats, Si Lhafidh a réussi à éliminer cet administrateur et à sortir de la ville. Ce ne sera pas le seul fait d’armes de cet officier.

En 1958, il sera l’un des rares responsables de la wilaya III à se dresser contre les purges de «la Bleuite». Il n’a pas hésité à interpeler le colonel Amirouche et le prévenir sur les assassinats de moudjahidine sous les ordres du capitaine Mahiouz.

«Que de sang ! Que de larmes avaient coulé suite à cette tragique affaire. La «Bleuite», nommée ainsi en référence aux militants du FLN habillés en bleu de chauffe après qu’ils eurent été retournés par les hommes du général Massu pendant la bataille d’Alger avait causé une grave saignée dans les rangs des maquisards, des mousseblines et des civils en wilaya III», a-t-il écrit dans le premier tome de ses mémoires en parlant de cette terrible purges, sans doute l’une des plus tragiques de la Révolution. Sa dénonciation des liquidations et son refus d’obtempérer aux ordres a failli lui coûter la vie. C’est un colonel Amirouche patelin et attentif qui l’a accueilli pour écouter Si Lhafidh lui expliquer que la purge qui avait lieu était en train de viser les meilleurs éléments de la wilaya.

L’épisode est très peu connu. Seul Salah Mekacher a raconté succinctement cette séquence dans son livre « Aux PC de la wilaya III ».

Dans le premier tome de ses mémoires, il raconte l’opération Jumelles qui a laissé la wilaya III exsangue. En 1960, Si Lhafidh mène une attaque contre un poste militaire à Taskenfout, un village de Ain El Hammam. Avec ses hommes, il a réussi à emporter toutes les armes des soldats sans tuer un seul d’entre eux.

Quelques semaines avant la proclamation de l’indépendance, il mène une autre opération tout aussi spectaculaire contre le poste de harkis établi au village Aït Lqaïd. Là encore, il a réussi à vider le poste militaire de ses armes et à disparaitre dans la nature avec ses hommes.

Si Lhafidh c’était cette grande disposition à comprendre les hommes. Il était réputé pour son courage, sa détermination dans la lutte armée mais surtout cette capacité à dépasser toute formes de violence, à pardonner. Au maquis, on disait de lui qu’il était comme le sucre.

La séquence des lendemains d’indépendance le marquera à jamais. Il se rappellera jusqu’à la fin de ses jours ces cortèges de veuves et d’orphelins qui venaient au PC de la wilaya III pour quémander à manger. Il estimera que les survivants des maquis ont failli à leur parole.

La prise de pouvoir autoritaire menée par le clan d’Oujda l’a convaincu de reprendre le chemin de la lutte. Moins d’un an après l’indépendance, il sera l’un des hommes clés de la naissance du FFS en septembre 1963.

Après la démission du colonel Si Mohand Oulhadj du FFS, en octobre 1963, Si Lhafidh s’impose comme l’un des importants chefs du FFS. Au cœur de l’affrontement armé avec le pouvoir de Ben Bella-Boumediene, il maintient l’unité des rangs du FFS et poursuit la lutte après que Hocine Aït Ahmed ait été neutralisé le 17 octobre 1964.

Au printemps 1965, il accepte de négocier le cessez-le-feu avec des représentants de Ben Bella. Au Si Lhafidh part à Paris rejoindre le colonel Saddek pour y dialoguer avec les représentants de Ben Bella. Ce dernier était disposé à reconnaître le FFS, selon les termes du contrat négocié, comme force politique. Le putsch mené par Houari Boumediene a remis en cause, en partie, les négociations.

A la fin 1965, il part en exil sur demande expresse de Hocine Aït Ahmed. A partir de là, un autre épisode de la lutte politique commence pour Si Lhafidh. Durant un quart de siècle, il restera l’opposant intransigeant avec le pouvoir. Après un différend avec Hocine Aït Ahmed, il rentre seul au pays en 1989 pour poursuivre son chemin politique.

Yaha Abdelhafidh a consacré les dernières années de sa vie à la rédaction de ses mémoires. Cette tâché lui tenait à coeur plus que tout autre chose. C’était sa dernière mission. Deux ouvrages qui résument tout son parcours sont publiés en Algérie et en France. Ses mémoires demeureront une source précieuse de connaissance de la guerre d’indépendance dans la wilaya III mais aussi un témoignage capitale sur l’histoire du FFS.

H. A.

Notes

« Ma guerre d’Algérie -Au coeur des maquis de Kabylie » tome I paru chez Inas édition en Algérie et Riveneuve Editions en France.

« Le FFS contre dictature » (tome II) es paru chez Koukou Editions.

Programme de la journée de 1er Novembre conscrée à Yaha Abdelhafidh au village Takhlijt Ath Atsou (commune Iferhounène)

9 h : prise de paroles et témoignages sur l’ancien officier de l’ALN et responsable du FFS. 
Dépôt d’une gerbe de fleurs sur le monument où repose l’ancien maquisard.
Chants révolutionnaires de la chorale du village Aourir U Zemour.
Visite du monument où reposent les 85 martyrs du village.
Les visiteurs auront aussi à découvrir la maison où a été arrêtée la cheftaine de la résistance kabyle Fadhma N Soumeur en 1851.
Enfin, il y a aussi la visite de la maison des Yaha qui a servi de refuge pendant la révolution.

Auteur
Hamid Arab

 




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Amar Saadani, la maladie de Bouteflika et la recomposition à venir

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DRS-Bouteflika

Amar Saadani, la maladie de Bouteflika et la recomposition à venir

Que s’est-il passé entre le 5 et le 22 octobre ? A la première date, C’était un Saadani, arrogant, suffisant, plein d’assurance qu’on avait entendu porter de bien gravissimes accusations contre plusieurs anciens responsables. Samedi, c’est un SG du FLN, un rien aigri, qui présente sa démission aux membres du comité central. Tout un chacun sait qu’en Algérie, un homme comme Amar Saadani ne se serait jamais permis des attaques aussi frontales contre Mohamed Mediene, l’ancien patron du DRS, et l’ancien premier ministre, le barbefln Belkhadem.

Amar Saadani a été « actionné » pour tirer sur ces individus. A quelle fin et pourquoi ce 5 octobre quand on sait que les deux hommes ont été écartés du pouvoir par le clan Bouteflika ? Cette sortie serait l’attaque de trop. Amar Saadani et ces donneurs d’ordre auraient perdu de vue qu’ils n’étaient pas seuls au pouvoir.

Il y aurait de profondes divergences parmi les héritiers du pouvoir, selon El Khabar. Des divergences qui font que désormais le FLN n’est plus le seul « porte-parole » de la présidence, comme il le fut un certain moment. Le journaliste parle de recomposition du centre du pouvoir. Il en veut pour preuve les affirmations d’Ahmed Ouyahia qui contredisent Amar Saadani et cette phrase d’Amar Ghoul, sénateur du tiers présidentiel, qui avancent que « les frères coalisés » ne prennent pas leurs ordres du « même bord du pouvoir ». Ce qui sous-entend une lutte de clans au sein des cercles aux affaires.

Deux éléments sont avancés. Jusqu’à récemment, Abdelaziz Bouteflika et son clan ont réussi à neutraliser l’armée en créant une scission entre l’Etat-major et le DRS. L’affaire de l’attaque de Tiguentourine aurait été déterminante dans l’issue de la lutte au sommet que menait Abdelaziz Bouteflika contre le général major Toufik Mediene. Ce dernier éliminé et envoyé à la retraite, le clan s’est cru tout permis. On se souvient des outrances lancées et entendues ici ou là, l’emprisonnement de généraux, etc. Voire même les attaques contre le premier investisseur privé, Issad Rebrab pour l’intimider. Dans le désordre, une espèce de lutte feutrée a vu le jour aussi au sein du clan sur qui va remplacer Bouteflika à El Mouradia. Chakib Khelil, reçu en grande pompe qui fait sa tournée des zaouïas, Amar Saadani qui prend de plus en plus de place dans l’espace politico-médiatique…

Le quidam est tenté de se poser la question : où est le sens de l’Etat dont nous rabat les oreilles Bouteflika depuis des lustres ? Nulle part.

L’Armée et les services entièrement remaniés observaient sans mot dire. Qui ne dit mot consent, pourrait-on dire. Que non ! La tournure des événements aurait commencé à agacer les généraux Gaid Salah et Bachir Tartag. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les dernières déclarations d’Ahmed Ouyahia et Amar Ghoul. Ces deux hommes se sont positionnés à l’opposée de Saadani.

En réponse aux déclarations d’Amar Saadani, le SG du RND dont on connaît la proximité avec l’armée, a lancé : « Quand certains parlent j’espère qu’ils n’oublient pas que derrière une personne, il y a des milliers d’agents, des officiers, sous-officiers et des djounouds. Ils sont aussi de l’armée nationale populaire. J’ai déjà répondu sur Ghardaïa, je ne suis pas d’accord avec le dernier discours ». Voilà qui signe le désaccord franc entre les deux. Quelques jours plus tard, Amar Ghoul prend le relais et accuse même Saadani de « semer de discorde ». Puis de préciser : « Les partis politiques qui s’attaquent à des personnalités et qui remuent le passé sont des perturbateurs. Ils veulent semer la zizanie et déstabiliser le pays ».

Si, il y a quelques jours encore, Amar Saadani se montrait droit dans ses bottes et déterminé à rester à la tête du FLN, samedi, il annonçait, contre toute attente, sa démission. Et « la désignation » surprise de Djamel Ould Abbès prouve si besoin est que rien n’est encore applani dans les sphères de décision. Ould Abbès est là juste pour chauffer le siège en attendant le prochain véritable patron et la désignation de celui qui sera désigné comme le candidat du pouvoir.

En vrai, cette nomination pose plus de questions qu’elle n’en résout. Elle souligne, au passage, une cristallisation dangereuse du pouvoir au sein de la tribu de Tlemcen. Faut-il rappeler outre Ould Abbès, deux noms Mourad Medelci (conseil constitutionnel), Abdelkader Bensalah (Conseil de la nation) à la tête de deux institutions stratégiques, sont natifs de cette région. Sans oublier les nombreux ministres, walis et autres huiles qui, à la faveur des quatre mandats de Bouteflika ont tenu ou tiennent encore les postes les plus sensibles du pouvoir.

Mais il y a encore plus troublant : ces soutiens traditionnels du clan comme Amar Benyounès qui parlent d’un cinquième mandat pour Bouteflika alors que le quatrième est à peine à sa moitié. Est-ce raisonnable d’évoquer une candidature d’un homme âgé de 79 ans particulièrement très diminué ? Pourquoi cette fièvre subite qui monte ?

Alorsque la crise frappe à la porte du pays, était-il nécessaire de remettre au centre des préoccupations actuelles la candidature d’un homme malade qui ne parle plus aux Algériens et ne fait plus de sorties publiques ? Ou y a-t-il une élection présidentielle anticipée qui se dessine pour 2017 ? Pour ajouter du mystère, le désormais Sg du FLN vient de se fendre d’une déclaration énigmatique : « Les Algériens doivent s’attendre à une grande annonce pour bientôt ».

Quel spectacle ! Quelle désolation !

Au milieu de ce fatras, fruit de nombreuses incertitudes et d’une conduite des affaires de l’Etat de plus en plus problématique, il y a une certitude : le système n’est pas prêt à lâcher du lest et le renouvellement de la classe dirigeante attendra. A moins…

Auteur
Yacine K.

 




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Une nuit « sanglante » nommée Bentalha

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Terrorisme

Une nuit « sanglante » nommée Bentalha

 C’est en septembre 1997 que survient le plus terrible des drames de la décennie noire, le massacre de Bentalha (sud d’Alger).

 Le peuple algérien y découvre l’indicible et une mort dénuée de tout sens. Les terroristes tuent systématiquement les individus qu’ils ont d’abord mis au ban de l’humanité. Plus de 400 personnes sont massacrées dans l’horreur la plus abjecte. Condamnées à disparaître comme un déchet, les victimes ont été « animalisées » avant d’être complètement anéanties dans des scènes qui expriment la négation de toute humanité. Il semble que les terroristes « encagoulés » aient décidé d’abattre les « mécréants ». Le but c’est de créer « un enfer fantasmé » tel que décrit dans les textes sacrés.

C’est ainsi que les cadavres s’amoncellent, alors que même des hélicoptères survolent le théâtre des événements sans vouloir intervenir. Des militaires apathiques face à la menace et au carnage qui laissent « soupçonner » ou penser que l’État était l’instigateur de ces crimes atroces perpétrés plusieurs heures durant (Nesroulah & Mellah, 2000). C’est au lendemain de ce drame absurde que le photographe Hocine Zaourar dévoile au monde la souffrance « pudique » des Algériens, en publiant « la Madone de Bentalha » (Guillot, 2005). Cette femme adossée à un mur exprime le profond malaise qui règne dans une Algérie « traumatisée ». Mais ce « dévoilement » a été violemment critiqué, parce que tabou dont la transgression s’avère dangereuse. Encore faudrait-il le préciser ici que le cimetière de Bentalha fut le théâtre d’une tragédie des plus atroces, et quasiment indicible. Ce lieu est alors symbole de la mort d’un peuple « rêveur d’une Algérie pacifiée» ». Des hommes et des femmes là-bas présents sont noyés dans l’assourdissant bruit des sirènes de la mort. On voit des images floues, hachées, entrecoupées, laides, etc. C’est un film dramatique sans protagonistes précis, où les regards sont « oblitérés » par la peur, l’incompréhension, l’amertume. Il y a eu une sorte d’obligation de regarder ou, du moins, de prendre position pour secourir une humanité en danger.

Radicalisé, le discours des terroristes se fonde sur une division manichéenne entre monde « croyant » et monde « mécréant ». Tout devient possible dès lors qu’un individu n’est plus inclus dans cet univers commun. De mon point de vue, les massacres commis ne relèvent pas d’une problématique raciste, puisque les terroristes armés n’éliminent pas les Algériens en tant que pères de familles, frères, amis, cousins et voisins, mais bien plutôt parce que ce sont des « mécréants ». Ces véritables exécuteurs, agissent en vertu d’une mission dont ils se sentent investis. C’est un ordre qui suppose l’Unicité du monde : un seul Dieu, une seule idéologie, une seule conscience et même une seule vie. D’ailleurs, des milliers d’intellectuels et d’artistes s’exilent, car ils se sentent d’ores et déjà étrangers au drame. Voilà comment l’Algérie se retrouve progressivement vidée de son intelligentsia et de son potentiel.

Evidemment, la persécution terroriste a détruit le bonheur de « vivre-ensemble » qui est désormais inconcevable Stora, 2001b). Le film « L’épreuve » (Elmahna) réalisé par Abdelhalim Zerrouki en 2010, montre parfaitement le sadisme de groupes islamistes qui se sont mis au service d’une guerre cruelle et incompréhensible. À plus d’un titre, ce film considéré comme un objet de mémoire dédié aux victimes, retrace avec précision les contours d’une société caractérisée par la haine de la différence. C’est en de pareilles circonstances que la vie des Algériens bascule dans l’absurdité. Humiliés physiquement et psychiquement, les hommes se cachent pour échapper à un destin monstrueux. Ils se retrouvent parfois les spectateurs impuissants du viol de leurs mères, sœurs ou épouses. Le viol « tue la femme dans la femme » comme dirait la féministe Gisèle Halimi. De même, le viol collectif constitue le stade ultime de toute cette barbarie. En quête du pouvoir, les terroristes perçoivent le corps de la femme comme un lieu de pouvoir à reconquérir. Or, vivre avec un corps « abîmé » rend cette femme déjà meurtrie dans sa chair « intouchable », voire « impossible à marier » dans une société des tabous.

A cet effet, le rescapé Yous Nesroulah (2000) décrit minutieusement dans son livre intitulé « Qui a tué à Bentalha ? » toute la violence dirigée contre un peuple sérieusement sacrifié. Les événements ont été retranscrits le plus précisément possible dans un souci de fidélité à une réalité quasi pathologique. Le témoignage « Qui a tué à Bentalha ? » est à la fois un acte de dénonciation et d’interrogation lisible à travers lequel Nesroulah montre l’évolution tragiquement logique vers l’horreur d’une violence instrumentalisée à des fins politiques. En témoigne notamment l’absence d’intervention des forces de l’ordre à proximité du lieu du drame, alors que les victimes accablées par l’épouvante d’une « nuit des longs couteaux » demandaient à être secourues !

La réconcialtion, ce mensonge d’Etat

La guerre civile a été une période sombre et « tabou » pour l’Algérie. Nombreuses ont été les victimes lâchement assassinées, torturées, harcelées et parfois forcées à l’exil. La guerre a symboliquement pris fin suite à la mise en place du « Projet de la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale » en septembre 2005, lequel aurait offert une amnistie totale aux terroristes. L’homme politique qui a échoué moralement dans sa mission de construire une société digne de ce nom aurait-il cherché à préserver l’ordre public par tous les moyens ? Cet homme-là, le président Bouteflika en l’occurrence, est porteur d’un programme de réconciliation sur lequel il a focalisé toutes son énergie. Mais il aurait fallu sacrifier quand même la mémoire des millions de victimes martyrisées pour garantir « une société de paix ». C’est une logique qui se fonde cette fois-ci sur un autre discours « au nom des martyrs algériens » ; « au nom de la souveraineté nationale » ; « au nom de la démocratie », etc. Mais cette vision n’est-elle pas d’ailleurs calquée sur le discours de l’antagoniste « au nom de Dieu » ? Beaucoup se sont interrogés alors si cette réconciliation décrétée par la Présidence était vraiment susceptible de pacifier la société et préfigurer la fin du cauchemar algérien. Et puis, comment est-ce possible d’accepter le pardon accordé aux terroristes, en tirant un trait définitif sur tous les crimes et les violences que le peuple aurait endurées ? Il est évident qu’être reconnu comme victime empêchera l’individu de se venger dans le sang. Cette reconnaissance « victimale » est primordiale pour sauver ce qui lui reste de dignité, sachant que l’impératif de vengeance (« œil pour œil, dent pour dent ») a largement façonné jusqu’ici les mœurs de la société traditionnelle.

A dire vrai, on chemine laborieusement vers l’effacement de la mémoire collective au lieu d’aller vers un sérieux travail de vérité et de réparation. L’État a accordé une amnistie totale aux terroristes par le biais d’un référendum et des urnes. Mais cette démarche politique demeure largement insuffisante au regard des crimes commis. La victime a été exclue de surcroît des circuits d’échange et de négociation générés en vue d’établir une transition politique. Cette « seconde mort » justifie ici le retour de la vengeance, et ce d’autant plus que les terroristes ont bénéficié d’offres d’intégration et de récompenses après les années de violence (logement, soin, éducation, travail, etc.). N’est-il pas une négation « malveillante » de la victime, contrainte de vivre désormais avec son bourreau ? On s’interroge justement ici sur le rapport des institutions juridiques aux crimes perpétrés puisque la violence terroriste a pris, semble-t-il, une forme d’une violence « fondatrice » d’une nouvelle justice marquée par « l’impunité des crimes ».

En réalité, la réconciliation nationale n’est finalement qu’une « projection politique » pour occulter la vérité des faits au point qu’elle devienne un mensonge d’État « Plus jamais ça ! ». La répression des revendications véhiculées par des mouvements associatifs des victimes des terroristes (l’ANFV et le Collectif des Familles de Disparus notamment) en est un exemple édifiant. Dans l’idéal, ces mouvements-là participent à la « dépolitisation » de la vie publique, en transcendant les préjugés, les tabous et la censure (Benrabah, 2000). Ce qui montre bien la difficulté de l’État algérien à concilier politique du pardon et mémoire du massacre du peule. C’est la défaite de la culture politique inconciliable avec les valeurs démocratiques.

Aujourd’hui, la guerre « d’entre nous » reste encore le symbole d’une situation politique malsaine et inextricable. Ces Algériens assassinés et enterrés sans sépulture sont tout aussi innocents que les survivants. Vingt ans plus tard, aucun lieu mémoriel n’a été inauguré pour rendre hommage aux victimes de Bentalha sacrifiées. C’est pourquoi il est urgent de regarder en face la barbarie dont le peuple est victime. Un monument érigé en l’honneur des victimes de la décennie noire est nécessaire afin de lutter symboliquement contre l’oubli et le mépris de la vie humaine. Ces souffrances « d’origine socio-politiques » déniées sont telles « des braises qui crépitent dans des cendres refroidies d’un feu de mort » dirait Claude Allione. Reconstruire une mémoire collective, dans tel contexte, ne se réduit pas à des offres compassionnelles et provisoires (pension symbolique, centre d’hébergement, écoute et/ou soutien psychologique, etc.) qui permettent certes de colmater les brèches sans pour autant régler la problématique de la responsabilité. Cette politique totalisante a été largement critiquée dans la mesure où le travail de deuil, de mémoire et de vérité ont été détruit au nom de l’idéal républicain « l’unité nationale ». Or, la reconnaissance de la victime exige nécessairement le respect des droits– que ce soit pour les morts ou les vivants – à travers lequel s’enracine le sentiment d’apaisement dans leurs cœurs des victimes. Que l’on veuille ou pas, la politique de « l’oubli forcé » maintient l’individu dans une position de victime éternelle dont sa double blessure reste sans guérison possible. En plus de la négation des droits d’un peuple endeuillé, une histoire de haine officielle se construit pour empêcher le travail de «réconciliation- reconstruction» dans une « société de mépris » rompue à la haine de la parole.

Chérifa Sider

Quelques références

1) Benrabah, D. (2000, février 14). Le mouvement de défense des victimes du terrorisme a été manipulé. Libre Algérie.

2) Guillot, C. (2005, octobre 6). L’encombrante « madone » d’Hocine Zaourar. Le Monde.

3) Nesroulah, Y., & Mellah, S. (2000). Qui a tué à Benthala ? Paris: La Découverte. 4) Stora, B. (2001b). La guerre invisible. Algérie, années 90. Paris: Les Presses de Sciences Po.

Auteur
Cherifa Sider

 




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Le jour où Mohamed Boudiaf renvoya sèchement Bouteflika

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Mémoire

Le jour où Mohamed Boudiaf renvoya sèchement Bouteflika

Décembre 1961. L’indépendance de l’Algérie devenait imminente et le débat sur le futur Etat algérien s’installait alors avec la passion et les calculs qu’on devine. Pouvoir civil ou militaire ? L’interrogation divisait l’état-major général de l’ALN, dirigé par le colonel Houari Boumediène et le Gouvernement provisoire de Benyoucef Benkhedda. Pouvoir civil ou militaire ?

Le mieux, estiment les chefs de l’Armée, serait encore d’ériger un chef d’Etat civil mais inféodé aux militaires. Une marionnette en costume-cravate. Oui, mais qui ? Les regards se tournent vers les cinq dirigeants du FLN détenus au château d’Aulnoy, en région parisienne, après l’avoir été à la Santé, au fort de l’île d’Aix, puis à Turquant, en Touraine. (1)

Ahmed Ben Bella, Rabah Bitat, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Boudiaf avaient accumulé, en cinq ans de détention, un capital moral qui faisait d’eux les recours privi- légiés du conflit. (1) Qui parmi eux accepterait de devenir le pre- mier président civil de l’Algérie indépendante allié aux militaires ? Pour le savoir, le colonel Boumediène dépêcha, début décembre 1961, auprès d’eux le capitaine Abdelaziz Bouteflika avec pour recommandation spéciale de privilégier la candidature de Mohamed Boudiaf à qui, selon Rédha Malek, un des négociateurs à Evian et ancien Premier ministre, «il vouait une secrète estime pour avoir travaillé avec lui».

La mission de Bouteflika, confirme le premier président du GPRA, Ferhat Abbas, «consistait à trouver parmi les cinq pri- sonniers un éventuel allié (aux chefs militaires)». (2) Le com- mandant Rabah Zerari, dit Azzedine, qui était, avec Kaïd Ahmed et Ali Mendjeli, l’un des trois adjoints de Boumediène à l’état-major général avant qu’il n’en démissionne en août 1961, est plus direct : «Bouteflika était, en vérité, chargé de vendre un coup d’Etat aux cinq dirigeants.»

Proposer la présidence à Boudiaf ? La mission était d’autant plus risquée que Bouteflika n’ignorait rien des opinions politiques de Boudiaf, notoirement connu pour être un esprit hostile aux accommodements en politique, acquis au multipartisme et à l’indépendance du pouvoir politique et dont, en consé- quence, il fallait s’attendre au refus de se laisser choisir comme paravent par les chefs militaires. Hervé Bourges, homme de médias français, qui rendait souvent visite aux cinq détenus en qualité de représentant d’Edmond Michelet, le ministre de la Jus- tice de De Gaulle, apporte un témoignage saisissant sur le détenu Boudiaf : «Je l’ai bien connu à Turquant, où il m’apparaissait comme le plus dur des cinq, le plus ancré dans ses convictions, décidé à ne pas en dévier, méfiant à l’égard de ses compagnons et de leurs conceptions idéologiques, notamment pour ce qui concerne Ben Bella dont il se séparera très vite, le soupçonnant, déjà, de vouloir s’arroger un pouvoir personnel. Boudiaf sera d’emblée hostile à l’idée du parti unique, où il voit les germes d’une dictature, même s’il s’agit de ce prestigieux FLN qui sort vainqueur auréolé de la guerre de libération et auquel il appartient depuis le début.» (3)

Aussi, le très avisé émissaire Abdelaziz Bouteflika, soucieux de garantir l’hégémonie militaire après l’indépendance, fit son affaire d’écarter l’obstiné démocrate Boudiaf au profit du

«compréhensif» Ben Bella. Ce dernier présentait l’immense avantage de ne voir aucune objection à s’allier à l’état-major, fut-ce au risque d’un grave conflit fratricide.

«L’entrevue qu’il eut avec Boudiaf se déroula très mal, rapporte le commandant Azzedine. Boudiaf a non seulement refusé énergiquement d’être coopté par l’état-major, mais s’of- fusqua que l’émissaire de Boumediène, qu’il houspilla publique- ment, lui fît pareille proposition fractionnelle au moment où les Algériens étaient appelés à aller unis aux négociations avec les Français. Il le renvoya sèchement. Bouteflika comprit alors tout l’avantage qu’il y avait pour l’état-major à opter pour Ben Bella, très conciliant et qui, d’ailleurs, prit en aparté l’envoyé spécial de Boumediène pour lui faire part de sa disponibilité.»

«Ben Bella et Bouteflika se sont fait des mamours verbaux, ils se sont séduits mutuellement avec leurs savoir-faire respectifs», a appris Ahmed Taleb Ibrahimi, incarcéré à l’époque dans un autre lieu de détention.«Bouteflika s’adressa alors à Ben Bella qui accepta d’être l’homme de l’état-major, raconte Ferhat Abbas. Cette alliance, demeurée secrète, allait peser lourdement sur l’avenir du pays.» (4) On le comprit quelques mois plus tard :

«Ce qui a poussé Boumediène à affronter le GPRA, c’était l’al- liance qu’il avait scellée avec Ben Bella à Aulnoy, récapitule Rédha Malek. Alliance réciproquement avantageuse. Boume- diène avait besoin d’un politique et Ben Bella d’un fusil.» (5)

L’émissaire Bouteflika avait réussi sa mission. Il quitte hâtive- ment Paris pour Londres d’où il appelle le colonel Boumediène pour lui annoncer le succès de l’opération. «Quelques jours plus tard, raconte Rédha Malek, Boumediène et Ben Bella ont un entretien téléphonique. Ils se disent très satisfaits de la mission de Bouteflika. L’alliance est scellée.» (5)

Bouteflika venait d’assurer l’intérêt du pouvoir militaire en écartant Mohamed Boudiaf et en propulsant Ahmed Ben Bella.

L.M.

Source : Bouteflika, une imposture algérienne, 2004, Editions LE MATIN

1. Le 22 octobre 1956, le DC-3 marocain, décollant de Rabat et transportant vers Tunis Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Boudiaf, accompagnés de Mostefa Lacheraf, a été intercepté au-dessus d’Alger par les autorités coloniales. Les dirigeants algériens devaient représenter le FLN au sommet tripartite maghrébin qui devait se tenir à Tunis les 22 et 23 octobre. Ils seront incarcérés en France jusqu’en mars 1962, en compagnie de Rabah Bitat qui avait été arrêté le 23 novembre 1955.

2. Ferhat Abbas, L’indépendance confisquée, Flammarion, 1984.

3. Hervé Bourges, De mémoire d’éléphant, Grasset, 2000.

4. Ferhat Abbas, op. cité.

5. Rédha Malek, L’Algérie à Evian, Le Seuil, 1995.

 

Auteur
L. M.

 




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Inédit. Yalla Seddiki revient sur son compagnonnage avec Matoub Lounès (II)

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Chanson kabyle

Inédit. Yalla Seddiki revient sur son compagnonnage avec Matoub Lounès (II)

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous travaillé sur la traduction sachant que vous avez commencé en 1996 ?

Yalla Seddiki : Lounès avait une vision précise du livre que nous devions écrire. Il voulait un recueil qui fût davantage une œuvre d’adaptation que de traduction. Il était conscient, nous en avons parlé quelquefois, que des vers réussis en kabyle encouraient le risque de devenir des lieux communs en français. Parfois, un texte pouvait perdre son originalité et sa force poétique dans la mesure où l’imaginaire qui a présidé au texte peut devenir quelconque une fois transposé. « Ilaq s trumit-nni yin-ek a Sdiqi !« , me disait-il. Derrière la remarque humoristique, dans la mesure où, par mes études, j’étais familier des pratiques poétiques en France, Lounès avait le souci d’utiliser cet intérêt pour tenter de trouver un équivalent à son travail.

Maintenant, soyons honnête : après l’assassinat de Lounès Matoub, amputé comme j’étais de sa présence et de son autorité, force m’était de renoncer à ces ambitions. Force m’était de m’engager dans un projet plus modeste : me borner à transposer en français la beauté des poèmes chantés par Lounès Matoub. Or, commencent alors des obstacles bien plus triviaux que la recherche d’un équivalent stylistique. Des erreurs de lecture, des imprécisions, des confusions qui peuvent s’expliquer par de multiple raisons, mais sur lesquels il est ici inutile de s’attarder. Comme je connaissais des amis de Lounès qui le fréquentaient depuis plus longtemps que moi, leur concours me fut précieux. Je pense notamment à Mourad Azouz et à Rachid Metref, à Fodil Larabi. Je pense également à Malika Matoub qui m’a permis de consulter les cahiers de Lounès dans lesquels il y avait parfois des éléments strictement personnels. Je lui sais un gré immense pour sa confiance. Concernant d’autres textes, grâce à l’épouse de Lounès, Nadia Matoub, j’ai pu consulter le cahier sur lequel il avait non seulement écrit plusieurs textes du dernier album, Lettre ouverte, mais aussi une vingtaine de textes inédits, qu’il préparait pour son prochain disque et qu’il m’annonça comme aussi réussi que Lettre ouverte. Par rapport au premier choix de poèmes que Lounès et moi avons fait, pour des raisons de place, j’en ai retranché, à regret, certains. J’y ai ajouté quatre inédits extraits du dernier manuscrit de Lounès Matoub. De plus, j’avais, en retirant des textes, un dessein secret : celui de faire un second volume en cas de succès. Certains textes retranchés par exemple, Yenna-yi aqli ad ruh’eγ, Ifis, Imcumen (1983), Tensa tafat ou Tissirt n ndama auraient intégré ce second volume. Que cet entretien me soit aussi l’occasion d’un remerciement et d’une mise au point.

Oui, allez-y.

Pour ce livre, j’ai eu la chance de pouvoir ajouter au répertoire connu de Lounès Matoub quatre textes non seulement inédits, mais que, surtout il a composés, pour certains, quelques semaines avant son assassinat. Dans l’un des textes, que je n’ai pas publiés, par exemple, il rend un hommage implicite à l’un des artistes kabyles à qui l’a opposé un conflit très grave touchant à l’honneur et à la probité. À cet égard, mes remerciements les plus vifs vont à Nadia Matoub. Sans me connaître autrement qu’à travers quelques mots que Lounès lui a dits à mon propos, elle m’a permis d’une part de consulter le cahier sur lequel Lounès a écrit une partie des textes qu’il comptait interpréter sur l’album qui devait succéder à Lettre ouverte. D’autre part, dans Mon nom est combat, elle m’a autorisé à publier les textes qui me convenaient. J’en ai choisi quatre : deux politiques et deux autres personnels. À la fois personnel et politique, un des textes est un chef d’œuvre. C’est celui qui commence par Rriγ-d nnehta n yifker. C’est une nouvelle démonstration de la richesse imaginative et poétique de Lounès Matoub ; c’est aussi une illustration de son indépendance devant quelque idéologie et quelque parti que ce soit. Cela étant dit, ces informations me permettent de faire une mise au point. Je veux parler de rumeurs propagées par certains sur Internet ou sur une certaine chaîne de télévision. D’aucuns ont désigné ces quatre textes du nom de « poèmes volés de Matoub » ou d’une expression équivalente. Qu’il soit entendu que, sur le principe de la confiance, ces poèmes me furent offerts sans la moindre contrepartie financière par la veuve du poète-chanteur. Au lieu de remercier ceux qui ont fait connaître au public ces poèmes historiquement importants, on les insulte pour une action qui mériterait la reconnaissance. Mais, concernant Nadia Matoub, ce n’est qu’une énième infamie qui lui reprochée alors qu’il est établi (grâce, entre autres éléments, aux rapports médicaux) qu’elle est une victime de ce qui se passa le 25 juin 1998 et non une complice malfaisante.

Qui a eu l’idée du titre pour le livre, Mon nom est combat, qui symbolise vraiment le poète ?

L’idée est la mienne. J’avais deux titres possibles : De l’abîme, mes hurlements ! C’est un titre d’inspiration baudelairienne. Je me suis dit que cela aurait bien plus à Lounès. Et un second, que je savais plus nettement affirmatif et tragique : Mon nom est combat (vers extrait de Tamurt-iw). Le PDG des Éditions La Découverte, François Gèze, d’une perplexité un peu froide, après avoir écouté le premier titre, me demande si je n’en ai pas un autre plus direct. Ainsi que ferait un comédien affermi par le métier, et assuré du succès qu’il aurait, tout en tremblant à l’idée d’échouer, je lui réponds par le second, Mon nom est combat, qu’il approuve aussitôt. J’aimais le premier pour l’univers romantique noir qu’il traînait à sa suite, mais je savais que Mon nom est combat était plus singulièrement frappant.

Vous faites référence à la culture européenne. Avez-vous eu des réactions de la part de personnalités européennes ?

D’abord, je précise que, auprès de mes amis français, je n’ai cessé de faire une publicité à Lounès Matoub bien avant de le connaître. Après l’assassinat, parmi les témoignages les plus émouvants, il y a celui du grand poète d’origine bretonne, Paul Le Jéloux (1955-2015). Mais, pour l’histoire, ce témoignage demeure. Compte tenu de la qualité de l’œuvre produite par Paul Le Jéloux, en miroir de l’homme de qualité qu’il était, je ne doute pas que la postérité lui donnera toute sa valeur. C’est pourquoi, je vous livre ici le contenu de cette lettre. Je ne l’ai pas relue depuis 1998, du moins jusqu’au moment où j’ai retrouvé diverses archives pour cet entretien : « Ayant lu avec beaucoup d’intérêt vos poèmes dans Polyphonies, et ayant remarqué combien votre admiration pour Matoub Lounès était grande, je me permets de vous écrire bien que nous nous connaissions peu (je suis un ami de Jean-Yves Masson, et nous avons bavardé ensemble dans un café un soir lors du Marché de la poésie, il y a deux ou trois ans…)

Je voulais vous dire mon émotion, ma révolte et malheureusement mon sentiment d’impuissance devant ce défi [ici mot incertain], cet affront fait à tout un peuple. Ceux qui assassinent les poètes, des poètes qui sont la voix de tous leurs frères, ne méritent pas de pitié. J’espère que l’on saura un jour qui a manigancé ce lâche attentat. À vous donc, poète kabyle, je voulais vous dire que sans connaître votre pays je suis bouleversé et je sais que vous saurez un jour trouver les mots qui rendront vivant à nouveau cet homme qui était un symbole de la lutte contre les ténèbres en Algérie ».

Endeuillé que j’étais, je n’avais sans doute pas estimé à sa juste valeur ce témoignage de sympathie pour Lounès et pour son peuple. Nous en avons parlé au téléphone, mais je n’ai pas eu de relation suivi avec Paul Le Jéloux. Que de vains regrets à présent. Mais j’espère que vos lectrices et lecteurs sauront accorder à cette lettre la considération qu’elle mérite.

Et dans le milieu universitaire, quelles furent les réactions à la publication du livre ?

Si vous m’y autorisez, je voudrais, avant de répondre, faire une précision méthodologique. En Occident, en France en particulier, depuis le XVIe-XVIIe siècle, une séparation progressive s’est produite, entre l’art musical et de l’art poétique. Jusque-là, il y eut de grands représentants de ce que l’on pourrait appeler comme nous le faisons pour l’art kabyle, la « poésie chanté ». Pour donner un simple exemple, Guillaume de Machaut compta parmi les poètes et compositeurs les plus considérables de son époque. Par conséquent, à considérer l’évolution permanente qui a porté la poésie et la musique aux extrémités autoréflexives de leurs univers respectifs – le silence –, il est légitime qu’un art fort ancien comme la poésie chantée puisse paraître incongru. Surtout, la chanson est devenue la forme dominante dans la culture dite populaire. Le lien entre musique et poésie est réservé à des expériences menées dans la musique moderne et contemporaine, par des artistes comme Gabriel Fauré, Claude Debussy, puis Pierre Boulez ou Benjamin Britten.

Où voulez-vous en venir ?

À ceci : que, après avoir lu ou feuilleté le livre de Lounès Matoub, Mon nom est combat, plusieurs de mes relations et amis m’ont posé la même question, sans se connaître ou se fréquenter.

Laquelle ?

« Les textes kabyles sont-ils aussi beaux qu’en français ? » Comprenez bien que je ne vois pas là un hommage au traducteur. Puisque celui-ci a toujours eu l’honnêteté de dire que les textes en kabyle sont bien plus beaux qu’en français. Ce que je veux dire c’est que, habitués à lire la poésie, à écouter la musique séparément, mes amis furent surpris de découvrir un artiste-chanteur dont les textes relèvent réellement de la création poétique et non de chanson, quand ce serait celle de grands artistes comme Jacques Brel ou Léo Ferré. Ici deux points importants demandent des précisions.

Le premier est plutôt négatif. J’ai adressé mon livre à différents responsables de centre de recherche en littérature francophone ou nord-africaine. Je n’ai reçu aucune réponse à ce jour. À telle enseigne que j’ai mis en doute la rigueur des services postaux dans la distribution des courriers. Plus sérieusement, je crois dans l’hypothèse d’une forme d’indifférence pour ce qui ne correspond pas à la doxa politico-littéraire portant sur les littératures « postcoloniales ». Lounès Matoub ne revendique pas l’arabité, n’entretient pas de rapport conflictuel avec la langue française, fait partie d’une civilisation persécutée au nom de certaines cultures défendues la critique postcoloniale. Celle qui refait la Guerre d’Algérie et adopte en France le point de vue officiel de l’État algérien comme si ses promoteurs étaient des coopérants de 1963. Je dis cela de façon un peu vive, mais je ne plaisante pas, croyez-moi. Pour un autre projet avorté, j’ai eu à discuter avec certains chercheurs (réputés). Aussitôt que l’ethnique amazighe est énoncé, que le mot kabyle est prononcé, vous êtes immédiatement soupçonné d’être un agent de la division au service d’une puissance coloniale. C’était le cas, par exemple avec une chercheuse qui a travaillé sur Tahar Djaout. Ce n’est qu’un exemple. (A suivre)

Auteur
Hamid Arab

 




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Inédit. Yalla Seddiki revient sur son compagnonnage avec Matoub Lounès (I)

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Yalla Seddiki

Yalla Seddiki

Yalla Seddiki est docteur en Lettres Modernes (Université Paris-Sorbonne–Paris IV). Ses recherches portent principalement sur les avant-gardes politico-artistiques.

Il a plusieurs fois travaillé avec Lounès Matoub pour préfacer ses disques et pour la traduction de ses poèmes. Il a traduit, annoté et postfacé le recueil de Lounès Matoub, Mon nom est combat (Paris, La Découverte, 2004). Il a coordonné un dossier de la revue Altermed consacré à Lounès Matoub. Avec le photographe Yazid Bekka il est le co-auteur de Kabylie, belle et rebelle (Paris, Non Lieu, 2006). Il est, par ailleurs, l’auteur de nouvelles fantastiques et de textes poétiques publiés en France dans différentes revues. Actuellement, il anime une émission culturelle sur Berbère Télévision. Pour la première fois, Yalla Seddiki livre, dans cet entretien en deux parties, un témoignage unique sur sa rencontre avec Lounès Matoub et le processus d’écriture de l’ouvrage « Mon nom est combat », édité chez La Découverte.

Le Matin d’Algérie : Quelle image gardez-vous de Lounès Matoub ?

Yalla Seddiki Quel ami pour ses amis !/Pour ses gens et parents, quel/Seigneur ! Quel/Ennemi pour l’ennemi !/Quel chef pour les intrépides/Et constants !/Quel jugement, pour les sages !/Pour les plaisants, quelle grâce !/Quel grand sens !/Bénin pour ses dépendants/Mais, pour les méchants hardis, /Quel lion !

De Lounès Matoub, je garde l’image de ce triste chevalier, qui – par la beauté de sa poésie et de sa musique, la singularité de sa vie saignée de périls incessants – a imprégné son époque et qui, si nous nous y prenons ainsi qu’il convient, pourra diffuser son heureuse influence sur les époques à venir. J’ai commencé ma réponse par la citation de ce grand poète espagnol, Jorge Manrique, lui-même guerrier, mort au combat contre les armées communément appelées « maures ». Le texte fut composé en l’honneur de son père. Le lecteur n’aura pas de difficulté à retrouver, dans ce poème du XVe siècle, l’esprit qui a animé la personnalité de Lounès Matoub et le rang qu’il a imposé à la postérité : « Mais, pour méchants hardis, /Quel lion ! ».

De Lounès Matoub, je garde l’image d’une glorieuse figure qu’il faut insérer dans une lignée singulière. Je pense à cette couche d’individus si plein de l’orgueil de déplaire, exerçant pourtant une séduction sans pareil ; elle traverse la frontière au-delà de laquelle la beauté de l’art et celle de la vie se confondent et se dépassent dans l’expérience intense, mais mortelle, de l’éphémère. A fortiori quand, aussi appliquée à se mettre à l’épreuve du monde concret, ces gens se heurtent contre les obstacles de la réalité. Parmi eux, le premier à affronter sera celui de l’histoire dont l’avènement se confond pour eux avec l’émancipation des êtres.

Je garde le souvenir d’un homme imparfait, enclin à faire l’expérience d’une vie multiple et intense, fût-elle hostile à son intérêt. Mais je garde le souvenir d’un homme qui a su s’observer et observer ses contemporains de sorte que ses vices secrets et ceux des autres fassent l’objet d’une transposition poétique à même de fixer en objet esthétique et émotif les élans de l’esprit et du corps : « Miroir, je t’ai offert mon visage/tu le lapides de cicatrices», dit le poète. « Dressé pour affronter mon désir,/il exige de moi ceci : /son sang ou le mien/ c’est lui ou moi. » Le miroir aurait pu lui montrer un visage que le temps charge de grâce et de noblesse. Dans le reflet, dans cette excoriation répulsive, Lounès ne voit que la monstruosité qui fonde l’être. Et ce désir fait pour nourrir l’énergie à même de d’offrir l’épanouissement ne peut se réaliser qu’au prix d’un déchirement au cœur de l’individu, une rupture qui conduit le moi à la destruction. Et encore, ce texte, écrit en 1977, à l’âge de 19 ans, est une oscillation entre l’individu intime et l’individu faisant partie d’une collectivité. Dans la continuité de cette idée, je vois Lounès Matoub semblable au personnage d’Œdipe tel que décrit par Nietzsche dans ce passage que je cite souvent. C’est « un homme plein de noblesse, destiné, malgré sa sagesse, à l’erreur et à la déchéance, mais qui, par l’excès même de ses souffrances, exerce autour de lui une action magique bienfaisante dont la force est telle que les effets s’en font encore sentir après la mort. »

Mais, comme ce héros des temps modernes n’est pas seulement l’explorateur du gouffre intime, de Lounès Matoub, je garde le souvenir des Kabyles de 2001 qui ont porté l’effigie du grand poète comme l’oriflamme où se hissait haut l’espoir de leur émancipation. Une déscolarisation précoce, des tentations multiples en contradiction avec la discipline qu’exige l’accomplissement artistique du niveau atteint pour Lounès Matoub n’ont pas eu raison de sa volonté. Les rencontres, la lecture, son désir permanent d’innover, de « dynamiser » le passé pour qu’advienne l’utopie, son instinct critique et sa quête raisonnée de la liberté pour lui et les autres ont permis à Lounès Matoub de forger une vision cohérente de l’histoire. Avec ses évolutions, ses corrections, son projet politico-historique est sans ambiguïté. Établissement d’un État amazighe, que ce fût dans le cadre d’un État-nation, d’un État fédéral, voire de Républiques régionales ; promotion d’une société sécularisée dans le cadre d’une transmission des savoirs scientifiques et philosophiques ; émancipation des femmes ; constitution de nouveaux récits historiques pour la constitution d’un peuple amazighe, etc. : tels sont les principes autour desquels s’organise la vision politique de Lounès Matoub. Cette conception est faite pour diviser ce qui était faussement uni, et pour unir ce qui était faussement divisé. C’est pourquoi il faut prendre garde que, armée d’une critique sans repos, la pensée de Lounès Matoub ne perde sa charge négative par falsification et récupération.

Pourquoi avoir choisi spécialement de faire un livre sur Matoub Lounès ?

La réponse est à la fois aisée et complexe. Toutefois, puisqu’il faut une réponse précise, je dirai que Lounès Matoub fait partie des mythes de mon enfance.

Avant d’expliciter ma réponse et de l’illustrer de façon anecdotique, je tiens à exprimer l’espoir que les éléments que je vais vous fournir ne paraîtront pas superfétatoires à vos lecteurs. C’est que, que je le veuille ou non, depuis maintenant plusieurs années, mon parcours intellectuel et ma sensibilité sont liés à Lounès Matoub. Parce que j’ai travaillé avec ce dernier, parce que j’ai réalisé un travail plus important sur lui après son assassinat, et que, sous différentes formes, j’ai encore continué à évoquer ce haut personnage, ceux qui me connaissent créent une filiation qui me relie toujours à lui. Quelques personnes, parmi les nombreuses qui qui aiment Lounès, et qui ont entendu parler de mon travail, nous associent tous deux.

Cette association est parfois gênante car l’on voudrait que son propre travail soit visible en dehors de la sphère d’influence matoubienne ; l’on voudrait éviter que certains malveillants pensent qu’il s’agit là d’une source de récupération et d’un manque de projets individuels. Simplement, le travail sur Lounès est plus remarquable que d’autres. Cette mise au point étant faite, et pour en revenir à cette idée que, à l’initiative de ce projet, il y a le récit fondateur de mon imaginaire, le choix de travailler sur Lounès est, d’une certaine façon, déterminé depuis mon enfance.

Comment avez-vous découvert Lounès Matoub

J’ai découvert le travail de Lounès Matoub à la publication de sa première cassette Ay Izem.

Un de mes cousins, Salem (dit Mohand), travaillait à l’hôtel Tamgout à Yakouren. Nous sommes d’un village situé sur la route littorale qui va de Tigzirt à Delles. Retour à la maison, il ramenait les cassettes qui sortaient en France. Très peu de gens disposaient de magnétophones. Et ceux qui en avaient achetaient peu de cassettes. Quoiqu’il en soit, mon cousin fut le premier qui introduisit cette nouvelle voix dans le village, sans doute dans tout le voisinage. J’appris les poèmes chantés de cette première œuvre, puis celles des cassettes suivantes. Je les fis découvrir, en les chantant, à mes jeunes amis du village. Vous avez compris quel intérêt cela représente d’un point de vue sociologique. Dans un contexte où peu de gens disposaient d’outils de diffusion, j’étais, sans le savoir bien sûr, cet enfant-troubadour, continuateur de pratiques très anciennes. Bien évidemment, je n’avais pas alors les capacités critiques qui m’auraient permis de comprendre le soubassement anthropologique de mon activité portant sur la transmission d’un corpus poétique, donc d’un savoir, au sein de ma petite communauté de voisins et d’amis.

Mais alors comment l’enfant que vous étiez percevait-il la chanson de Lounès Matoub ?

Cette poésie était tout naturellement inaccessible pour un enfant de neuf ans. Des textes comme Tagrawla ou Ay Izem, avec ses références mytho-historiques à Jugarten, les néologismes aussi, ne me permettaient pas de percer la signification de cette poésie. Dans Ay Izem, la jeunesse de cette voix enrouée, si énergique après l’introduction faite d’une émotion retenue par Idir, me fascinait. Il y a avait aussi un élément visuelle qui m’intriguait beaucoup : c’étaient les jaquettes de ses cassettes. Plus qu’aucune autre, le premier choc visuel, je le reçus en voyant le travail effectué, par Miloud.J., sur le disque A ttwalliγ a ttwalliγ. Lounès Matoub y apparaît en cavalier (chevalier) numide qui vient porter secours à une femme symbolisant la culture amazighe. La femme tenait un livre auquel elle semblait attachée. Car, même dans cette situation de danger mortel, puisqu’elle était sous le risque d’être emportée par les flots, sa main serrait le livre avec fermeté. Il y avait bien sûr cette dimension fantastique qui entrait en résonance avec les contes pour enfants que j’aimais écouter. Le coursier de ce chevalier amazighe semblait marcher sur l’eau alors que la femme était soumise à la violence de l’univers, reflet tourmenté de la violence portée par l’histoire. Son livre, imprimé de caractères étranges (en fait tifinagh), ne pouvait lui service d’amulette protectrice. Vous voyez comment combinant des images visuelles, des images strictement verbales, des sons harmonieux et des sens mystérieux immiscés dans l’esprit d’un enfant, un imaginaire et une sensibilité se sont formés. Fort heureusement, ces récits et symboles confortaient l’amour que j’avais pour les paysages de mon enfance et de ma terre. Grâce, notamment à Lounès Matoub, avec une grandeur progressivement révélée, ils nourrissaient un esprit de liberté, l’esprit de notre liberté.

Comment passer de la découverte, du souvenir, à la réflexion autour de lui ? Et, surtout, que révèle la réflexion autour de Lounès Matoub.

Certes, il fallait bien passer d’un stade d’admiration contemplative à un questionnement sur les circonstances et la substance même de l’art porté par Lounès Matoub. Il faut aujourd’hui y ajouter ce que l’on ne peut faire autrement qu’appeler le mythe de Lounès Matoub : récit fondateur d’un parcours exemplaire, aux prolongements culturels et sociaux d’envergure. Il faudrait sans doute une langue qui pût à la fois combiner dans son approche, je veux dire de façon simultanée, la figure du poète, celle du chanteur et celle du militant devenue héros catalysant une énergie spirituelle et combative difficile à porter sur le terrain de l’analyse rationnelle.

Vous avez écrit « Mon nom est combat ». Comment est née l’idée de ce livre, racontez-nous les circonstances de sa naissance ?

Dans sa concrétisation, elle est le fruit d’une rencontre fortuite avec Lounès Matoub et d’un désir de participer à faire vivre et diffuser ma culture kabylo-amazighe.

Sans doute en 1991, je me trouve dans le magasin Sauviat, l’un des plus anciens disquaires installés à Barbès (peut-être dès les années quarante). Comme vous le savez, le dix-huitième arrondissement de Paris fut, des années soixante-dix aux années quatre-vingt-dix, le lieu qu’aucun artiste, qui voulait garder un tant soit peu de relation avec le public populaire, ne pouvait contourner. J’y ai habité quelques années, puis – en ceci pareil à des dizaines de milliers de nos compatriotes – j’y revenais pour le plaisir d’acheter les nouveautés de la chanson kabyle et les rééditions de musique chaabbi. Je me souviens encore d’une période, au milieu des années quatre-vingt, le samedi, où il y avait des chaînes très importantes. Elles étaient composées d’amateurs qui achetaient presque toutes les cassettes qui paraissaient. Certains acquéraient en double ou triple certaines productions introuvables en Kabylie ou d’une meilleure qualité sonore. Le niveau artistique était alors élevé. Il faut imaginer une période où, au même moment, étaient en activité des gens aussi différents que Idir, Takfarinas, Lounis Aït-Menguellet, Fahem, Ideflawen, Cherif Hamani, Hamidouche, Farid Ferragui, Amar Koubbi, Atmani, etc.

Après cette digression que j’espère instructive, permettez-moi de reprendre mon récit au moment où j’allais quitter ce disquaire. Lounès Matoub y entre à l’instant où je vais sortir. Je fais marche arrière en faisant semblant d’avoir oublié quelque chose. Je crois me souvenir que Lounès vient acheter des disques compacts vierges. Je comprends que c’est sans doute pour y enregistrer son travail car il se renseigne sur les outils qui permettent de préserver la meilleure qualité de son. Il se couvre de ce blouson trop grand pour lui qu’on lui voit porter sur plusieurs photographies. Boitant, il marche avec difficulté et s’aide d’une canne. Bien que maigre, il garde cet air de fierté et de provocation que nous lui connaissons. Le disquaire lui demande pourquoi il ne réédite pas ses anciens albums en compact-disque. Lounès Matoub prétend que ses œuvres ne sont sans doute pas d’assez grande valeur pour les exploiter avec la qualité de son propre au disque compact. Je reconnais mon indiscrétion puisque je fais semblant de regarder des cassettes alors que, en réalité, semblable à un personnage de Marcel Proust, j’espionne, impuissant, l’échange entre Lounès et le disquaire. Je suis agacé par la réponse de Lounès, mais je ne peux me mêler à cette conversation. J’eusse aimé, contre les propos qu’il tient, prendre sa défense.

Une fois qu’il a quitté le magasin, je suis quelques instants Lounès Matoub et je me décide à l’aborder. Il est accompagné de deux amis. Je discute avec lui quelques minutes et lui demande pourquoi il a prétendu devant le disquaire que sa musique n’était pas suffisamment bien faite pour être reportée sur le support numérique. Je crois me souvenir qu’il m’a donné une réponse évasive. Je lui demande si son prochain disque s’appelle, comme la rumeur le dit, Démocratie. Il me répond que ce n’est pas le titre, mais qu’il pense en avoir trouvé un très intéressant. Ce sera Regard sur l’histoire d’un pays damné. Alors très timide, sans doute un peu tremblant, je sors insatisfait de cette rencontre. Et quelques secondes après notre séparation, je conçois l’idée d’une anthologie composée de ses poèmes. Je me rappelle alors que, la première fois que j’ai tenté d’écrire quelque chose de personnel en français, c’était pour traduire Idurar n Jjerjjer et A lh’if yuran, excellent disque de 1979, d’une belle inspiration à la manière de Lh’esnaoui, avec le très bon bonjo de Sid Ali. Je me suis alors lancé dans ce projet, choisissant seul les textes et les traduisant. Grâce à la famille Guellil, alors producteurs sous la marque, si importante pour la musique kabyle, Triomphe-Musique, j’ai transmis mon manuscrit à Lounès Matoub.

Quelle a été la réponse de Lounès à la proposition ? A-t-il fallu le convaincre ?

Comme il ne m’a pas répondu, je suis allé le voir dans son village, au moment où est sorti Hymne à Boudiaf. Il a vivement critiqué ce travail en disant qu’il manquait de précision et de justesse dans les traductions. Ce sur quoi il avait bien raison. Il ajoute que, pour l’heure, il ne veut pas de ce travail, ni d’aucun autre. Toutefois, entre deux «Je ne suis pas chaud, Sdiqi» et «Sdiqi, je ne suis pas chaud», nous sympathisons. Il nous parle – à mes deux accompagnateurs et à moi – du premier souhait qu’il avait eu de faire un duo avec Ferhat Mehenni sur le titre Communion avec la patrie ; de sa souffrance face au comportement de tel poète à son égard après la tentative d’assassinat dont il fut victime en octobre 1988. Il était conforme à l’image que nous étions faite de lui. Il était colérique et sage ; brutal et bienveillant, franc et subtile. Le hasard nous a fait nous rencontrer quelquefois. En 1994, Triomphe-Musique prépare la réédition en CD de Communion avec la patrie. Comme Mohamed et Zoulikha Guellil veulent faire cela rapidement, ils me font l’amitié de me demander si j’ai les traductions de ces textes. En réalité, leur bienveillance à mon égard est déterminante. Ils comprennent que c’est l’occasion de créer un lien professionnel avec Lounès. Pour éviter un revirement, aussi bien de mes amis que de Lounès, j’ai prétendu que les traductions étaient déjà prêtes. Je réalise très rapidement le travail et le transmets au poète, mais sans le voir. Il corrige un peu, puis valide le tout. Hélas, j’ai perdu les observations de Lounès. Mais, pour l’information de vos lectrices et lecteurs, le texte de présentation du disque, est, en réalité, écrit pour partie par moi et pour partie par Lounès. J’ai un peu adapté les éléments de Lounès pour garder une cohérence dans le style. Mais c’est un texte écrit à deux.

Puis en 1995, cependant qu’il va préparer l’enregistrement de Tiγri n yemma, il passe à Triomphe-Musique et, une nouvelle fois par hasard, je m’y trouve. Il ne sort pas de sa voiture car il est pressé. Il me reconnait et me fait signe d’aller le voir. Après quelques échanges polis, il m’explique qu’il prépare un nouvel album. Il me demande si je veux toujours travailler avec lui. Je suis impressionné par la question et le ton direct, mais je feints de ne pas être très heureusement affecté par cette proposition. Vous allez voir de quelle façon, ensuite, l’idée du livre renaît de ses cendres.

Une fois que nous avons terminé les traductions de cet album, Lounès me parle d’un projet qu’il voudrait réaliser en plusieurs mois. Il s’agissait de d’enregistrer une dizaine de disques principalement composés de ses anciens poèmes chantés. Grâce à son expérience de la musique et de la maitrise du travail en studio, il voulait leur rendre une nouvelle jeunesse en corrigeant les défauts qu’il y a progressivement repérés. Comme il était en permanence en train de créer de nouvelles compositions et de nouveaux poèmes, il a abandonné ce projet.

Il me proposa alors de reprendre le projet initial du livre. Il m’expliqua que l’heure était venue de porter ensemble un grand projet et qu’il fallait faire un livre qui se distinguait des autres. Sauf erreur de ma part, sans doute en février 1996, nous avons choisi les titres. Lounès, sollicité par ses projets et les problèmes importants tant dans sa vie privée que sa vie publique, je me suis mis à travailler lentement sur le livre. Lorsque nous nous sommes vus pour la dernière fois, deux jours avant son retour fatal en Kabylie, peut-être le 10 ou le onze juin 1998, nous avons pris rendez-vous pour y travailler de façon rigoureuse en septembre 1998. Comme vous le savez à présent, je ne devais jamais revoir Lounès Matoub. (A suivre)

Entretien réalisé par Hamid Arab
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Le rachat du groupe El Khabar par Ness Prod annulé par le tribunal

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El Khabar
El Khabar

Le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs a décidé mercredi d’annuler la transaction de cession d’actifs du groupe El Khabar au profit de Ness-Prod, une filiale du groupe Cevital.

C’est en l’absence du collectif d’avocats du groupe El Khabar/Ness Prod que l’annonce a été faite lors d’une séance, aujourd’hui mercredi présidée par le juge Mohamed Dahmane.

Outre le paiement des frais judiciaires par le groupe El-Khabar, le verdict prévoit également « le retour à l’état initial de la propriété » avant la transaction. Donc l’annulation pure et simple du rachat des actifs du groupe par Ness Prod, filiale de Cevital.

Rappelons qu’en vertu de cette transaction commerciale d’un coût de 4 milliards de DA, le groupe Cevital a acquis plus de 80% des actions du groupe El Khabar, une Société par actions (SPA) incluant le journal éponyme, la chaîne de télévision KBC, les imprimeries et une société de diffusion.

Après le référé introduit par Hamid Grine, ministre de la communication et plusieurs reports, le tribunal administratif avait une première fois prononcé le gel de l’acquisition des actions par Ness Prod. Le collectif d’avocats d’El Khabar/Ness Prod décide alors son retrait le 22 juin dans cette affaire estimant qu’il était « vain de continuer à travailler sur cette affaire ».

Pour rappel, le ministère de la Communication avait introduit une action en référé auprès de ce tribunal sur la conformité du rachat du groupe de presse El Khabar par le groupe agroalimentaire Cevital en se basant sur les dispositions de l’article 25 du Code de l’information qui stipule qu’une même personne morale de droit algérien ne peut posséder qu’une seule publication périodique d’information générale.

Avec APS
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Des historiens français réclament la restitution des crânes d’Algériens à leur pays

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Colonisation

Des historiens français réclament la restitution des crânes d’Algériens à leur pays

L’opinion universitaire a pris conscience depuis quelques semaines de l’urgence de a restitution de ces crânes de héros algérien à leur pays. Seize historiens et intellectuels français et algériens ont demandé samedi à la France de restituer les crânes d es résistants algériens de 1849, détenus au Museum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris, pour « rappeler l’histoire de la colonisation ». Dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde, intitulée « Les têtes des résistants algériens n’ont rien à faire au Musée de l’homme », le collectif signataire de cette tribune, dont Mohammed Harbi, Benjamin Stora, Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Manceron et Alain Ruscio, a souligné qu’il veut « contribuer à sortir de l’oubli l’une des pages sombres de l’histoire de France, celles dont l’effacement participe aujourd’hui aux dérives xénophobes qui gangrènent la société française ».

Ils ont affirmé soutenir les appels de citoyens algériens à rapatrier ces dépouilles dans leur pays, pour « leur donner une sépulture digne, comme cela fut fait pour les rebelles maoris ou le résistant kanak Ataï et ses compagnons (en 2014) », rappelant les détails historiques de la révolte des Algériens de Zaâtcha contre l’occupation française.

« En 1847, les militaires français croient que c’en est fini des combats en Algérie, après plus de dix ans d’une guerre de conquête d’une sauvagerie inouïe. Mais, début 1849, dans le Sud constantinois, le cheikh Bouziane reprend le flambeau de la résistance. Après des affrontements, il se retranche dans l’oasis de Zaâtcha, véritable cité fortifiée où, outre des combattants retranchés, vivent des centaines d’habitants », ont relaté les historiens et intellectuels, dont parmi eux figurent Pascal Blachard, Raphaëlle Branche, Christiane Chaulet Achour, Didier Daeninckx (écrivain), René Gallissot, François Gèze (éditeur), Aïssa Kadri, Gilbert Meynier, François Nadiras (Ligue des droits de l’homme), Tramor Quemeneur et Malika Rahal.

Pour les signataires, il était « important » de relayer la pétition lancée en 2011 par l’historien algérien à l’origine de cette découverte, Ali Farid Belkadi, et celle lancée récemment par Brahim Senouci, « en rappelant la raison de la présence dans un musée parisien de ces restes mortuaires, à partir de l’histoire de l’un d’entre eux : le crâne du cheikh Bouziane, chef de la révolte de Zaâtcha en 1849, écrasée par une terrible répression, emblématique de la violence coloniale ».

« Après d’âpres combats, au cours desquels les Français subissent de lourdes pertes, l’oasis est conquise », ont-ils ajouté, citant le témoignage de Charles Bourseul, un « ancien officier de l’armée d’Afrique », dans lequel il écrivait : « Les maisons, les terrasses sont partout envahies. Des feux de peloton couchent sur le sol tous les groupes d’Arabes que l’on rencontre. Tout ce qui reste debout dans ces groupes tombe immédiatement sous la baïonnette.

Ce qui n’est pas atteint par le feu périt par le fer. Pas un seul des défenseurs de Zaâtcha ne cherche son salut dans la fuite, pas un seul n’implore la pitié du vainqueur, tous succombent les armes à la main, en vendant chèrement leur vie ».

Les signataires de la tribune se sont référés à l’ouvrage « La Guerre et le gouvernement de l’Algérie », du journaliste Louis de Baudicour qui raconta qu’ »il y eut ce jour-là huit cents Algériens massacrés.

A signaler que la pétition mis en ligne a enregistré jusqu’à ce samedi plus de 27.000 signatures.

Le Muséum s’est dit, rappelle-t-on, « prêt » à examiner « favorablement » la demande de restitution des 36 crânes de chouhada, résistants algériens morts au champ d’honneur au début de la colonisation française, conservés depuis plus d’un siècle.

« Nous sommes prêts à examiner favorablement la demande de restitution des crânes des Algériens, conservés dans notre musée », avait affirmé en juin dernier, dans un entretien à l’APS, le directeur des collections au Muséum, Michel Guiraud, qui a souligné qu’il n’y a « aucun obstacle » juridique pour leur restitution

Auteur
Avec APS

 




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